Note de l'auteur :
Avant de commencer la lecture de cette introduction et de ce premier chapitre, je tenais avant tout à vous remercier, vous qui allez vous attarder quelques instants sur les premières lignes de cet écrit et y accorder un peu de votre précieux temps…
Si vous êtes arrivé jusqu’ici, c’est peut-être que vous êtes l’un(e) de ces inconditionnels de la fanfiction, l’un(e) de ces fanas de Saint Seiya qui cherchent par tous les moyens à faire perdurer le rêve…
Ou peut-être tout simplement que le court titre de cette fic a piqué votre curiosité…
Niffelheim…
Ceux qui ont quelque connaissance en matière de cosmogonies et mythologies diverses, auront déjà bien vite compris que ce dont il est question dans cette modeste histoire, n’est autre que le royaume d’Asgard, dont les protecteurs, les Guerriers Divins, tirent leurs racines des légendes nordiques qui nous sont, malheureusement, tellement méconnues…
Que ceux qui sont friands d’histoires vites expédiées et un minimum racontées passent leur chemin…
Ici, point de litres de sang versés dès le premier chapitre ou encore d’une multitude d’affrontements sans queue ni tête dans un étalage de violence gratuite …
Niffelheim, ce n’est pas ça…Puisque c’est avant tout des personnages manipulés par des dieux cruels ou indifférents à leur peine, entraînés malgré eux dans un tourbillon d’évènements qui vont vite les dépasser; des liens qui se font et se défont, des poèmes et des chansons…
Que les amateurs d’action pure et dure fassent demi-tour… cette histoire aura son lot de combats, je vous rassure, mais ceux-ci n’apparaîtront pas avant que le lecteur ait appris à haïr ou adorer ces hommes et ces femmes, protagonistes de cette aventure…
Mais… Au fait, de quoi parle Niffelheim ?
Imaginez un instant qu’après avoir libéré le Sanctuaire d’Athéna du Mal qui le gangrenait, Seiya et ses frères n’aient pas été confrontés indirectement à Poséidon, l’empereur des mers…
Imaginez que le colérique frère du roi des Dieux n’ait jamais cherché à envoûter la belle Hilda, grande prêtresse d’Asgard…
Imaginez que cette même jeune fille, d’ailleurs, ne soit même pas Grande Prêtresse, et que ce poste soit occupé par un homme malin et ambitieux du nom de Dolbar…
Imaginez que les huit Guerriers Divins que nous connaissons soient légèrement différents de la vision que nous avons habituellement d’eux…
Enfin, imaginez, que le nombre de ces derniers ne se limite pas à 7+1 mais plutôt 24+1…
Niffelheim, vous l’aurez compris, se situe donc dans une sorte de monde parallèle, un monde dans lequel ce ne sont pas les Chevaliers de la déesse de la guerre les héros, mais bien les Guerriers Divins d’Asgard, protecteurs de la cité des anciens Dieux du Nord…
Voilà, que dire de plus, si ce n’est que j’espère du fond du coeur, que vous prendrez autant de plaisir à la lire que j’en ai à l’écrire…, et que les puristes, accros de mythologie, d’astronomie et de l’hypermythe en général, me pardonneront les quelques entorses que je me suis permis de faire…
Je tenais aussi, avant de m’éclipser une bonne fois pour toutes et vous laisser vous plonger dans l’histoire, remercier tous les gens qui me sont chers et que j’apprécie…:
A mon frère Eddie, à Manue à qui je souhaite tout le bonheur du monde, au volubile Hypérion, à la tendre Eurydice, au sympathique Spica, au génialissime Luther, au torturé Mime, à la pétillante Andrea, à ma demoiselle aux doigts de rose, aux plus belge et suisse des webmasters, au plus glouton de tous les Marcs, à la lumineuse Karo, à celui qui atteindra un jour le zéro absolu, au petit Saga mais tellement grand par le panache, au tatillon mais talentueux Camille Addams, au plus marsupial de tous les Skippy, à l’érudit Akhilleus, au plus lyonnais de tous les Cyrils, au brillant Sempai, à Skat , Ribio et Arachnus qui ont été les premiers à publier le Journal de Gigar, à Mû pour ses encouragements, à tous les gens qui se sont bidonnés sur Forum Battle et qui ont apprécié mon premier écrit, à tous les autres posteurs du forum et à tous les membres du NG Saint Seiya pour les commentaires qu’ils veulent bien faire sur mes modestes gribouillis…
A tous ces gens, merci…
Introduction
" La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste..." Victor Hugo
Voilà déjà deux heures que le repas était terminé et que les femmes avaient débarrassé la table, comme le leur avaient demandé leurs époux, ramassés comme ils l’étaient autour du grand feu qu’avait allumé Rainer, le vigoureux fils de Caspar, le bouvier.
Au dehors, de violentes bourrasques de neige s’élevaient, bruyantes, puissantes mais en aucun cas menaçantes.
Les hommes avaient appris à ne plus craindre les rigueurs de ce climat qui jadis, les avaient fait tant souffrir…
Odin, quoi qu’il se passe, leur apporterait toujours son soutien…Cela, ils le savaient et c’est pourquoi, malgré la tempête qui s’élevait au dehors, ils se sentaient en sécurité.
Tandis que le vent, à l’extérieur, faisait vibrer le verre des vitres, se cognant contre sa surface polie et transparente, les femmes et les enfants prenaient place auprès des hommes, déjà disposés en demi-cercle tout autour de l’âtre.
Par dessus le crépitement rassurant et chaleureux des flammes dévorant le bois, s’élevait la voix de ces redoutables guerriers, de ces valeureux travailleurs, ces courageux personnages qui depuis leur plus jeune âge, avaient appris à évoluer dans cet impitoyable monde de glace…
Leur monde…Asgard…
Combien de générations étaient-elles présentes, là, auprès de ces flammèches qui leur réchauffaient le visage ?
Trois ? Peut-être même quatre ? En tout cas, une chose était alors sûre : ils avaient appris, au fil des années, à savourer chacun des moments de ce genre, entourés comme ils l’étaient de leurs proches et des gens qu’ils aimaient…
Serrés les uns contre les autres, assis sur la gigantesque peau d’ours blanc que les épouses avaient installé sur le sol, ils écoutaient avec attention les récits de chacun, n’en perdant pas une miette…
Les enfants, les yeux écarquillés, grand-ouverts, admiraient, le regard illuminé, les aînés de leur famille, ces hommes qui au cours des décennies, avait surmonté bien des épreuves et vécu bien des aventures…
Mathias, le bûcheron, s’était mis debout, afin de raconter à son auditoire conquis son altercation avec une de ces mystérieuses bêtes sauvages qui peuplaient la forêt aux esprits, à l’est du palais de la Grande Prêtresse, cette vieille femme qui leur avait toujours été d’une grande aide, à tous…
De par d’amples mouvements de ses grands bras qu’il avait vigoureux, il cherchait à donner une autre dimension à son récit, le rendant ainsi plus compréhensible des petits, qui plus tard, à leur tour, pourraient le répéter à leurs descendants.
Tout le monde savait ici que le bûcheron avait la réputation de toujours exagérer ses histoires, mais personne, malgré tout, ne lui en tenait rigueur…
Après tout, l’important n’était-il pas de passer un bon moment ?
En vérité, la véracité des propos de chacun n’avait que bien peu d’importance lors de ces réunions au coin du feu…
La seule chose qui comptait dans ces moments-là était de se sentir bien, entouré, protégé, au contact des gens chers à son cœur…
Savoir si oui ou non le prolixe Mathias avait bien fendu d’un simple coup de hache le crâne d’une des créatures de la nuit peuplant la forêt interdite n’intéressait pas grand monde…
Seul comptait ce moment passé entre frères, sœurs, pères, mères, cousins, oncles, tantes et anciens…
L’osmose, dans de tels moments, était telle que même au dehors, plus rien d’autre n’avait d’importance …
A leurs yeux, et dans leurs coeurs, il n’y avait plus ni tempête, ni froid glacial, mais juste ce feu chaleureux, inondant l’intérieur de la petite maison de bois dans laquelle ils se trouvaient, de sa douce lumière orangée…
Lorsque Mathias eut fini de parler et que la pièce se remplissait petit à petit d’une sorte de brouhaha étouffé, Johann, le forgeron, que tout le monde considérait comme le chef de famille, prit la parole, se tournant vers un vieil homme, assis à l’écart des autres, sur une vieille chaise à bascule, dont le bois, rongé par le temps, semblait issu d’une autre époque.
- Allons vieux Gaünt, n’aurais-tu pas toi aussi une histoire à raconter ?
L’ancien plissa les yeux avec douceur, entrecroisa ses doigts les uns aux autres, puis après avoir pris une longue inspiration, s’adressa à son interlocuteur par ces mots :
- J’ai bien quelques récits dont je pourrais vous faire part, à tous… mais je doute qu’ils ne soient appropriés à une agréable soirée comme celle-ci…Je m’en excuse…
- Voyons vieux Gaünt, nous savons tous ici que vous êtes le plus vénérable de tous les anciens de notre famille ! Je suis certain que vous avez traversé bien de palpitantes aventures ! s’écria le jeune Richard, venant lui toucher les genoux, comme pour le supplier de leur conter, à tous, une de ces magnifiques histoires qu’il avait l’habitude de raconter aux enfants…
- Oh oui, grand-père ! Raconte-nous ! Raconte-nous ! piailla une petite fille d’à peine peut-être quatre ou cinq ans, sautillant en tous sens comme savent si bien le faire les bambins de cet âge…
Le vieillard, se penchant, saisit la fillette par la taille et la fit s’asseoir sur lui. De ses yeux ronds, la petite fille regardait le vieux bonhomme comme si elle le voyait pour la première fois ou comme si elle remarquait seulement à l’instant à quel point ses douces pupilles d’un rose cristallin pouvaient être pleines de tendresse.
Affectueusement, l’ancêtre se saisit d’une boucle des cheveux de l’enfant, et la tortilla autour de son long et gracile index.
- Il y a des histoires qu’il vaut mieux ne jamais raconter…Toutes ne sont pas bonnes à entendre…chuchota-t-il de sa voix suave, alors que ses yeux, imperceptiblement, se remplissaient de larmes.
Tout autour de lui, plus personne ne disait mot…alors que chacun se laissait troubler par l’évidente mélancolie qui semblait gagner leur aïeul…
Même les plus petits, eux aussi, s’étaient tus, comme s’ils avaient perçu à leur tour, à quel point l’émotion qui submergeait le vieillard pouvait être intense…
Johann, surpris, baissa la tête, comprenant soudain qu’il avait sûrement fait rejaillir en la mémoire du vieil homme de douloureux souvenirs…
Certains, avec timidité, échangèrent quelques coups d’oeil, alors que tous les autres avaient le regard vissé sur ce barbon qu’ils appelaient Gaünt, et qu’ils avaient appris à respecter, à écouter, mais surtout à « aimer », lui qui était le plus âgé et le plus sage d’entre tous, véritable mémoire vivante de leur modeste lignée.
Combien de temps aurait pu durer ce lourd silence, si soudain, ramenant leur attention à la réalité, la porte de la petite pièce ne s’était ouverte, faisant s’engouffrer à l’intérieur un violent courant d’air froid accompagné de nombreux flocons ?
Quelqu’un venait de pénétrer dans la modeste chaumière…
Les hommes se levèrent immédiatement, faisant un pas en direction de l’inconnu qui venait de faire irruption sans crier gare dans leur petite réunion de famille.
Certains, à une vitesse prodigieuse, se saisirent des quelques armes traînant ça et là près de la cheminée, sur la gigantesque peau d’ours.
- Hélà !! Pas un pas de plus ! grommela Albrecht, le chasseur.
- Qui es-tu étranger ? Ne sais-tu pas qu’il est interdit de faire ainsi irruption chez les bonnes gens ?!? s’écria Johann, brandissant en avant une longue pique acérée.
- Je ne sais pas qui tu es, mais sache que les bandits ne sont pas les bienvenus par chez nous ! s’exclama Mathias d’un ton rageur, le poing levé.
L’étranger, avec une infinie aisance, et ce malgré le puissant courant d’air froid qui continuait à s’engouffrer à travers la petite pièce, couvrant la table et les quelques meubles présents d’une fine pellicule de neige, n’eut aucun mal à refermer l’ ouverture.
Malgré la fine étoffe mitée qui lui recouvrait les épaules et le torse, il ne semblait pas grelotter le moins du monde…Quant à son visage, masqué par une lourde capuche de tissu marron, on ne pouvait en distinguer que ses yeux, d’un magnifique bleu azur.
Sans dire mot, il fit un pas en direction de tout ce petit monde, mais Mathias, à une vitesse prodigieuse, se jeta sur lui, tentant par tous les moyens de le stopper :
- Nous t’avons déjà dit ne plus avancer ! Tu l’auras voulu ! Yaaaaah !
Malgré l’étonnante rapidité avec laquelle le bûcheron se jeta sur lui, le mystérieux visiteur n’eut aucun mal à dévier la trajectoire de la hache de poing que son agresseur destinait à pénétrer ses chairs…
Celle-ci, avec vigueur, quitta la main de son propriétaire et alla se figer dans l’un des quatre épais murs de bois.
Mathias, groggy, s’affala, les fesses en arrière sur le sol, puis se mit à se tordre de douleur, se tenant le poignet avec force…
- N’ayez crainte…Il n’est pas cassé…Je ne vous veux de toute façon aucun mal…Veuillez me croire…finit par dire l’étranger d’une voix étonnamment douce et calme, alors que son regard venait à se perdre sur l’ancien.
Les deux hommes se fixèrent longuement, mais aucune tension que ce soit ne semblait s’élever de leur joute visuelle, de ce duel de prunelles.
Le vieillard, un sourire aux lèvres, et d’un geste gracieux de la main, invita l’étranger à se dévêtir et à s’asseoir sur l’une des modestes chaises encore inoccupées.
Médusé, chaque membre de la famille l’observa baisser sa capuche et ôter son manteau.
Quelle ne fut pas leur surprise lorsqu’ils se rendirent compte que cet homme qui avait, avec une telle facilité, contrer l’offensive de l’un des gaillards les plus vigoureux de leur famille, n’était autre qu’un individu à l’orée de sa vie, sûrement aussi âgé que celui qu’ils appelaient Gaünt.
De toute évidence, il devait avoisiner les soixante-quinze ou quatre-vingt ans, mais malgré tout, il se dégageait de lui comme une sorte d’énergie étrange, qui semblait l’avoir conservé, lui épargnant les désagréments habituels et fourbes de l’âge.
Ses cheveux, d’un magnifique gris cendre, retombaient en cascade et en de gracieuses boucles le long de son front, ses joues et sa nuque, tandis que ses deux splendides yeux bleus illuminaient son visage d’une sorte de grâce « divine ».
S’adressant au jeune Richard, l’ancien demanda :
- Mon petit, va donc chercher le manteau et la cape de cet homme et met-les à sécher près du feu…afin qu’il puisse, lorsqu’il l’aura décidé, repartir avec des vêtements secs et chauds…
L’adolescent, inquiet, se dirigea à pas lent en direction de leur étrange visiteur, puis se fit remettre par celui-ci ses fameux habits, trempés par la neige.
Une fois assis confortablement sur une petite chaise de bois, l’étranger passa sa main à l’intérieur de sa tunique et en ressortit un étrange instrument.
A la seule vue de cet objet, le regard de l’ancien changea soudain, tandis qu’au fond de sa poitrine, son cœur se mit à battre à tout rompre…
- Ainsi donc tu me l’as ramené…Je la croyais pourtant détruite…à tout jamais…marmonna le vieil homme, tremblant.
- Elle est réapparue…Ne me demande pas pourquoi…lui répondit le mystérieux inconnu.
- J’ai tellement de mal à le croire…continua l’ancien, alors qu’autour de lui, tout le monde s’était tu, comprenant que cet énigmatique personnage n’était pas un inconnu pour tout le monde ici…
- C’est Hilda elle-même qui l’a retrouvée, au pied de la statue de ton père…Je ne m’explique pas cela…Elle non-plus d’ailleurs…murmura l’homme.
Se penchant alors sur la petite fille qu’il tenait dans ses bras, l’ancien lui adressa ces quelques paroles :
- Mon enfant, s’il te plaît, pourrais-tu aller me chercher cet objet que ce monsieur à apporté avec lui ?
La fillette, sans dire mot, descendit de la chaise et trottinant, alla prendre des mains de l’inconnu, l’étrange instrument de musique, afin de le rapporter à son grand-père.
- Fouuuu…C’est lourd ce truc ! souffla l’enfant, le remettant aux mains du vieil homme.
Lorsque ce dernier récupéra l’objet, et qu’il le tint en main après toutes ces années, il fut comme submergé par un sentiment de profonde plénitude, d’infini bien-être…comme s’il venait là de retrouver un être cher, depuis longtemps disparu…
- Je ne comprends pas…Je l’ai pourtant vu partir en lambeaux le jour où nous nous sommes entretués lui et moi, à la porte du château…bredouilla le vieux Gaünt, une émotion presque palpable dans la voix.
A ces mots, le regard de l’étranger, à son tour, se fit plus triste, comme si le bleu céruléen de ses yeux semblait se ternir pour finalement virer à un triste gris…
- Tu avais juré de ne plus jamais en jouer…car pour toi, une partie de ton âme avait disparu avec cet instrument…rajouta posément l’inconnu.
- Oui, je m’en souviens…Mon père, Hel, nos frères d’arme…Cette lyre contient leur peine, leur tristesse, le souvenir de leur existence sacrifiée sur l’autel de la haine…Comment, alors, aurais-je pu effleurer ne serait-ce qu’une fois, les cordes d’un autre instrument ? le coupa le vieillard, caressant avec une infinie délicatesse le métal noir et étonnement chaud de l’objet qu’il tenait entre les mains, tout contre sa poitrine.
- Hilda est convaincue que c’est le seigneur Odin lui-même qui te fait ce présent…Après tout, tout cela t’a tant coûté mon ami…continua l’étrange visiteur.
- Et toi ? De combien d’amis et de frères as-tu été privé? Toi, dont le sang est la clé, toi dont les veines renferment notre salut ? Toi, le héros de la légende…
L’étranger, instinctivement, baissa la tête, plongeant son regard azur sur les épaisse lattes de bois qui couvraient le sol.
Voilà bien longtemps qu’on ne l’avait appelé ainsi, lui dont les jeunes générations avaient fini par oublier le nom…
Il sourit…Après tout, tout cela n’avait que peu d’importance…Tout cela, à présent, appartenait au passé…
- Notre souveraine se languit de toi…Comme nous tous, elle se fait vieille tu sais, et elle aimerait tant te revoir…dit-il, revenant à la réalité, et se tournant vers son vieil ami.
- Je m’en doute…Je m’en doute…Dis-lui que je viendrai bientôt lui rendre visite…Mais, et toi dis-moi ? Tu as fais tout ce chemin pour me rendre une partie de mon âme, héros légendaire ? l’interrogea l’ancêtre d’un ton quelque peu moqueur.
- Mmm…Oui…En partie…mais je dois avouer que si j’ai fait tout ce chemin moi-même, c’est pour pouvoir entendre à nouveau le son merveilleux que cette lyre peut émettre…lui confia son interlocuteur.
- Je ne sais pas si…je serais encore capable, aujourd’hui, d’en jouer…avoua le vieillard, passant une main frémissante dans ses longs cheveux blancs.
- Tu n’as qu’à essayer…lui répondit son ancien compagnon, d’une voix complice.
Le vieil homme regarda son instrument avec tendresse, et alors qu’il en effleurait délicatement les cordes, en laissa échapper une magnifique note…
- Le « Ré »…Toujours le même son cristallin…reconnut l’ancien.
- Tu vois, je savais que tu n’avais pas pu oublier comment en jouer…Tous les deux, n’avez toujours fait qu’un…ajouta l’étranger.
Le patriarche gratta une à une toutes les cordes de l’instrument, et une douce musique, petit à petit, s’éleva, remplissant la salle dans laquelle ils se trouvaient tous, allant jusqu’à couvrir le crépitement des flammes dont tout le monde s’était détourné…
- Oui, c’est comme si elle ne m’avait jamais quitté…chuchota le vieil homme.
- Mais Gaünt, tu ne nous avais jamais dit que tu savais jouer ! s’écria une des épouses présentes.
Le vieux mélomane ne prit même pas la peine de répondre à la femme. Après tout, tout cela, alors, n’avait plus aucune importance.
De sa voix presque aussi mélodieuse que la musique que laissait échapper son instrument, il invita tout le monde à se rassembler autour de lui.
Et une fois que chacun eut changé de place afin de s’approcher des deux vieillards, il leur adressa ces paroles :
- Vous vouliez tout à l’heure que je vous raconte une histoire…et je vous l’ai refusée…Mais maintenant qu’elle et moi sommes à nouveau ensemble, tout est différent…
- Tu vas nous raconter une histoire grand-père ? demanda un garçonnet.
- Vieux Gaünt? Vous êtes sûr ? s’étonna un des hommes.
- Une histoire Grand-père ? Quelle histoire ? s’écria la petite fille.
Le musicien tourna la tête en direction de son compagnon, issu tout droit de son passé, puis cherchant auprès de lui un quelconque signe d’approbation qu’il ne mit pas longtemps à trouver, il continua :
- L’homme qui est ici a fait un bien long chemin pour entendre l’histoire que je vais partager avec vous, au son de cette lyre, qui comme chacun ici, a ri, et pleuré….
- Ri et pleuré ? Que veux-tu dire grand-père ? l’interrogea Richard.
- Oh…et bien, elle n’a rien d’un instrument ordinaire…Tout comme vous, elle est vivante…Elle sait chanter, pleurer et rire…Elle est bien plus vieille que moi, soyez-en sûrs, et elle a vu et vécu bien des épisodes de notre histoire…
- Et…Et que dit-elle en ce moment, vénérable Gaünt? lui demanda un autre jeune homme.
- Elle dit qu’elle a une histoire à raconter…une histoire à la fois pleine de tristesse et de joie, baignée dans les pleurs, les rires et le sang…Une histoire unique, que vous n’entendrez plus jamais, nulle part ailleurs…Mais il est une chose certaine en tout cas, c’est qu’après l’avoir entendu, vous ne serez plus jamais les mêmes…
Une sorte de vrombissement s’éleva soudain, résultat des chuchotements et des murmures de chacun, alors que de son côté, l’étranger tira de son col une sorte de petit médaillon accroché à une chaînette.
D’un doux geste du pouce, il l’ouvrit légèrement, en libérant à sa vue un minuscule portrait…celui d’une magnifique jeune femme…
Le son de la lyre de son camarade l’extirpa de ses pensées, alors qu’inexorablement, il se sentait comme aspiré par d’anciens et douloureux souvenirs qui lui revenaient en mémoire…
- « Seigneurs Dames et Messieurs, si cela vous sied, nous voulons vous chanter une chanson des temps anciens »…Une histoire d’Amour mais aussi de haine, de joie mais aussi d’infinie tristesse…Une histoire qui vous conduira dans un royaume lointain qui vous est pourtant si proche, un monde révolu dans lequel se côtoyaient jadis les flammes et la glace…Mais il s’agit par dessus tout d’un voyage à travers votre passé, à travers votre héritage, qu’une poignée de valeureux hommes et femmes ont cherché à protéger quoi qu’il leur en coûte…
Ecouter cette histoire, c’est surtout leur rendre hommage…Apprenez, au fil des notes et des paroles, à les aimer ou à les haïr, mais je vous en prie, ne les chassez jamais de votre mémoire…
Ne les oubliez pas…
~ Introduction - Chapitre 1 ~
de Kouro
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