Niffelheim Épisode 4 : Une danse au clair de lune
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Très chère Brunhilde,
C'est le cœur serré et l'âme des plus lourdes, que je me permets de vous écrire, vous apportant, bien malgré moi, ces tristes et maigres nouvelles.
En dépit de nos incessantes recherches, pour lesquelles se relaient nuit et jour des équipes et divisions, formées de mes meilleurs guerriers, pisteurs et traqueurs, je me vois dans le regret de vous tenir informé de leur stérilité...
Depuis des lunes, les runes, aussi bien que les cartes, ne me disent plus mot...
Les hommes les plus tenaces et vaillants n'ont en leur être plus aucune ardeur mais surtout plus aucune envie de poursuivre des recherches qui leur semblent vaines, dénuées de toute issue heureuse...
Et si, par les quelques réconfortantes paroles et encouragements que je leur adresse, je parviens à rendre leur cœur moins las, le désespoir ne semble pas vouloir les quitter...
Je sais à quel point ces quelques mots vont vous heurter ma douce amie... Mais j'aimerais plus que tout, en ce sombre moment, que vous parveniez, malgré l'immense chagrin qui vous étreint, à ne plus fuir la vérité, même si celle-ci, plus que la plus pure de toutes les lames, menace, à chaque instant de vous percer au cœur...
Depuis déjà deux longs mois, le jeune souverain reste introuvable et même si mon âme me pousse à encourager mes troupes à le chercher, l'amour que j'éprouve pour ces hommes qui, jour après jour, s'éloignent un peu plus de leur famille, cherchant quelque "mirage" que jamais ils ne pourront approcher, me force à leur prêter l'oreille et à écouter leurs plaintes...
Depuis cette fameuse partie de chasse, à laquelle j'avais convié votre seul enfant, et pendant laquelle nous l'avons pour ainsi dire perdu, il ne se passe pas une nuit sans que les démons de l'incertitude et du doute ne viennent me torturer, tiraillant mon esprit de myriades de questions qui jusque là sont restées sans réponses...
Je ne puis m'empêcher de penser que, si je n'avais pas insisté pour que son altesse ne me suive ce jour-là, ce dernier serait toujours parmi nous, aujourd'hui, prêt à être investi des pouvoirs royaux, prenant place sur ce trône qui lui revient de droit et que j'occupe, par d'incessants et tristes concours de circonstance, depuis bientôt vingt ans...
Cependant, je sais que ma peine n'est en rien comparable à la vôtre, à vous qui perdez là votre unique enfant, la chair de votre chair, fruit de votre amour avec feu Gibich, mon roi et ami...
Je ne sais comment, par les quelques mots que ma bouche, tordue de douleur, parvient encore à prononcer, alléger votre peine... mais sachez que malgré le sort qui nous accable, par cette terrible épreuve, tous deux, je serai toujours là pour vous, à chaque instant, dans les moments les plus sombres comme les plus doux, restant à jamais votre obligé...
Avec toute mon amitié...
Dolbar
Sa plume, dans un léger crissement, glissa contre le papier dont il venait de noircir l'éclatante blancheur, de son écriture.
Et c'est au moment de signer, qu'il ne put s'empêcher de sourire, puis d'éclater en un puissant et strident ricanement.
Il se savait faux et particulièrement pervers... mais il lui arrivait parfois de se surprendre, lui qui pensait ne plus jamais s'étonner lui-même.
Pauvre Brunhilde... Pauvre vieille veuve qui venait de perdre là son unique enfant...
Si seulement elle savait...
Si seulement elle savait que son très cher fils n'était pas "mort", comme le prêtre cherchait à le lui faire croire...
Si seulement elle savait que c'est pour ne pas avoir à lui laisser le trône, à qui il revenait de droit, que Dolbar, avide de pouvoir, l'avait fait disparaître...
"Ce trône est à moi... et à moi seul... Je suis Roi et Prêtre à la fois... Jamais je n'abandonnerai tout ça... Jamais..." se dit-il à lui-même, alors que lentement, il se levait de sa chaise, pour se diriger vers cet homme, qui, un genoux à terre, se tenait au milieu de la pièce...
"Arcturus a choisi la brute..."
- Te voilà enfin... Tu es en retard... Comme toujours... lâcha le prêtre, d'un ton sec.
- Grumf... J'ai été retenu... Vous savez, il est difficile de ne pas attirer les soupçons... commença l'homme, penaud.
- Oui... Difficile de ne pas "attirer les soupçons" lorsque l'on est aussi discret qu'un ours blanc! pesta Dolbar.
L'homme, gigantesque, baissa un peu plus encore la tête, comme pour cacher son embarras à son souverain...
- Il n'empêche cependant, que parmi tous ces surhommes, tu es le seul à ne pas t'embarrasser de questions inutiles... continua le prêtre d'Odin.
- Il n'y a aucun doute en mon esprit votre Altesse... Votre volonté doit être accomplie... Quelle qu'elle soit... lui répondit l'homme.
- Bien Luung... Dans ce cas, suis-moi... Notre hôte nous attend... Cela serait un manque flagrant à l'étiquette que de laisser une personne de son rang sans compagnie aucune...
Son interlocuteur, ce géant, cette force de la nature, se releva rapidement, faisant craquer, en un bruit sourd et discontinu les os de son cou.
Le prêtre, quant à lui, grinça des dents, le bruit de craquement le gênant au plus haut point.
Comme ce Luung pouvait être rustre, sans souplesse aucune, sans grâce...
Les membres de l'unité Vulkan n'étaient pas réputés pour être des plus fins, mais cette "chose", cette "brute", dégageait tout autant de raffinement qu'un troupeau d'aurochs en pleine course...
Alors qu'il pressait le pas à son "souverain", il tourna soudainement la tête sur le côté, en direction de l'autel, au fond de la pièce...
Et c'est avec insistance qu'il se mit à renifler bruyamment...
- Qu'y a t'il encore Luung? s'exaspéra Dolbar.
- Mmmm... Il m'a semblé ressentir une présence, près de l'autel, là-bas... lui répondit-il de sa voix grave.
- Ce n'est rien... Sûrement l'odeur des encens que je fais brûler, en offrande à Odin... de sorte qu'il protège les gros idiots de ton espèce et pour qu'ils ne se fassent pas tuer en combat, victimes de leur propre bêtise!
Le gigantesque guerrier parut réfléchir quelques instants puis, après avoir émit un grognement indistinct, se remit à suivre celui à qui il avait juré allégeance, rattrapant ainsi le retard qu'il avait pris sur ce dernier...
Ils s'arrêtèrent tous deux à une imposante porte de bronze, dont un complexe système de loquet, semblait en garder l'accès...
D'un geste rapide, Dolbar agita sa main droite, dessinant dans l'air comme de multiples arabesques, puis prononça, tout aussi rapidement, ces quelques mots:
"Paroles et dires,
Cherchons à ouvrir,
Paroles et chants,
Un passage séant..."
Au son de cet étrange vers, le mécanisme de la porte se mit soudain à s'actionner, défaisant le complexe système de fermeture qui en bloquait l'accès.
Un léger cliquetis témoigna du succès de l'opération...
L'imposant Luung pencha la tête en avant, renifla à nouveau puis dit:
- Magie... Il n'y a jamais rien eu de bon là-dedans...
- C'est là que tu fais erreur mon cher... C'est là que tu fais erreur, lui répondit mystérieusement Dolbar, sans s'étaler davantage sur le sujet.
Il n'était pas question de perdre plus de temps...
Ils avaient tous deux un "invité" à visiter...
Le genre d'"invité" qu'on ne peut se permettre de faire attendre...
"Djenah exige le plus valeureux d'entre tous... "
Voilà de nombreuses heures qu'il dormait.
Ces derniers jours avaient été pour lui bien plus éprouvants que toutes les campagnes et toutes les missions qu'il avait pu mener au cours de sa courte vie...
Il n'avait jamais été du genre à traîner au lit, ni à paresser à la moindre occasion d'ailleurs... Pour lui, le temps était bien trop précieux pour le perdre à ne rien faire, restant à rêvasser, seul, dans un grand lit...
La récente découverte de son état n'avait, d'ailleurs, fait que le conforter dans cette idée. Il rouvrit peu à peu les yeux...
Mais ce qu'il découvrit au réveil le saisit de stupeur.
L'obscurité semblait avoir déroulé son noir manteau sur toute la surface de la petite chambre qui était la sienne depuis maintenant bien des années...
D'un geste brusque, il souleva ses draps, croyant ainsi se rendre moins vulnérable, mais lorsqu'il tenta de se lever de son lit, il se sentit violemment ramené à lui.
Manifestement, une présence mystérieuse semblait vouloir le maintenir de force dans cette chambre, alors baignée dans une obscurité quasi-totale...
"Mais comment?" s'étonna-t-il..."A cette heure, le soleil devrait déjà inonder cette pièce de ses rayons!"
Cherchant en lui-même la force nécessaire pour se libérer de cette étrange étreinte, il tenta de se débattre, contractant en un effort surhumain tous les muscles de son corps, qu'il avait alors bandé comme l'archer tend, après avoir mis en joug sa cible, la corde de son arc...
Mais il constata avec amertume que plus il cherchait à s'extirper de cette inconfortable situation, plus la force qui l'écrasait se faisait terriblement oppressante...
"Aaaargggh! Que m'arrive t-il?" se demanda-t-il, en son for intérieur.
Quelle était donc cette force, capable de le rendre, lui qui était connu pour être le plus puissant guerrier du royaume, aussi inoffensif qu'un nouveau-né?
A nouveau, il tenta de se défaire de cet écrasant poids qui l'emprisonnait chaque seconde un peu plus...
De décharges de cosmos en décharges de cosmos, il essaya, tant bien que mal, de se libérer de cette force invisible qui l'enserrait toujours un peu plus au fil des secondes, mais cette dernière, de plus en plus étouffante, ne semblait pas l'entendre de cette oreille...
- Tu te réveilles enfin... l'interrompit une petite voix de femme, presque inaudible, semblable à un murmure.
Nordr, surprit, arrêta alors de se débattre...
Se pouvait-il que quelqu'un fut, en ce même moment, dans la pièce, à ses côtés?
"Impossible!" finit-il par conclure intérieurement. "Si cela avait été le cas, j'aurais dû ressentir sa présence..."
- Voilà maintenant des heures que je guette ton réveil, fils d'Ottmar... continua le chuchotement.
- Qui êtes-vous? Et que me voulez-vous? demanda Nordr, qui avait fini par admettre que s' agiter de la sorte ne le mènerait nulle part...
- Peu importe mon nom, guerrier... Il n'est pas nécessaire d'en porter un pour exister...
- Gggg... M'est avis que c'est l'instigateur de tous ces troubles qui vous envoie... lâcha Nordr.
- De ta part, je m'attendais à un peu plus de clairvoyance, guerrier légendaire... ironisa le murmure.
- Que signifient tous ces mystères!?! Et pourquoi me retenir ainsi prisonnier? interrogea Nordr, qui brûlait de savoir à qui il avait affaire... Sortez de l'ombre, que je puisse voir votre visage! A moins que vous ne préfériez cacher votre laideur en restant dans les ténèbres?
- Ma laideur? Comme tout cela est amusant, mortel... Sache que le concept même de laideur m'est étranger, à moi, dont l'éblouissante beauté rayonne entre le Ciel et la Terre... Mais puisque tu tiens tant que cela à associer à cette voix un visage, je vais t'apparaître, telle que ton cœur te pousse à m'imaginer... lui répondit posément la voix.
Et alors qu'elle finissait de prononcer ces quelques paroles, la clarté, jusque là emprisonnée à l'intérieur de cette geôle de ténèbres, sembla revenir peu à peu, laissant apparaître à la vue du guerrier, la gracieuse silhouette de celle qui faisait tant de mystères...
Lorsque, après avoir posé son regard sur elle, il parvint, malgré la relative obscurité qui régnait toujours dans la petite chambre, à entrevoir distinctement le visage de cette femme, son cœur, en sa poitrine, se serra puis se mit à saigner...
En cet instant, oui, il "saigna", comme en ce triste jour de septembre, il y avait treize années de cela...
A sa seule vue, tous ses membres se raidirent, et sur son corps vinrent perler de minuscules gouttelettes de sueur..
- Comment?!? Non... C'est... C'est... impossible... Cela ne peut pas être vous! Vous... vous êtes morte... balbutia celui que l'on avait coutume d'appeler le "guerrier légendaire".
Nordr, alors, et malgré tout le sang froid qui était le sien, se sentit défaillir...
Tout autour de lui se mit à se déformer étrangement, puis à s'écrouler...
Le bruit sourd de son sang gonflant ses tempes lui monta aux oreilles, l'inondant, le submergeant de mille étourdissantes visions.
"Non...Elle est morte... Elle est morte il y a treize ans... Et je n'ai rien pu faire pour l'en empêcher..." commença-t-il à se dire à lui-même, comme pour fuire cette troublante apparition, qui ne pouvait être que le fruit, il en était à présent convaincu, de ces rêves qui ne cessaient de le hanter depuis "sa" disparition ...
"Il ne peut s'agir que d'une illusion" continua-t-il à se dire, comme pour tenter de se convaincre que tout cela ne relevait, en fin de compte, que de la simple chimère.
- Alors Nordr, vaillant héros, légendaire fils d'Ottmar... Toi qui désirais me donner un visage, sauras-tu te contenter de celui que je te montre en ce moment? demanda, de sa voix monocorde, la femme qui venait de lui apparaître, émergeant de l'ombre.
- Mais... par quelle sorcellerie?!? s'écria Nordr, qui redoutait alors de perdre la tête pour de bon...
- Sorcellerie? Je laisse volontiers celle-ci aux prêtres, mages et autres chamans... Pour ce qui est de mes pouvoirs, je les tire d'une toute autre source, de beaucoup plus sûre d'ailleurs, humain...
- Je ne comprends pas... Est-ce vous Krimhilde? demanda, le visage décomposé, le vaillant guerrier à la chevelure de jais.
Il avait beau chercher une quelconque différence entre le visage de la belle Krimhilde, à qui il avait fait jadis la cour, et celui de cette mystérieuse femme, qui se tenait à présent à quelques mètres de lui, il ne pouvait que trouver de flagrantes similitudes...
Ces cheveux clairs, cette peau diaphane, ces bras fins et blancs, ce grain de peau si délicat... et cette odeur de mauve musquée... si enivrante, si entêtante...
Ses yeux, d'un bleu gris sans fin, et ses lèvres charnues mais délicates ne faisaient plus aucun doute possible...
Il avait bien devant lui la belle Krimhilde, sa chère et tendre, la seule femme qu'il eut jamais aimé... la seule femme à avoir jamais fait battre son cœur... son seul et unique Amour..."à jamais"...
Sans qu'il cherche un quelconque instant à les retenir, des larmes commencèrent à perler au coin de ses deux magnifiques yeux bleus, puis roulèrent, en une rapide chute, le long de ses joues, rosies par l'émotion...
- Oh douce Krimhilde... Si vous saviez comme je regrette de ne pas avoir été là quand ces fous ont lancé, sur le palais, l'assaut qui vous a tant coûté... commença t-il à lui dire... Mais malgré tout, j'ai récupéré votre seul fils et l'ai élevé comme le mien... Oooh, si seulement vous saviez comme aujourd'hui, je peux me sentir faible...
Le visage de la jeune femme se fit des plus doux, puis c'est à pas lents que cette dernière s'approcha de plus en plus près du guerrier, venant s'asseoir tout près de lui, sur l'épais matelas, pour ensuite, avec délicatesse, poser sa gracieuse main sur le front de ce dernier...
- O Nordr, brave parmi les braves, fort parmi les forts, sage parmi les sages, brillant fils d'Ottmar et "illustre épée dans un fourreau de bonté", je sais à quel point ta peine, en voyant un tel visage, est grande et profonde, mais garde donc tes larmes pour ta véritable aimée, lorsque, de l'autre côté, tu iras la rejoindre...
- Je... je ne comprends pas... N'êtes-vous pas la douce Krimhilde aux cheveux d'ange? Votre regard... est pourtant le même... balbutia l'homme, dont les larmes, en effet, à ce seul contact, commençaient à se tarir...
- Vous, humains, n'accordez d'importance, qu'à ce que vos yeux veulent bien vous montrer, et ignorez ou dédaignez ce que votre âme, seule, ne peut que deviner ou entrapercevoir... Tu voulais de moi que je t'apparaisse au grand jour... et j'ai choisi, pour cela, de le faire sous les traits de celle dont tu cherchais ardemment à revoir, ne serait-ce qu'une fois, le doux visage...
- Mais... mais... Comment l'avez-vous su ? Comment saviez-vous que j'aurais, c'est vrai, tout donné pour la revoir, même un court instant...? l'interrogea, ému, le vaillant guerrier.
- Rien de plus simple pour qui sait lire, comme moi, les passions des humains... lui répondit la jeune femme.
- Je ne comprends pas... Que me voulez-vous? Que cherchez-vous donc à me dire? lui demanda Nordr.
- La situation, légendaire héros, est grave... Et si je viens te trouver en ce jour, c'est pour te mettre dans le secret... Car comme l'implacable "Schicksal" l'avait annoncé, le destin du courageux peuple d'Asgard va une nouvelle fois se jouer à peu de choses... continua l'énigmatique jeune femme, sous les traits de feu Krimhilde.
- J'avais donc vu juste... Mais quelle est cette menace, qui plane, tel un vautour cherchant quelque charogne, sur nos têtes? l'interrogea Nordr, dans l'expectative.
- Le Ténébreux, aidé dans la sphère matérielle par celui qui se dit souverain, cherche à faire s'abattre sur ton cher et tendre royaume, puis sur le monde, une nuit sans fin, éternité de terrifiants tourments, prison de chaos et de douleur, dans laquelle les tiens finiront par s'éteindre, écrasés par les Géants, que tes pairs ont jadis chassé et enfermé jusqu'en Jottunheim... dut-elle lui répondre, un brin d'amertume dans la voix.
- Le ténébreux? Vous voulez dire...?
- Oui, c'est bien lui... Celui dont il ne vaut mieux pas prononcer le nom... Il y a vingt-huit années de cela, informés de ses tristes desseins, nous autres, immortels, bien à l'écart dans notre retraite, isolés des hommes, faiseurs de troubles, décidâmes, pour contrecarrer ses plans, d' investir un être humain de pouvoirs incommensurables, légendaires, quasi-"divins", faisant de celui-ci, l'instrument de la défaite du Perfide... poursuivit la jeune femme.
- Cet humain... C'était moi? questionna Nordr.
- En effet, Nordr, fils d'Ottmar... Tu es bien cet homme dans lequel nous avons insufflé notre pouvoir... De la barbe soyeuse de Thor (1), tueur de Géants, nous créèrent ta chevelure... De mon sein droit, naquit ton robuste corps... Et des yeux morts de Hodr (2), nous façonnèrent ton regard... Ton courage et ta sagesse, eux, vinrent des larmes que versa pour toi la sublime Loreleï (3) aux cheveux couleur de soleil et aux yeux couleur du Rhin...
- Voilà donc d'où provient cette force qui coule en moi... comprit Nordr.
- Oui... Mais ne va pas cependant croire que tu ne l'as pas méritée... car cette puissance, c'est à toi et à toi seul que tu la dois... Ce sont tes efforts qui t'ont permis de chaque jour, devenir un peu plus fort encore...
Même s'il n'aimait pas se sentir au-dessus des autres hommes, le vaillant Nordr devait bien reconnaître que de par ses étonnants pouvoirs, il avait toujours été "différent"...plus habile et plus prompt à comprendre les choses qui l'entouraient...
- Mon destin est donc de m'opposer au perfide, et de contrecarrer ses plans? la questionna-t-il.
- A l'époque, trop fiers, nous n'avions pas même envisagé une seule seconde que le Ténébreux puisse découvrir la vérité à ton sujet, lui qui contrairement à moi, ne peut voir que ce qui lui est apparent... Toujours est-il que récemment, et par je ne sais quel procédé, il fut mis au courant de nos plans et insinua en toi un mal que moi-même, je ne peux extraire de ton enveloppe et que seul le Père, mon époux, pourrait t'ôter...
- La tumeur... C'est donc ça... comprit-il soudain, alors que les paroles de Hel lui revenaient en mémoire...
- Jamais nous n'aurions cru que le Ténébreux, même s'il est très malin, ne parvienne à se jouer de nous de la sorte... En introduisant cette "chose" en toi, t'affaiblissant dangereusement, il réduit à néant les moyens que nous avions mis en œuvre pour contrecarrer, en secret, ses plans...
- Mais ce mal mystérieux qui me ronge... N'y a-t-il vraiment aucun autre moyen de le combattre? demanda Nordr avec vigueur.
- Je te l'ai dit... Le Perfide a été cette fois cent fois plus malin que nous nous ne l'avons jamais été... Ainsi diminué, il t'est impossible de le vaincre... Nous avons échoué... dut-elle admettre.
- Je refuse de le croire! Je ne peux abandonner avant même d'avoir combattu! s'écria Nordr.
- Allons fils d'Ottmar, qui t'a parlé d'"abandon"? Qui t'a parlé de "défaite"?
L'homme resta coi un court instant, alors que son regard venait croiser celui de celle avec qui il s'entretenait.
C'est, cette fois, avec un soupçon d'ardeur dans la voix, que la mystérieuse femme reprit:
- Le Schicksal est catégorique... Tu n'es plus le "sauveur"...Cette "tumeur" qui, petit à petit, t'éloigne du monde des vivants pour te rapprocher de celui des morts, t'en a ôté l'honneur... Le destin a choisi un autre champion... un autre héros...
Nordr, à ces mots, ferma les yeux, puis d'un geste lent, laissa tomber sa tête en arrière, seule partie de son corps qu'il pouvait encore bouger.
- Non... Siegfried... Mes craintes étaient fondées... C'est sur ses jeunes épaules que repose l'avenir de notre peuple, de notre royaume, et de notre monde... reconnut-il.
- Oui, c'est bien sur lui que se sont posés les yeux du Schicksal... C'est lui qu'a désigné le Destin pour te remplacer... Toi-même, fils d'Ottmar, l'avait ressenti... Tu savais qu'il serait amené à prendre les armes et à sauver sa patrie... lui murmura-t-elle.
- Je le reconnais mais... Il n'est pas prêt... Et la dizaine de jours qu'il me reste ne sera pas suffisante pour faire de lui mon égal... lui rétorqua-t-il.
- Mais en ses veines coule le sang du Dragon... Quant à cette période de dix jours, tu peux d'ores et déjà l'oublier... car la véritable bataille, elle, risque de débuter d'un jour, voire d'une heure à l'autre... Et pour que ton jeune disciple découvre sa véritable puissance, dépassant même la tienne, il n'y a qu'un seul et unique moyen...
Nordr resta comme accroché à ses lèvres... Mais où voulait-elle donc en venir?
- Je ne comprends pas... Comment pousser Siegfried à s'éveiller à la véritable nature de son cosmos?
- Funestes et terriblement noirs sont les mots qui s'apprêtent à sortir de ma bouche, mais aussi pénible que soit ma tâche, je me dois te les dire...
- Je dois savoir! Répondez-moi!
La jeune femme détourna le regard de celui à qui elle allait devoir annoncer une bien triste nouvelle, puis, le cœur lourd, elle dit:
- Pour que sa véritable force émerge... son propre maître, devra le combattre jusqu'à la mort... Ainsi en a décidé le Schicksal, et il ne peut en être autrement, noble fils d'Ottmar...
Nord ferma doucement les paupières, comme si cela pouvait lui permettre de mieux "digérer" l'affreuse et pénible vérité que venait de lui annoncer celle qu'il soupçonnait être de nature divine.
- Je comprends... C'est à moi et à moi seul de lui enseigner cette dernière leçon... C'est à celui qui lui a tout appris de se sacrifier pour que sa véritable force se révèle au grand jour... conclut-il avec résignation...
- Ainsi, même si tu n'es plus celui par lequel viendra notre salut, tu en restes l'élément déclencheur... car comme tu l'as dit, c'est par ton sacrifice que le Ténébreux sera chassé...
- De toute façon, je suis condamné d'une façon ou d'une autre... Mais une chose est sûre: c'est que je n'abandonnerai pas avant même d'avoir pu lutter! continua-t-il.
- Je suis heureuse Nordr, d'entendre par ta bouche de telles paroles, à la fois empruntes de courage et de foi en ton idéal... Et je saisis seulement maintenant à quel point, avec mes semblables, nous avons pu créer un être exceptionnel... lui dit-elle, alors que du plat de sa main, elle caressait le torse en sueur et couvert de cicatrices du guerrier...
- Puisque l'implacable destin en a décidé ainsi, alors j'accomplirai la tâche qui m'a été confiée... même si l'idée de devoir me dresser contre celui que je considère comme mon fils m'emplit d'une profonde tristesse...
- Cependant, fils d'Ottmar, tu ne devras révéler à personne, pas même en celui en qui tu as le plus confiance, le secret dont je viens de te faire part... Car alors, qui sait ce qui pourrait, par inadvertance, arriver aux oreilles du Perfide?
- Mais?!? Et les autres? Et Hermod, Eldir, Sif? Que va-t-il advenir d'eux? Ils suivront, sans aucun doute, leur chef, dans cette stupide bataille!!! s'écria Nordr, soudain inquiet pour les membres de son unité.
- D'autant plus que comme toi, ils ont été choisi pour endosser les légendaires habits divins...
- Vous voulez parler des... armures divines? Celles que portent au combat les... les Guerriers Divins d'Asgard? s'étonna l'homme, les pupilles écarquillées.
- Oui... Dans sa grande folie, et sans en informer son Dieu, le prêtre a décidé de les réveiller... puis de les diriger sur le Sanctuaire d'Athéna, gardienne de l'hémisphère sud...
- Mais c'est une véritable folie!!! Car même si Athéna, au cours de la bataille fratricide qui vient de purifier son Sanctuaire, a perdu bon nombre de ses meilleurs soldats, elle reste protégée par d'étonnants cosmos!!! s'écria Nordr.
- J'en suis tout à fait consciente... Et c'est pour cela que la jeune prêtresse devra, guidée par son étoile gardienne, faire appel aux sept guerriers, protecteurs de Polaris, pour s'opposer aux ambitions démesurées de ce fou...
- Oh nooon... comprit alors Nordr. Nous nous dirigeons tout droit vers une guerre entre Guerriers Divins...
- Après les chevaliers d'Athéna, c'est aux protecteurs d'Asgard de s'entredéchirer... Comme si la leçon n'avait pas suffi...
- Et les autres, dont la vie va être sacrifiée sur l'autel de la folie...sont-ils au courant?
- Non... Bien sûr... Les mettre dans le secret pourrait remettre en cause la trame du destin...
- Comment?!? Mais n'ont-ils pas eux aussi le droit de connaître la vérité? N'ont-ils pas eux aussi le droit de savoir qu'on va les utiliser? demanda Nordr.
- Non, je te l'ai dit... Le Destin a déjà écrit le déroulement de l'histoire... Seule son issue en reste incertaine... Leur dire la vérité pourrait remettre en cause notre hypothétique victoire... Tu dois te faire à cette idée...
- C'est abominable! C'est trop cruel! Vous n'avez pas le droit de leur mentir ainsi! Vous ne valez en réalité pas mieux que ceux que vous combattez! hurla Nordr, dont la gorge venait une fois de plus de se serrer...
- Cruel? Oui, peut-être le sommes-nous... Car jamais nous n'avons pris en considération les peines des mortels, lorsqu'il est question de la survie de notre royaume... que dis-je, de notre monde...
- Je n'arrive pas à croire que nous allons vous servir de "jouets"...de vulgaires pions avec lesquels vous allez vous disputer le sort du monde... cracha Nordr, la voix pleine d'amertume.
- Ils devront, chacun, choisir leur camp... en fonction de leurs but, de leurs états d'âme, ou de leur ambition, pour certains... C'est la seule voix de leur cœur qu'ils écouteront dans cette bataille, et non la nôtre... répondit la jeune femme.
- Frigg (4) ! Vous n'en avez pas le droit! J'irai seul, s'il le faut, donner ma vie pour que Siegfried devienne ce sauveur dont vous attendez tant la venue, mais je vous en prie, éloignez les autres de ce stupide conflit... Ils ne méritent pas de mourir... Faîtes-le, par pitié, je sais que vous en avez le pouvoir! tenta de lui dire le légendaire héros, priant en lui-même pour que son plaidoyer émeuve la déesse qu'il avait reconnu...
- Je te l'ai dit fils d'Ottmar, le sort en est jeté... Déjà, le Schicksal (5) a choisi qui rejoindra chaque camp... même si pour cela, il doit dresser le père contre le fils, le frère contre le frère, et l'aimé contre l'aimé...
- Argh! Je ne peux l'accepter... quand bien même est-ce la seule solution... Je n'arrive pas à me résigner à les voir tomber, les uns après les autres, parce que tel est là votre seul désir! s'offusqua Nordr.
- Et c'est parce que tu as, contrairement à eux, un rôle capital à jouer, que nous t'avons mis dans le secret... Sinon, tu peux être sûr que toi aussi, tu n'aurais rien su de cela... Telle est notre volonté, et celle-ci doit être appliquée... Si tu tiens réellement à laisser à ton peuple une chance d'être sauvé, tu devras te taire, et ne rien révéler à quiconque de cet entretien...
La mystérieuse femme, à ces mots, se leva, puis se dirigea à nouveau dans l'ombre, de là où elle était apparue...
- Attendez! Ne partez pas! Vous ne m'avez pas encore tout dit, je le sens! lâcha Nordr, comme pour la retenir.
- Le reste, c'est à toi et à toi seul de le découvrir... Mais il y a aussi des choses que tu ne dois pas savoir, au même titre que les autres... C'est beaucoup mieux ainsi... Crois moi fils d'Ottmar... murmura la déesse, avant de disparaître soudainement, se fondant dans l'ombre qui l'avait fait naître...
L'homme comprit qu'il était trop tard...
Sa mystérieuse visiteuse venait de s'en aller, comme en témoignait alors la lumière qui petit à petit, se mettait à emplir la pièce...
Nordr sentit ses muscles se relâcher, se détendre... et très vite, il put les bouger à nouveau.
Sa respiration se fit moins haletante et la sueur, sur sa peau, semblait disparaître au fil des secondes...
Un violent mal de crâne lui vrillait le cerveau, sans doute à cause de ce mystérieux "mal" qu'avait introduit en lui celui dont il ne valait mieux pas prononcer le nom maudit.
D'un geste de la main, il tâta son front, aussi chaud que la garde en acier d'une épée, lorsque le soleil la brûle de ses rayons, puis en profita pour décoller les quelques mèches de cheveux collés à ses tempes, trempées par la transpiration...
Ses pensées , immédiatement, allèrent à la douce Krimhilde, la seule femme qu'il avait jamais aimé et qui avait fini par s'éteindre, il en était convaincu, par sa seule négligence...
La déesse, en lui apparaissant sous ses traits et en parlant par sa bouche venait de lui jouer là un drôle de tour... même si c'était, au fond de lui-même, ce qu'il désirait le plus au monde.
Oui, revoir Krimhilde, revoir son doux visage...
Malgré toutes les années, il n'avait pu oublier son regard, à la fois si doux et si chaleureux...
Il n'avait pu chasser de son esprit son enivrant parfum et ses troublantes formes, qui auraient sans mal pu faire perdre la tête au plus austère et au plus chaste de tous les hommes...
Et la revoir, ainsi... avait fait émerger chez lui des sentiments qu'il croyait, pour de bon, enfouis au plus profond de son être...
Comme il était bon de pouvoir admirer à nouveau, après ces treize années, son merveilleux visage, dont l'éclatante beauté aurait même fait pâlir la divine Loreleï, qui l'avait engendré, et sa voix, douce et mélodieuse, charmante, envoûtante, veloutée...
A nouveau, les larmes lui montèrent aux yeux, même si alors, il cherchait à lutter pour ne pas se laisser submerger par la peine et la douleur qu'avait ressuscité en lui leurs "retrouvailles".
Comme le destin, parfois, pouvait être cruel...
Comme il pouvait, pour se distraire, se plaire à faire souffrir inutilement...
"Quel gâchis!" pensa-t-il. "Si j'avais été là ce jour-là, tu serais encore des nôtres aujourd'hui... et tu pourrais être aux côtés de ton fils... Oh, pardonne moi, je t'en prie... Mais bientôt, je pourrai réparer ma faute... Je ferai de lui celui que j'aurais pu être... Je te le promet..."
D'un geste de l'avant-bras, il essuya les quelques larmes qui avaient réussi, malgré l'effort surhumain qu'il avait fourni pour les retenir, à perler le long de ses joues, puis en deux temps, se releva pour finalement quitter son lit, sur lequel la marque de son corps en sueur avait laissé une profonde empreinte.
Le silence régnait à présent dans la pièce baignée de lumière, de cette lumière chaleureuse dont leur faisait don le Soleil, en cette froide matinée...
Lentement, il mit un pied l'un devant l'autre, puis se dirigea vers la porte qui donnait sur le couloir...
D'après la petite pendule qui ornait le mur coté fenêtre de sa chambre, il était déjà près de dix heures, et les membres de son unité, même s'ils avaient sûrement compris à quel point leur chef devait se sentir fatigué, devaient attendre de pied ferme sa venue...
Ils étaient tous incroyablement responsables et professionnels, mais il savait que lorsqu'il n'était pas à leurs côtés, c'est comme si quelque chose leur manquait...
Rapidement cependant, il tourna la tête, venant fixer du regard le lit sur lequel il avait dormi, espérant, inconsciemment, retrouver l'énigmatique jeune femme qui lui était apparue sous les traits de son aimée, assise sur le lit...
Bien sûr, il ne trouva rien ni personne, si ce n'est quelques gouttes de sang séché sur son oreiller, triste signature de la belliqueuse tumeur qui lui rongeait alors le cerveau...
"Puisse tout ce sang versé servir à quelque chose..." se dit-il à lui même, alors qu'il venait de se saisir de la poignée de la porte...
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"Je t'ai laissé partir"
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Je sais bien que c'est fini, |
C'est vrai... |
Mais ne crois pas que je t'oublie, |
Tu sais...
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Tes mots et tes sourires, |
Velours... |
Tes larmes et puis tes rires, |
Toujours...
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Je t'ai laissé partir, |
Je t'ai laissé mourir... |
Je n'ai pas voulu fuir, |
Crois moi... |
J'aurais voulu te dire, |
Tout ça...
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Je sais bien que même la pluie, |
Chanson, |
Ne pourrait te rendre vie, |
Pardon...
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Je n'ai pas su être là, |
Pour toi, |
J'aurais dû t'offrir mon bras, |
Comme ça...
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Je t'ai laissé partir, |
Je t'ai laissé mourir, |
Je n'ai pas voulu fuir, |
Crois moi... |
J'aurais voulu me tenir |
Là...
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Je t'ai laissé partir, |
Je t'ai laissé mourir, |
Je n'ai pas voulu fuir, |
Crois moi... |
J'aurais voulu te dire, |
Tout ça...
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Mais je t'ai laissé partir... |
Et je t'ai laissé mourir...
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Je t'ai laissé partir... |
T'ai laissé mourir...
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Mourir...
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Nordr |
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"C'est sur le déchu, qu'Alphard a jeté son dévolu..."
- Aaaaaaaaaaaaaaarghhhhhh! lâcha l'homme, alors qu'il recevait un nouveau coup en plein estomac, et que la force dégagée par celui qui le frappait l'avait envoyé voler à plusieurs mètres en arrière...
Il se serait sans aucun doute abîmé contre l'épaisse paroi de pierre du cachot dans lequel il se trouvait, si les chaînes, à ses chevilles et à ses poignets, auxquelles il était attaché, ne l'avaient stoppé dans sa course, pour le ramener au devant des deux personnages qui lui faisaient endurer ce supplice.
- Alors mon roi? La douleur saurait-elle vous faire prononcer ces simples mots? lui demanda Dolbar, un sourire sadique au bout des lèvres.
L'homme, le visage tuméfié et le corps tremblant, brisé par la douleur, releva lentement le regard vers celui qui s'adressait ainsi à lui, puis de sa bouche déformée par la souffrance, balbutia:
- Jamais... Dolbar... Je ne vous le dirai jamais!
- Vraiment? Je vous aurais cru beaucoup plus intelligent mon jeune ami... Il vous suffit pourtant de prononcer ces quelques mots: " Dolbar, vous êtes le plus grand"...Est-ce si difficile?
- Dol... Dolbar... V... Vous... êtes... bredouilla l'homme, à bout de force.
- C'est bien! Continuez! Je sens que vous allez y arriver... Ahahaha!
- ...Vous…n'êtes qu'un... chien! continua-t-il, alors qu'un épais filet de sang venait de s'échapper de sa lèvre inférieure, éclatée et complètement ouverte...
Le visage du prêtre, jusque là radieux, se changea soudain en un effroyable masque de colère, signe de sa fureur:
- Tu oses encore te moquer de moi?!? Je vais te faire passer l'envie de défier le Grand prêtre d'Odin! Luung! Frappe le!
Sans attendre d'avantage, l'imposant Luung projeta son poing droit en arrière, pour finalement le ramener violemment vers l'avant, venant frapper de plein fouet le pauvre malheureux aux côtes...
C'est dans un épouvantable râle de douleur que le captif fut projeté dans les airs, crachant au passage une quantité de sang impressionnante.
- Tu vois? Il est inutile de chercher à jouer au plus malin avec moi! De toute façon, je ne quitterai pas cette pièce jusqu'à ce que tu me dises ces mots!
Les chaînes, une nouvelle fois, ramenèrent le prisonnier au devant de ses bourreaux.
Voilà déjà de trop longues minutes qu'ils le torturaient, dans le seul but de l'entendre prononcer ces quelques humiliantes paroles...
Mais malgré la douleur qui le tenaillait, le tiraillant jusque dans la racine des cheveux, il était décidé à ne pas faire un tel plaisir à ce monstre qui le retenait ici depuis des jours entiers.
- Alors? lui demanda Dolbar, d'un ton provocateur. Cette petite caresse de notre ami Luung aura-t-elle eu le mérite de te remettre les idées en place?
- Va au diable... lui murmura l'homme enchaîné...
- Luung!
Un nouveau coup fusa, puis un autre, portés au foie et au menton.
Les chaînes qui retenaient les jambes de l'homme, cette fois, ne résistèrent pas au choc et se rompirent alors que le captif était projeté violemment jusqu'au plafond, en une gerbe de sang noir qui alla moucheter le sol rocheux de la sombre salle dans laquelle ils se trouvaient.
- Ne joue pas au plus fin avec moi! C'est inutile! cracha Dolbar avec hargne, alors que l'homme, plus mort que vif, revenait à eux, se balançant, telle une marionnette, au bout de ses chaînes...
Tout en lui n'était plus que douleur... souffrance...
- Allons, il ne tient qu'à toi de faire cesser cette torture Bragi... Toi qui te veut de sang royal: sais reconnaître lorsque tu as, face à toi, beaucoup plus fort!! lui lança le Prêtre, saisissant le jeune homme par le menton que le coup de Luung venait de briser...
Dolbar détestait bien des choses mais il y en avait une qui l'horripilait par dessus tout: "qu'on lui tienne tête"...
Et c'est justement ce que jeune "imbécile", qui osait lui résister, était en train de faire, refusant de rentrer dans son jeu...
Il aurait sans aucun doute ordonné à la brute qui l'accompagnait de continuer à marteler leur prisonnier de ses coups s'il ne s'était rendu compte que, au bord de l'épuisement, le jeune homme s'était évanoui.
- Allons bon... Le voilà déjà sonné...
- Voulez-vous que je l'achève, maître? lui demanda Luung, prêt à recommencer à noyer le jeune homme sous une myriade de coups.
- Non...Tu sais bien que nous n'en avons plus l'occasion... Nous nous y prenons trop tard... lui répondit Dolbar d'un ton sec.
- Pourquoi cela? s'étonna la brute.
- Tout simplement parce que comme toi, il a été choisi pour revêtir l'un des vingt-quatre habits divins...
- Comment? Ce chien?!? Mais regardez-le! Il n'en est pas digne!!! s'écria Luung, surpris.
- Au contraire sombre idiot... Tu ne le sais pas mais Bragi, fils de Gibich, est passé maître dans l'art du combat et on dit même de lui, là d'où il vient, que sa force équivaut à celle de dix hommes tels que toi! continua sèchement le prêtre. _Non! Cela ne se peut! Je croyais pourtant que vous aviez décidé de le faire "disparaître"!
- Oui, c'est juste... Mais la donne a été changée... Les Nornes ont été catégoriques... Il est l'un de ceux qu'Odin a choisi... Et même moi, je ne peux m'opposer à une telle décision...
Luung, ce géant, se contenta d'écarquiller au maximum les yeux... Sans doute tout cela était-il trop complexe pour son pauvre intellect.
Dolbar, lui, fronça discrètement un sourcil, avant d'empoigner le jeune captif par ses cheveux collés de sang:
- Nous n'allons donc pas te tuer, misérable larve... Nous nous contenterons seulement de te faire obéir... au doigt et à l'œil...afin que bien gentiment, tu me serves et m'honores!
D'un geste brusque, il rejeta la tête du malheureux, inconscient, en arrière, puis se frotta les deux mains l'une à l'autre, se débarrassant des quelques mèches de cheveux, sanguinolentes, qu'il avait arraché.
Se retournant, il alla plonger son regard dans celui de cette force de la nature qui le secondait, et lui lança, un ton rageur dans la voix:
- Tu vois Luung? Il n'y a qu'un roi, qu'un seul seigneur! Et c'est moi! Quiconque s'avise de remettre mon autorité en question finira comme lui! Personne n'échappera à ma suprématie! Tous devront se courber ou mourir! Car telle est ma volonté!
Le prêtre éclata en un rire strident, le rire d'un fou...
C'est avec délicatesse que la jeune femme se saisit d'une mèche de ses magnifiques cheveux argentés, qu'elle brossa doucement, en de longs et doux mouvements du bras.
La soirée qui allait bientôt débuter, elle en était consciente, promettait d'être à proprement dit "grandiose", et l'étiquette exigeait, qu'en cette occasion, elle qui allait en être le principal centre d'intérêt, se devait d'apparaître à tous les invités sous un aspect des plus irréprochables...
Bien sûr, qu'on organise spécialement pour sa venue une fête si splendide la gênait au plus haut point, alors qu'en dehors de l'enceinte du palais, des tas de gens, le ventre creusé par la faim et la chair gelée par le froid, mourraient; mais elle savait aussi que Dolbar, de toute façon, ne lui avait pas demandé son avis...
Hilda, depuis toute petite, avait toujours préféré les choses simples, sans fioritures, que lui apportait la vie, aux artifices et à la sophistication de la richesse et du prestige...
Sa jeune sœur, Flamme, était dans le même cas, elle, qui se plaisait à batifoler dans la neige, à grimper aux arbres et à sauter de buttes qu'elle gravissait sans peine...
Toutes deux, cela allait sans dire, étaient bien différentes de tous ces gens, issus de la noblesse et qui n'envisageaient pas même passer une journée sans valets ni domestiques.
Alors qu'elle continuait de se brosser les cheveux, elle se leva de la petite commode sur laquelle étaient disposés tous ces ustensiles de maquillage, pour s'approcher de la fenêtre.
Au dehors, de nombreuses voitures venaient d'arriver, et bon nombres de personnes en sortaient, se dégourdissant les jambes après de nombreuses heures de voyage, laissant les domestiques s'occuper de leur bagages et les conduire jusqu'à leurs chambres.
Comme on pouvait s'agiter, là, en bas...
L'après midi était déjà bien entamé et la majeure partie des convives étaient arrivés au palais, se préparant déjà pour la fabuleuse fête qui allait avoir lieu.
Ses yeux quittèrent cette étrange scène pour revenir à son lit, sur lequel était étendue la somptueuse robe qu'elle allait porter le soir-même.
Il s'agissait d'une magnifique tenue de bal, comme on ne pouvait en imaginer que dans les comtes de fées et les romans d'Amour à l'eau de rose qu'il lui était arrivé de lire, étant plus jeune.
Etroite au niveau du buste, elle devenait, après la taille, beaucoup plus ample, au point de rappeler l' accoutrement des courtisanes des temps jadis...
S'il avait fallu demander à la jeune princesse ce qu'elle pensait honnêtement d'une telle robe, elle aurait répondu qu'elle aurait été plus à l'aise dans quelque chose de plus simple, beaucoup plus simple même... mais après tout, et cela même si ça ne l'enchantait guère, elle savait qu'elle ne devrait supporter cela qu'au cours d'une seule nuit.
Il est vrai que porter cette chose toute la soirée n'allait pas être une mince affaire, sans compter qu'elle n'allait pas pouvoir couper au sempiternel rituel des "présentations" à tous ces gens qui se moquaient bien d'elle...
Elle ne put s'empêcher de soupirer avec force... Après tout, elle pouvait bien s'en accorder le droit, loin de tous ces yeux, habituellement braqués sur elle.
Vinrent alors à ses oreilles quelques notes de musique... puis un véritable air... d'une tristesse infinie...
"Mais...Mais qui peut bien jouer aussi merveilleusement?" se demanda-t-elle, curieuse de savoir qui était à l'origine de cette si mélancolique musique.
Sans plus attendre d'avantage, et poussée par la curiosité, elle sortit discrètement de sa chambre, de sorte à ne pas être aperçue, et longea le mur du petit couloir qui menait au petit salon de l'étage du dessous, là où on avait coutume de recevoir les plus importants de tous les invités...
Silencieusement, elle descendit l'escaliers aux antiques marches de marbre, s'aidant de la rambarde pour ne pas tomber.
La musique, quant à elle, se faisait de plus en plus entêtante, envahissante, troublante... et plus les secondes passaient, plus ses notes venaient marquer son esprit d'une empreinte indélébile, qu'elle ne pourrait jamais effacer...
C'est toujours en se faufilant, en se glissant, et en longeant les murs, qu'elle parvint à atteindre le petit salon, là où l'attendait son mystérieux mélomane.
En prenant bien garde de ne pas se faire voir, elle passa sa tête à travers l'ouverture de la porte.
Qu'elle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle réalisa que celui qui jouait, au piano, cette si fabuleuse musique, n'était encore qu'un "enfant".
"Alresha la belle à choisi pour parure un joyau de pureté, un rubis de douceur et de courage, à l'âme noble et aux traits tendres..."
Un jeune garçon, un adolescent... au visage infiniment pur, exempt de tout défaut, de toute impression de trouble...
Ses yeux, d'un vert aussi éclatant que celui de l'émeraude, soulignaient son visage des plus blancs, que venait aussi mettre en avant sa longue et lisse chevelure bleue, ramenée en arrière.
Ses doigts fins, avec habileté, venaient effleurer les touches de l'imposant instrument, comme si en fait, ils ne les touchaient même pas...
Son regard, si calme, contrastait étrangement avec la triste mélodie qui naissait de ses longs doigts.
"Quel être troublant..."
- Il se nomme Balder... Et nous sommes arrivés il y a seulement une heure de cela... la surprit une voix, dans son dos.
La jeune femme, immédiatement, se retourna, cherchant du regard la personne qui venait de l'extirper de sa "contemplation"...
Il s'agissait d'un homme de forte stature et d'âge mûr. Grand et robuste, sa silhouette laissait deviner chez lui une disposition toute particulière pour le combat et les arts de la guerre.
A pas lents, il se rapprocha de la jeune princesse, puis, se courbant, en un geste de révérence, rajouta:
- Je présume, à en juger par votre éclatante beauté, que je dois me trouver à présent en face de la princesse Hilda de Polaris, qui sera bientôt faîte Grande prêtresse...
- Oui, c'est bien moi... A... A qui ai-je l'honneur? bredouilla-t-elle, confuse, presque rougissante et honteuse d'avoir été ainsi surprise...
- Mon nom est Dankwart, actuel régent des Sudètes, terres lointaines du Nord-Est, entre la Porte de Moravie et les Riesengebirge... Et ce jeune homme, là-bas, que vous avez déjà aperçu, se nomme, comme je vous l'ai dit, Balder...mon fils et unique héritier... ma plus grande fierté...
- L'air qu'il joue est si triste, si emprunt de mélancolie... dit-elle, se rapprochant du petit salon.
Son interlocuteur la suivit, discrètement, de sorte à ce que Balder, ce jeune homme, ne s'arrête pas de jouer, puis il rajouta:
- Nombreux sont les talents de Balder... Véritable prodige, il n'y a aucun domaine dans lequel il n'excelle... Que ce soit dans celui de la musique, comme il nous le démontre ici, ou bien dans celui du combat, mon fils brille, telle la plus lumineuse de toutes les étoiles.
- Je vois... Il a pourtant l'air si calme... J'ai du mal à l'imaginer en guerrier... murmura Hilda, dont le regard s'était à nouveau perdu sur le jeune garçon...
- Il a tout juste quinze printemps et pourtant, il est déjà bien meilleur combattant que je ne l'ai jamais été... Dans la lointaine contrée dont nous venons, on l'appelle déjà "l'enfant-Lumière"...car une vieille légende de chez nous fait référence à un tel garçon, qui de par son sacrifice, conduira notre monde à renaître...
- Vous pensez réellement qu'il peut s'agir de lui? demanda Hilda.
- Oh vous savez, je n'accorde pas réellement d'importance à tous ces vieux contes et légendes... Il est mon fils, mon unique enfant, la chair de ma chair, et cela me suffit amplement... lui répondit-il en souriant.
La jeune femme comprit alors à quel point cet homme pouvait aimer son fils... et à quel point il pouvait en être fier...
- Sa mère, si elle était encore avec nous aujourd'hui, en serait infiniment satisfaite... si heureuse... poursuivit-il, un brin de nostalgie dans la voix. Ce qu'il exprime en ce moment, est la perte, ou tout du moins l'absence, de sa tendre mère...
- Oh? Je suis désolée, vraiment... s'excusa Hilda.
- Vous n'avez pas à l'être... Nombreux sont les jeunes gens à vivre ainsi, arrachés au sein maternel, avant même d'avoir pu réellement y goûter.
Revinrent alors à l'esprit de la jeune femme les visages de Siegfried, séparé de sa mère, tuée par des soldats Uutgardiens, alors qu'il avait à peine cinq ans; de Haagen, privé de ses parents et de toute sa famille, abattus comme des chiens, alors qu'ils ne portaient aucune arme; de Mime, cet étrange jeune homme, dont Volken, son père, avait mystérieusement trouvé la mort il y a quelques années de cela; de l'antipathique Erik, recueilli tout jeune par Dolbar lui-même, et du malin Albérich, qui souvent venait leur rendre visite au palais...
Tous, tout comme le jeune Balder, qui continuait à jouer cette si triste musique, avaient été "arrachés" à leurs parents, pour finalement se retrouver confrontés à eux-même...
Mais après tout, ce Balder, lui, avait la chance d'avoir encore à ses côtés un père, à en juger par la façon dont il parlait de son fils, des plus aimants...
Lorsqu'elle revint à la réalité, elle réalisa que la musique s'était arrêtée.
Le jeune homme avait cessé de jouer, se rendant compte de sa présence. Dankwart, alors s'empressa de faire les présentations:
- Balder, voici la Princesse Hilda de Polaris, future Grande Prêtresse de notre royaume... Quant à vous Hilda, laissez-moi vous présenter mon fils, Balder, futur régent des lointaines Sudètes.
- C'est un véritable honneur que de faire votre rencontre votre altesse... Vous dont on vante l'éclatante beauté jusque dans le lointain Danube, là où les sabots des montures des Huns, frappaient jadis la terre... lui adressa le jeune Balder, se saisissant de sa frêle et gracieuse main, afin d'y déposer un baiser.
- Je suis moi aussi honorée de faire votre connaissance, aimable Balder... La vôtre, tout autant que celle de votre père d'ailleurs... lui répondit-elle, d'une voix infiniment douce.
Les deux jeunes gens s'échangèrent alors un bref regard, à la fois emprunt de respect et d'admiration mutuelle, que Dankwart ne manqua pas de remarquer...
C'est ainsi qu'il rajouta:
- Et bien Balder, je sens que tu vas apprécier notre petit séjour au palais...
Lentement, la nuit avait fini par étendre son noir manteau sur l'immensité de la voûte céleste et bien que la température se fusse légèrement refroidie, il régnait toujours au dehors un air des plus doux... chose extrêmement rare en cette saison... Dans le campement, le cœur des hommes, lui aussi, semblait s'être engaillardi.
De même que les moustiques, dans les pays les plus chauds, se mettent à tourner autour d'une vive lumière, attirés par son éclat; les hommes, dans le camp improvisé qu'ils avaient établi, s'agglutinaient autour des nombreux feux qu'ils avaient allumés, dansant, chantant, cherchant à oublier le fléau qui s'abattait, en ce moment même, sur leur tête...
Le matin même, certains d'entre eux, avait ramené de Vaalsbruk, un important convoi de bêtes, qu'ils avaient subtilisé à un riche éleveur du nom de Gruber, ainsi qu'une cargaison de vin, destiné à un des seigneurs de cette région.
Quinze génisses, vingt chèvres, et une dizaines de verrats bien gras avaient été ramenés par les hommes de Karl, partis quelques jours plus tôt vers le sud du royaume, en quête d'un important larcin qui pourrait regonfler leur cœur, le remplissant de cette ardeur qu'ils semblaient tous avoir perdu depuis que Heimdall et Tholl, leurs deux chefs, avaient essuyé une "cuisante" défaite, face à un certain Syd, qui les avait tenu tous deux en échec...
Du moins était-ce ce que l'on racontait dans tout le camp...
"Alnaïr a choisi le vengeur..."
"Et Phecda le plus robuste des cœurs..."
- Allez les amis! Venez festoyer avec nous! Il y en aura pour tout le monde ce soir! s'exclama Karl, en liesse.
- Non merci... je n'ai pas réellement envie de m'amuser ce soir... Tu m'en excuseras... lui répondit Heimdall, sans même le regarder.
Assis nonchalamment sur des caisses de bois entassées en vrac, le jeune homme aux cheveux roux semblait regarder ailleurs, les yeux dans le vague.
- Mais? Heimdall? Tu es fou? As-tu vu toute cette nourriture?!? s'écria l'homme.
- Justement... Vous la gaspillez ce soir alors que bientôt, vous viendrez irrémédiablement à en manquer. le coupa Tholl, lui aussi assis, non loin de son ami.
- Je ne vous comprends pas tous les deux! Avez-vous vu, au château, ces feux d'artifice, toutes ces lumières?!? Eux, là-bas, ont organisé la plus somptueuse de toutes les fêtes et festoient à pleine panse alors que le peuple, au dehors, meurt littéralement de faim! explosa Karl.
Heimdall balaya d'un revers de la main une mèche de cheveux qui lui barrait le visage, puis, les yeux perdus dans le lointain, toujours sans regarder son interlocuteur, répondit:
- Et alors? Où est le rapport?
- Le... le rapport? Et bien... Je ne vois pas pourquoi ces gens-là, qui nous dédaignent, pourraient festoyer à leur guise, alors que nous-autres, pauvres diables, dépérissons de jours en jours!
- C'est absurde... Que ferez-vous, demain, lorsque, les vapeurs d'alcool dissipées, vous vous rendrez compte, en larmes, qu'il ne vous reste plus rien à manger...? l'interrogea Heimdall.
- Tant pis pour demain! Seul compte le présent! Nous aussi, avons le droit de nous amuser! Demain, je réunirai mes meilleurs hommes, puis à nouveau, nous ramènerons avec nous, quantité de bêtes et de vin ! s'égosilla Karl, dont le teint, petit à petit, virait dangereusement au "rouge"...
- Bien, après tout Karl... fais comme bon te semble... Va donc faire ripaille et bonne chère... Rejoins les autres, et profite de l'éphémère butin que toi et tes hommes avez réussi à rapporter de Vaalsbruk... Oublie ce que nous avons dit... ajouta Tholl, cherchant à calmer son compagnon.
Heimdall, discrètement, soupira...
"Comment peuvent-ils être aussi irresponsables? Comment peut-on chercher à s'amuser en pareil moment? " se demanda-t-il.
Karl, l'appel de la fête faisant, ne mit pas très longtemps à les quitter, allant rejoindre les autres, dont les cris et les chants résonnaient à travers toute la campagne...
Leur adressant un rapide regard de travers, qu'ils ne remarquèrent d'ailleurs même pas, il tourna les talons, grommelant en plus quelques jurons...
Tholl, alors, tourna légèrement la tête, venant plonger son regard dans celui de son ami:
- Allons Heimdall... Depuis plusieurs jours, tu ne dis plus mot... Tu sembles ne plus être que l'ombre de celui que tu étais jadis... Que s'est-il passé lors de ta rencontre avec la princesse... cette Hilda? lui demanda Tholl, inquiet, mais tout de même satisfait d'avoir pu se débarrasser de ce Karl...
Heimdall, surpris, sursauta légèrement, de façon quasi-imperceptible.
"Hilda"...Ce nom... Il se le répétait intérieurement depuis plusieurs jours, et pourtant, l'entendre de la bouche d'un autre, était étrangement déconcertant...
- Voyons Tholl... Je ne vois pas de quoi tu veux bien parler... Je t'ai déjà raconté ce qui s'était passé... Elle et sa sœur étaient transies de peur, j'ai simplement décidé de ne pas les effrayer d'avantage et de partir... C'était la meilleure chose à faire... lui répondit celui que l'on avait coutume d'appeler le "voleur arc-en-ciel"...
Le géant, circonspect, fronça légèrement un sourcil:
- Tu m'as déjà dit tout ça Heimdall... Moi, je pense qu'il s'est passé autre chose... Je pense même que cette rencontre n'était pas fortuite...
Heimdall se retourna vivement:
- "Pas fortuite"? Comment cela? Explique toi!
- Mmm... Je suis certain que tu as ressenti, comme moi, l'incroyable et chaleureux cosmos qui se dégageait d'elle...
- Oui...je l'ai ressenti... jusqu'au plus profond de moi... admit le rouquin.
- C'est en parti en raison de ce cosmos que je n'ai pas engagé de véritable lutte contre son protecteur, ce Syd, aux griffes de givre...
- Tu veux dire...? s'étonna Heimdall.
- Oui... Ils avaient beau nous être diamétralement opposés en bien des points, je nous sentais tellement semblables sur d'autres... Même si je l'avais désiré ardemment, au plus profond de mon être, je n'aurais pu lever la main sur eux...
Le jeune homme à la chevelure de feu, à ces paroles, resta bouche bée, comme paralysé par ce que venait de lui avouer son ami.
- Et je suis sûr Heimdall, non, certain, que tu as ressenti exactement la même chose... que toi aussi, tu as été comme enveloppé par ce cosmos à la fois si puissant et si doux, si fort et si tendre...
- Je... je... bredouilla son compagnon. Elle... s'est... immiscée en moi... Elle m'a parlé de l'intérieur...
- Comment? Qu'est-ce que tu veux dire par là ? s'étonna le colosse.
- Sa voix... j'entendais sa voix dans ma tête... et je l'entend toujours... C'est comme... C'est comme si elle était toujours là... en moi... à me dire toutes ces choses...
- "Ces choses"? Mais que te disait-elle? l'interrogea Tholl, curieux, et surtout inquiet pour son ami.
- Que... que nous faisions "fausse route"... Que nous n'avions pas à haïr ces gens comme nous le faisons aujourd'hui mais au contraire les... les... balbutia le jeune homme.
- Les aimer? le coupa le géant à la chevelure d'argent.
- Oui, c'est cela Tholl..."Les aimer"...Mais comment cela pourrait-il être possible?!? Comment "aimer" des gens qui n'en connaissent pas même le concept? lui demanda Heimdall.
- Je ne saurais te répondre compagnon... Je ne saurais te répondre... Cependant, je sais une chose...
- Et laquelle?
- Que toi et moi, allons être très bientôt amenés à revoir cette princesse qui a semé en nos esprits le trouble... lui répondit le gigantesque guerrier, un brin de mystère dans la voix.
- Oui, c'est comme un appel... Elle nous attire à elle... inexorablement... Pourquoi? Qu'est-ce que tout cela peut bien signifier Tholl?
- Vraiment, je n'en ai aucune idée... je ressens dans l'air comme une sorte de malaise... mais je ne saurais l'expliquer...
- Bientôt mon ami... Nous aurons la réponse à toutes ces questions... Quoi que cela nous en coûte... Oui, quoi que cela nous en coûte... rajouta Heimdall, le regard perdu dans l'immensité du paysage...
Tout autour d'eux, leurs compagnons festoyaient bruyamment...
Le vin, à en juger par la couleur violacée de leurs joues, avait bien opéré, les rendant moins alertes, plus "fous"...
Pour eux, alors, seule comptait la fête... comme pour oublier leur triste sort et leur malheur...
Heimdall soupira à nouveau... Il ne les comprenait pas... Mais pouvait-il les en blâmer pour autant?...
Depuis déjà de longues minutes, une foule incommensurable de personnes venaient à leur rencontre, dans le seul but, bien entendu, de pouvoir approcher les deux jeunes princesses et d'être présentées à elles.
Bon nombre d'inconnus, venaient leur parler, les toucher, les complimenter, puis repartaient aussi vite qu'ils n'étaient apparus.
"Dubbhe la toute puissante réclame le tueur de dragons..."
Siegfried devait bien le reconnaître, il n'aimait pas beaucoup cela...
Tout ce monde, tous ces gens... Oh oui, tout cela était loin de lui plaire...
Non pas qu'il détestait réellement ces bains de foule, mais il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour les deux jeunes femmes qu'il avait été chargé de protéger.
"Siegfried, puisque c'est toi qui est le plus proche d'elles, il me semble normal que leur protection, au cours de cette soirée, te soit confiée... Et n'oublie pas mon jeune ami, même si ce soir, l'ambiance est à la fête, que tu dois avant tout penser à elles, à leur bien-être, mais surtout à leur "sécurité"! Montre toi digne de l'honneur qui t'est fait!" avait souligné Nordr, en tout début de soirée, avant même que les deux adolescentes ne fassent leur apparition.
Ces mots étaient restés gravés au plus profond de son esprit... Il ne s'agissait pas là d'une soirée ordinaire... Il était là en mission...
Et pas n'importe laquelle d'ailleurs, puisqu'il lui fallait veiller sur l'élue de son cœur, la seule femme qui l'avait jamais fait battre... après sa propre mère bien sûr...
"Oh mère" pensa-t-il, "comme votre présence peut me manquer... surtout en de tels moments... Si vous saviez comme j'aurais voulu vous présenter Hilda... Si proches, vous auriez été inséparables..."
C'est vrai, sa mère lui manquait affreusement. Elle avait laissé, en disparaissant, un vide énorme en lui, un vide que seul la présence et l'Amour d'une mère peuvent combler...
Son père, quant à lui, il ne l'avait jamais connu car il était mort d'une foudroyante pneumonie, au cours d'un des plus rudes hivers qu'Asgard ait jamais connu, peu après sa naissance.
Alors, lui et sa mère avaient trouvé refuge au château, recueillis par Dolbar, cet étrange personnage aux allures de cadavre, qu' il avait fini, en grandissant, par ne plus craindre.
Le vigoureux jeune homme se serait d'avantage perdu un peu plus profondément dans ses pensées si la petite voix amusée de Flamme ne l'en avait ramené:
- Quel monde! Que de bruit... Je n'aurais jamais cru une telle chose possible... C'est la première fois que je rencontre autant de gens d'un seul coup...
- Moi aussi ma chérie... et je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher de me sentir quelque peu mal à l'aise... lui répondit Hilda.
- Vous n'avez pas à vous sentir gênées... Après tout, vous êtes de véritables princesses... Quant à vous Hilda, n'oubliez pas que vous allez monter sur le trône et être investie des pouvoirs divins du Grand Prêtre... les coupa le jeune soldat.
- Oui... C'est vrai... reconnut la belle Hilda, qui, en cette soirée, était encore plus resplendissante que jamais.
Siegfried, bien que préoccupé par tout hypothétique débordement, ne put s'empêcher, en tout jeune homme un tant soi peu attentif et attiré par la gente féminine, de laisser fureter son regard sur la jeune fille qu'il était censé protéger. Depuis son arrivée au palais, trop bouleversé par ses retrouvailles avec celle pour laquelle sa passion s'enflammait, il n'avait pas réellement pris le temps de la détailler minutieusement, et de réaliser à quel point, elle aussi, avait pu changer.
Ses formes, en ces deux années, s'étaient allongées à certains endroits, arrondies à d'autres. Ses bras, d'apparence si fragile, étaient d'une infinie finesse, tout autant que ses magnifiques mains, que terminaient d'interminables doigts, graciles et sans aucun défaut.
Sa taille, galbée, invitation à un festival de sens, ne faisait que renforcer cette impression de légèreté qui se dégageait d'elle, la rendant presque "aérienne", "volatile", tout en soulignant un peu plus encore une certaine allure d'enfant, tandis que sa poitrine, relevée comme elle l'était par le corset de sa robe, rappelait à qui la regardait qu'il s'agissait à présent d'une véritable femme. Le jeune homme ne put s'empêcher de rougir quelque peu... Après tout, de tels atouts avaient de quoi déstabiliser même le plus volontaire de tous les gardes du corps...
La jeune Flamme, quant à elle, paraissait regarder à droite et à gauche, comme si désespérément, elle cherchait à retrouver, au milieu de toute cette foule, quelqu'un qu'elle brûlait de revoir...
- Qu' y a-t-il? demanda Siegfried.
- Oh... Il y a que... Haagen n'est toujours pas apparu... Je me fais tant de soucis pour lui depuis qu'il est revenu des hautes terres de Wortenheim...
- Je crois qu'il est inutile de vous inquiéter pour Haagen princesse... C'est un grand garçon vous savez, et l'un de nos tous meilleurs guerriers de surcroît... tenta de la rassurer le jeune homme.
- Oui, je le sais Siegfried... Mais n'as-tu pas vu, comme moi, ses marques au bras et au cou, qu'il tentait de nous cacher? lui demanda la jeune fille.
- Oui, c'est vrai... Ce serait là mentir que de vous dire le contraire, mais il est une chose que je sais, c'est que celui qui lui a infligé une telle blessure, ne doit pas en être sorti indemne lui non plus... Et puis, vous l'avez vu comme moi, notre Haagen est encore en pleine forme... Rassurez-vous princesse... Il ne devrait d'ailleurs pas tarder à arriver... J'en suis sûr...
Siegfried, par ces paroles, réussit à rassurer la jeune Flamme... Mais celle-ci, il devait le reconnaître, n'avait pas tout à fait tort...
Lui aussi, voyant les blessures de son ami, n'avait pu s'empêcher de le questionner à se sujet...
Le jeune homme à la chevelure d'or était resté très évasif, cherchant à dissimuler ce qu'il avait rencontré aux abords de Wortenheim, à la frontière séparant Asgard, d'Uutgard, et ce même envers son meilleur ami et la femme qu'il aimait.
Et c'est plus par respect pour Haagen que par véritable résignation, que le noble Siegfried avait renoncé à en savoir plus, même s'il devinait son ami, alors, réellement soucieux...
- Ne nous inquiétons pas pour Haagen... lâcha Hilda, prêtant main forte à son "valeureux chevalier". Je sens moi aussi, qu'il va arriver d'un instant à l'autre...
Hilda avait raison, il ne servait à rien de s'inquiéter pour "le cheval fou", comme on avait coutume d'appeler ici, au palais, le fier Haagen...
Siegfried, en bon soldat, balaya du regard l'ensemble disparate de la gigantesque foule, mouvante, houleuse...
N'importe quel fou pouvait s'y cacher dans le but de se jeter sur une des deux princesses... et c'est justement ce qu'il craignait, alors, le plus...
"Quant à Mira, c'est dans le dernier des nains qu'elle brillera..."
- Etrange, n'est-ce pas? lança le vieux nain.
- Quoi donc Eldir?
- Et bien, tous ces gens...
- Comment cela? demanda Nordr.
- Ils sont tous là, à festoyer, à s'amuser, comme si de rien n'était... Alors qu'au dehors de l'enceinte du palais, nombreux sont les pauvres gens à mourir de faim et de froid...
- Je comprends... Et sache, ô Eldir, le dernier des nains, que j'en suis le premier navré... lui répondit le guerrier légendaire.
- Je le sais vaillant Nordr... Je le sais... Mais qu'en est-il de tous ces gens? Se sentent-ils réellement concernés par tout cela? Vous, les humains, ne vous préoccupez que de ce qui vous concerne directement... C'est un état d'esprit que j'ai du mal à comprendre... ajouta le robuste Eldir.
- Tu as raison Eldir... Mais l'être humain est ainsi fait... Je crains d'ailleurs que jamais il ne soit amené à changer... reconnut Nordr.
- Cependant Héros... Il y a une chose qui me tracasse...
- Et laquelle? demanda l'homme, curieux.
- Et bien... Tu as dit tout à l'heure à toute l'unité qu'une attaque de brigands, menée par ce Heimdall, ce soir, pouvait être envisageable... Pourtant, je ne ressens aucun mouvement de cosmos particulier depuis tout à l'heure... Et puis, suite à leur récente débâcle face au courageux fils d' Oberon, je doute qu'ils ne tentent quelque coup d'éclat que ce soit... continua le nain.
- C'est vrai... Une nouvelle fois, ta perspicacité et ton incroyable sens de l'analyse t'honorent, Eldir, fils de Gomir... Comme tu l'as dit toi-même, nous n'avons pas à craindre, ce soir, une quelconque attaque de ces bandits... Si j'ai dit une telle chose, c'est pour que chacun d'entre vous reste sur ses gardes... Je ne peux t'en dire plus, mais dans l'air, flotte comme un parfum de mort...
- Je vois... Et même si je n'y suis pas réceptif, je fais une entière confiance en ton jugement, fils d'Ottmar, toi qu'au fil des ans, j'ai vu grandir et s'étoffer pour devenir finalement plus dur que le bronze et plus redoutable encore que Mjollnir (6) lui-même...
Les deux hommes se turent, et pendant de longues secondes, se contentèrent d'observer, par dessus la rambarde à laquelle ils étaient accoudés, les minuscules petits points que formaient tous ces gens, en bas.
Du haut de la plus haute tour du palais, tous deux avaient une vue imprenable sur l'ensemble de la réception, qui se déroulait sur l'immense terrasse aménagée pour l'occasion.
En temps normal, une telle soirée n'aurait pu être organisée à l'extérieur, à cause du froid intense qui régnait habituellement dehors, mais en ce jour, étrangement, le temps s'était incroyablement radouci...
Et pour la plupart d'entre eux, qui étaient des Asgardiens de pure souche, il n'était pas insensé de dire qu'il faisait presque..."chaud"...
- Ils sont si petits, vu d'ici... reprit Eldir.
Nordr s'apprêtait à lui répondre, lorsqu'une autre voix le fit à sa place:
- Cette tour, comme vous le savez, est la plus haute de tout le château. De son sommet, on a une vue absolument sans pareille sur tout le palais et ses environs... C'est aussi pourquoi on l'appelle plus communément la "grande tour de guet"...Mais cela, vous, Eldir, qui séjournez ici depuis bien des années, devez pertinemment le savoir, n'est-ce pas?
Tous deux se retournèrent... et c'est immédiatement qu'ils reconnurent celui qui venait de faire ainsi irruption, en plein milieu de leur conversation...
- Seigneur Dolbar... commença Nordr.
Les deux hommes, d'un geste discret que Dolbar aurait sans doute préféré plus franc, se courbèrent légèrement, en signe de révérence envers leur "maître"...
- Je suis navré de vous déranger... m'immisçant en plein cœur d'une discussion qui, j'en suis certain, devait être des plus passionnantes, mais je crains avoir à m'entretenir d'urgence, avec le très illustre Nordr... continua Dolbar, un air des plus mielleux illuminant faussement son osseux visage.
- Je vous écoute... lâcha Nordr.
- Mmm..."En privé", cela va de soi...
Le nain comprit très vite qu'il n'était plus le bienvenu ici, et c'est un demi-sourire aux lèvres qu'il conclut:
- Bien...Je vais donc vous laisser messieurs... Nordr, je serai en bas, au poste de garde numéro six, si tu cherches à me trouver...
- Ne t'inquiète pas Eldir... Je saurai te repérer... Ton cosmos est tout aussi éclatant aujourd'hui, qu'il ne l'était il y a vingt ans, lorsque, fier parmi les fiers, tu combattais aux côtés de feu Volken et mon père...
Le dernier des nains adressa au chef de son unité un léger signe de tête, puis sans attendre d'avantage, s'engouffra dans l'immense escalier en colimaçon qui permettait de redescendre sur la terre ferme.
Dolbar attendit de nombreuses secondes avant de prendre la parole, comme s'il voulait s'assurer qu'Eldir avait bien disparu:
- O Nordr, fils d'Ottmar, "Legende unter den Legenden" (7) , toi dont la seule évocation de la force suffirait à faire fuir la plus sanguinaire de toutes les hordes de guerriers, il faut qu'avec toi, je m'entretienne de choses douloureuses... aussi bien pour nos deux âmes, que pour l'avenir de notre peuple tout entier...
"Voilà donc ce vil chien qui commence à recruter... Je me dois d'agir intelligemment, où, comme me l'a dit ce matin la déesse, tout sera perdu..." pensa le héros.
- Je vous écoute votre altesse... lui répondit-il.
- Hum... Tu n'es pas sans savoir que depuis quelques temps, en Asgard, la situation ne fait que s'aggraver... On ne compte plus, chaque jour, les pauvres gens à mourir ou de la faim, ou du froid, ou de la maladie... Sans compter que sur cette terre maudite des Dieux, qui ne nous accordent plus leur bienveillant soutien, plus rien ne pousse... Les bêtes, quant à elles, sont soumises aux mêmes tourments que les hommes... commença Dolbar, un air des plus tristes dans les yeux. _Je sais tout cela seigneur Dolbar...
- J'ai beau consulter les runes, chaque jour, elles me soufflent toujours les mêmes atroces vérités... si dures à entendre... _Quelles sont-elles?
- Il faut nous rendre à l'évidence Nordr, notre royaume "se meurt"... Et bientôt, si nous-mêmes, ne faisons pas quelque chose, nous nous éteindrons avec lui... continua le prêtre, la mine désabusée.
Le héros, lui qui avait été prévenu des sombres stratagèmes de Dolbar, savait très bien où ce dernier voulait en venir.
Comme cet être pouvait lui paraître alors abject, si répugnant, lui qui pour satisfaire son ambition personnelle, était prêt à sacrifier bon nombre d'innocents...
- Que suggérez-vous? Demanda le héros, rentrant dans son jeu.
- Et bien... Tu n'es pas sans savoir non plus que très récemment, le Sanctuaire d'Athéna, gardienne de l'hémisphère sud, a été le théâtre d'une abominable guerre fratricide, qui opposa ses chevaliers les uns contre les autres...Or, la nouvelle Athéna, une enfant gâtée des plus exécrables, est loin de faire l'unanimité au sein de sa chevalerie...
- Excusez-moi seigneur Dolbar, mais je ne saisis pas réellement quel est le rapport avec notre situation. l'interrogea Nordr, jouant l'innocent...
- Mmm... Ecoute donc, Nordr, toi, le plus valeureux de tous mes guerriers, quel est mon plan pour nous sauver tous... lui répondit Dolbar.
- Je vous écoute...
- Comme je te l'ai dit, notre royaume se meure doucement, jetant le doute et un terrible trouble au fond de nos cœurs et de nos esprits... J'ai donc décidé de conduire mon peuple vers une terre nouvelle, meilleure, là où l'herbe pousse, verte, humide et odorante, là où le soleil brille deux fois plus de temps, là où le cœur des hommes n'est pas enseveli sous une épaisse couche de neige... reprit-il, exultant.
- Comment? Vous voulez dire que...?
- Oui, Nordr, j'ai pris cette décision que j'ai longuement et mûrement réfléchie: j'ai choisi, en mon âme et conscience, de réveiller les légendaires Guerriers Divins, et de partir, protégés par leurs immenses pouvoirs, m'entretenir avec la belliqueuse fille de Zeus, afin de lui demander asile...
- Mais... Je ne comprends pas... Pourquoi réveiller les Guerriers Divins puisque vous ne désirez que lui demander son aide...? s'étonna Nordr.
- Mmm... Tout simplement, fils d'Ottmar, parce que j'ai de bonnes raisons de craindre un refus de sa part...
- Un refus...?
- Oui... Et c'est pour cette raison, que je préfère aller quérir son aide, en compagnie des légendaires guerriers divins, qui jadis, nous gardèrent de l'invasion des Géants, qu'ils repoussèrent jusqu'en Muspellheim!
- Si Athéna refusait votre requête... cela voudrait signifier...
- Oui Nordr, je le crains... reprit le prêtre, les yeux baissés. Nous courrons tout droit vers une nouvelle guerre sainte...
- C'est affreux! N'y a-t-il aucune autre solution?!? s'exclama Nordr, faussement.
- Non, j'en ai bien peur... Il nous faudra combattre... Et c'est pour cela que je viens en ce jour t'en parler, ô toi légendaire héros, car c'est toi qui a été choisi par Odin lui-même, pour mener au combat, ces fantastiques guerriers.
Nordr resta coi quelques courtes secondes. Il venait d'avoir là la confirmation de ce que lui avait confié la déesse.
- On dit les chevaliers d'Athéna absolument incroyables... Leurs forces, dans l'ensemble, doivent équivaloir aux nôtres... Qui peut dire avec certitude, qui ressortira vainqueur de cet affrontement? s'interrogea le vaillant héros.
- Moi, je le peux... Car parmi tous ses chevaliers encore valides, seul une dizaine d'entre eux pourraient vous poser problèmes... Etant plus nombreux qu'eux, de plus du double d'ailleurs, vous ne devriez avoir aucun mal à vous débarrasser d'eux... assura le prêtre.
- J'espère que vous dîtes vrai votre altesse...
- Bien sûr... Quant à toi, Nordr, élu des Dieux, tu as en toi assez de force et de courage pour mater leurs plus puissants chevaliers d'or, qui sont loin de t'arriver à la cheville, crois moi...
- Puisse Odin écouter en ce moment vos paroles mon seigneur... Puisse Odin les exaucer... lui répondit calmement Nordr.
- Ne t'inquiète pas pour cela... Les runes sont catégoriques: nous vaincrons, car tel est le désir de l'implacable Schicksal ! rajouta-t-il, le poing en avant. Cependant, je dois savoir tout de suite si, comme les autres, tu es prêt à me suivre dans cette bataille... pour ton royaume mais aussi pour ton peuple!
Le guerrier parut réfléchir quelques secondes, l'air grave... Puis il finit par dire, tournant la tête en direction de son seigneur:
- Bien, vous avez mon soutien...
- Parfait, digne fils d'Ottmar, expose la situation à ton unité, car chaque membre a lui aussi été désigné pour nous seconder... Je sais qu'ils seraient prêts à te suivre jusque dans les flammes du brasier du Muspellheim, s'il le fallait...
Sur ce, le prêtre se retourna sèchement, ramenant, d'un vif mouvement, un pan de sa cape par dessus son épaule droite, puis se dirigea en direction de l'escalier.
Il rajouta, sans aucune retenue, tout de même ceci:
- Je savais que je pourrais compter sur ta bravoure, légendaire héros... Tu fais là honneur à ton père! Et nombreux seront les chevaliers d'Athéna à périr sous tes coups! Hahahahaha!
Nordr ne se retourna pas... Après tout, un tel monstre n'en valait pas même la peine...
Il venait là, en son âme et conscience, de prendre une lourde décision...
Il avait choisi son camp, et bientôt, ce n'est pas contre un chevalier d'Athéna qu'il allait devoir combattre, mais contre son propre élève, celui qu'il avait formé...
Un combat qu'il savait devoir perdre...
Lorsqu'il jeta un rapide coup d'œil sur l'épaisse rambarde à laquelle il était accoudé, il remarqua trois tâches de sang frais... D'un lent geste de l'index, il essuya le liquide pourpre, qui avait coulé le long de sa cavité nasale, pour finalement venir se loger au dessus de sa lèvre inférieure...
"Le temps presse Siegfried, le temps presse..."
"Sham voit en la virago une enveloppe de choix..."
Voilà déjà de longues minutes qu'elle le regardait fixement.
Bien qu'il soit à des dizaines de mètres au-dessus d'elle, elle parvenait à saisir chaque expression que prenait son visage, passant du stoïcisme le plus grave, à la surprise la plus aiguë...
- Avec qui était-il donc en train de parler?
Elle l'avait vu en compagnie d'Eldir, ce vieux nain dont elle-même, appréciait la compagnie; puis celui-ci s'en était allé, remplacé par un autre individu, dont elle n'avait pu voir le visage ni la silhouette...
Elle aurait tant aimé assurer cette garde à ses côtés... être près de lui, non loin, toute proche...
Elle aurait aimé pouvoir lui parler, entendre sa voix...
Elle aurait aimé pouvoir l'admirer de près, et non pas à une telle distance, séparés comme ils l'étaient comme le Ciel l'est de la terre ferme...
Mais cette chance, elle ne l'avait pas eu... Nordr, ayant insisté pour qu'elle occupe, sans en bouger, le poste de garde numéro deux, tout près des écuries...
Pourquoi? Pourquoi s'entêtait-il à toujours la mettre à l'écart?
N'avait-il pas vu à quel point elle était un élément essentiel de l'unité? N'avait-il pas compris le rôle qu'elle jouait au sein de leur groupe?
Se doutait-il, aussi, que derrière la fine armure de plaque dont elle se couvrait la poitrine, il y avait un cœur? ...un cœur qui en ce moment, saignait abondamment?
Certaines fois, il lui avait même pris l'envie de tout laisser, de tout abandonner, de baisser les bras...
S'accrocher au chimérique espoir qu'il la remarque un jour, l'étouffait peu à peu...
Et souvent, lorsque, en son for intérieur, elle faisait le bilan de son parcours, elle réalisait qu'elle n'y survivrait pas...
"Je ne suis qu'une idiote... Tu ne ressens rien pour moi... je suis de chair et d'os, mais toi, tu préfères t'accrocher à un fantôme..."
Les larmes, en de tels moments, sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit pour les retenir, lui montaient alors aux yeux, puis dévalaient en cascade le long de ses joues, rivières salées, lit de son désespoir...
Mais il lui suffisait de l'un de ses regards, de l'un de ses sourires, pour replonger dans cet océan de passion, emportée par son courant, ballottée par ses vagues, s'y noyant presque...
"S'y noyer"...Comme cela serait bon... Comme cela serait agréable... Périr, les poumons gorgés d'Amour, de tendresse, de "vie"...
Car après tout, "vivre", n'est-ce pas "aimer" de toute son âme? Tout donner en l'échange d'un battement de cils, d'un regard sincère, d'un sourire radieux, d'une douce parole, encouragement de l'être aimé, qui revigore et remplit l'être d'une passion nouvelle, plus ardente encore que le plus brûlant de tous les feux...?
Ces temps-ci, elle l'avait senti terriblement distant, plus encore qu'à l'accoutumée... Pas seulement avec elle, mais avec tous les membres de l'unité, avec qui d'habitude, il lui arrivait de partager bien des éclats de rire et des messages d'espoir.
"Que t'arrive-t-il Nordr? Où es-tu? Quel que soit le fardeau que tu portes sur tes épaules, permets-nous de te soulager de son poids, à nous, qui sommes ta famille..."
Derrière elle, les chevaux semblaient s'agiter, hennissant, créant un vacarme quasi assourdissant.
Sans doute ressentaient-ils quelque danger?
La jeune femme serra un peu plus fort encore la légère pique dont elle avait choisi de s'armer.
Sa main, moite, collait par la sueur au métal blanc, glacé... Sa mâchoire, elle, se serra, compulsivement...
Elle était jeune, terriblement séduisante, incroyablement forte, et pourtant, au lieu de crier son Amour à celui qui, en quelques mots et en quelques secondes, avait su faire chavirer son cœur, elle se contentait de rester là, toute seule, à attendre une hypothétique attaque de brigands qui ne viendrait sans doute jamais...
Aaah... Comme les Dieux pouvaient prendre plaisir, en certaines occasions, à torturer les pauvres mortels, nouant et dénouant à leur guise, les fils de leurs sentiments...
"Bientôt, en tout cas" se dit-elle à elle-même, "ce petit jeu prendra fin..."
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"Si près...Si loin..."
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Serais-tu aveugle? Qui sait? |
Ou peut-être sourd, je crois que je sais... |
Tu regardes ailleurs, c'est vrai, |
Tu auras beau fuire, je te suivrai...
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Serais-tu cruel? Allons... |
Ou peut-être vide, simple puit sans fond? |
Tu ne me vois pas, voyons... |
Ton dédain et ma peine résonnent à l'unisson...
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Serais-tu muet? Je vois... |
Peut-être trop fier, pour me dire tout ça... |
Tu n'entends pas mes cris. Pourquoi? |
Tu restes si clos, tant pis pour toi...
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Si près, je peux presque te toucher, |
Si près, je peux même te frôler, |
Si loin, tu restes bien à l'écart, |
Si loin, derrière ce grand miroir...
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Serais-tu insensible? J'en doute... |
Ou peut-être mort, en pleine déroute? |
Je suis là pourtant, sur la même route, |
A chanter haut et fort, je t'en prie écoute...
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Serais-tu dans l'erreur? Sûrement... |
Ou peut-être as-tu peur? Assurément... |
Oui, prête moi l'oreille, entends... |
Mon cri, mon appel, ce triste chant...
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Serais-tu inconscient? Je le crains... |
Ou peut-être fou? Attendons demain... |
Un seul et unique geste, tend moi la main... |
Mais toi tu es si froid, merci pour rien...
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Si près, je peux presque te toucher, |
Si près, je peux même te frôler, |
Si loin, tu restes à l'écart, |
Si loin, derrière ce grand miroir...
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Sif |
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"Benetnasch la délicate désire une lyre pour la chanter..."
Comme il l'avait craint, il était arrivé avec un peu de retard...
Cela, en vérité, ne le gênait pas plus que cela, même si bien sûr, il se sentait tout de même gêné vis à vis de Siegfried et d'Hilda, qui l'avaient invité à se joindre à eux lors de la réception.
Ces bains de foule n'avaient jamais été son for, cela il devait bien l'avouer, car comme son ami Hel, à qui il devait beaucoup, c'est dans le calme et la "solitude", qu'il se sentait le plus heureux...
"Heureux"...
"Heureux"...
Voilà bien un mot dont il avait fini par oublier jusqu'à la signification même, lui qui ne vivait plus que dans la crainte de ces "visions", de ces bribes de son passé qui lui revenaient en masse, dès qu'il en venait à fermer les yeux...
Il s'ébroua vivement, agitant nerveusement la tête de gauche à droite, afin de chasser ces tristes pensées, ce douloureux cortège d'images et de paroles, ces voix venues du fin fond de ses fautes, du fin fond de son esprit torturé...
"Seuls les fous sont ainsi tiraillés par de tels invisibles ennemis..."
"Serais-je l'un d'eux? Aurais-je moi aussi franchi la fragile frontière qui sépare l'équilibre de la folie?
"J'ai levé la main sur lui... Je l'ai tué..."
"Il est mort... et moi avec..."
Il aurait voulu l'empêcher, mais ces images revinrent à l'attaque, noyant son esprit dans un flot incessant de questions auxquelles il ne pourrait sans doute jamais apporter de réelles réponses...
Avec force, à nouveau, il tenta de les faire disparaître, et c'est d'un geste d'énervement non dissimulé qu'il posa les doigts crispés de sa main droite sur son arcade, alors que sa paupière gauche, prise de minuscules convulsions, se mettait à palpiter étrangement.
"Si seulement tout cela pouvait s'arrêter... si seulement... Oooooh..."
"Non...Ils ne me laisseront jamais tranquille... jamais..."
Soudain, tout son corps se mit comme à trembler... Portant les mains à ses tempes, il aurait juré que sa tête elle-même allait exploser...
Mais lorsqu'il revient à lui, il remarqua immédiatement le bras ami qui le secouait doucement...
- Allons Mime... Ca va mieux? Qu t'est-il arrivé pendant ces quelques secondes?
Mime ne mit pas très longtemps à reconnaître l'homme qui venait, "Odin lui soit redevable", de le soustraire à ces belliqueuses visions.
Il se nommait Wirt et comptait parmi la fameuse bande de minnesängers (8) du palais, dont Dolbar se plaisait à entendre les chants et la musique.
Le jeune homme à la chevelure d'or sembla revenir à lui... :
- Oh... ne t'inquiète pas Wirt.. .Ce n'est rien, juste un simple malaise... Rien de bien grave... lui répondit Mime.
- Tu sais, tu nous a fait une sacrée peur...
- "Nous"? demanda le jeune homme, surpris.
- Et bien oui: "nous"...tout le monde, quoi... Nous en avons même arrêté de jouer... Regarde...
Wirt, d'un gracieux et ample geste de la main, balaya l'ensemble de la modeste estrade de bois sur laquelle s'était établie tout l'"orchestre"...
Tout autour, plus personne ne disait mot... Tout le monde s'était tu... et les musiciens s'étaient arrêté de jouer, inquiets pour ce jeune homme qu'ils avaient eu, il y a longtemps, et ce en bien des fois, l'occasion de rencontrer...
- Vous... vous n'auriez pas dû... répéta Mime, qui peu à peu, réalisait à quel point il avait été remarqué.
De nombreuses paires d'yeux étaient alors braquées sur lui, ne désirant rater aucune miette du "spectacle", alors que de la foule, s'élevait une sorte de brouhaha sourd, écho des interrogations de chacun:
"Quel est ce jeune homme?"
"Encore un qui a bu plus que de raison..."
"Et pourtant, la soirée ne fait que commencer..."
"Vous avez vu à quel point il est étrange?"
"Regardez ses yeux... ce sont ceux d'un illuminé..."
"Il est beau... terriblement attirant..."
"Vous le croyez de bonne famille?"
"Et ses guenilles... On dirait celles d'un vagabond..."
"Dolbar laisse vraiment rentrer n'importe qui... C'est une honte..."
Le jeune Mime, alors, aurait donné n'importe quoi pour disparaître de leur vue... comme ça... comme par magie...
Mais de magie en un tel moment, il n'en était pas question... Le jeune homme allait devoir se débrouiller seul.
Si seulement alors, Hel avait été à ses côtés... Ensemble, ils auraient bien pu trouver un quelconque échappatoire.
Sans aucun doute, son ami, le dernier de tous les druides, aurait, afin de se sortir de ce mauvais pas, fait appel à l'une de ses mystérieuses poudres de couleur, et dans un épais nuage de fumée, aurait disparu devant eux, profitant de l'effet de surprise pour se faufiler et s'enfuir à travers la foule...
Oui, Hel en aurait été capable... mais pas lui... car lui n'était rien de plus qu'un simple humain, un pauvre mortel, et aucun pouvoir "magique", comme celui qui coulait en les veines de son ami, ne le rendait exceptionnel...
Il aurait peut-être fini par mourir d'embarras si Wirt, venant à la rescousse du jeune homme, ne lui avait tendu la perche:
- Mesdames et messieurs, vous vous demandez en ce moment, j'en suis sûr, qui peut bien être cet étrange garçon...
Des chuchotements, au cœur de la foule disparate, constituèrent leur seule réponse.
- Et bien voyez-vous... reprit-il.Il ne s'agit en fait ni plus ni moins que du fils chéri, l'unique héritier du légendaire héros Volken, dont la statue orne la place Modgud...
Immédiatement, des "Ooooh", et des "Aaaaah", se firent entendre, signe de l'étonnement qui gagnait à une vitesse prodigieuse cette gigantesque assemblée improvisée...
- De plus, mesdames et messieurs, damoiselles et damoiseaux... Si vous prêtez attention à sa jeune allure, "des moins gaies je vous l'accorde", vous remarquerez sûrement qu'il tente de dissimuler à votre vue ce magnifique instrument, dessiné par Olaf Liebe lui-même, et dont chaque son fait naître en celui qui l'écoute, une indicible émotion... rajouta l'enjoué Wirt, se saisissant de la Lyre que Mime, effectivement, essayait tant bien que mal de leur cacher.
Le jeune fils de Volken parut encore plus surpris lorsque son ami la lui arracha des mains.
Celui-ci, discrètement, vint lui dire à l'oreille:
- Il ne tient qu'à toi de les faire tiens... Et puis, tu as là un auditoire des plus attentifs... N'est-ce pas là ce que tu as toujours recherché?
Le jeune homme resta, pendant un court instant, interdit. Wirt venait de le tirer d'un mauvais pas pour le jeter dans un second, tout aussi "épineux"...
- Allons Mime... Jadis, tu aurais donné n'importe quoi pour jouer devant autant de monde... Grimpe sur l'estrade, joins-toi à nous, guide nous et faisons taire toutes ces voix qui s'élèvent, croyant pouvoir te juger d'un simple coup d'œil!
"Faisons taire toutes ces voix qui s'élèvent..."
Il comprit alors qu'il lui fallait le faire... Ne serait-ce que pour qu'on lui laisse la paix... qu'on le laisse rejoindre les autres, qui, à l'autre bout de la gigantesque terrasse, devaient sans aucun doute l'attendre.
Son visage reprit cette expression neutre qui était habituellement la sienne, puis, d'un geste rapide, presque invisible, il se saisit de l'instrument que lui avait subtilisé son compagnon du moment.
- Aaah Mime! Je vois que tu t'es enfin décidé! Bravo! s'écria ce dernier, alors que le jeune barde, d'un pas sûr, se dirigeait en direction de l'estrade.
Lentement, il prit place au milieu des autres musiciens, qu'il salua au préalable, puis s'asseyant sur un petit tabouret que Wirt avait emmené, le mettant à sa disposition, il commença par gratter une première corde.
Comme l'avait annoncé le minnesänger, un tel son ne pouvait que semer un étrange trouble, dans le cœur de celui qui l'écoutait. La foule, instantanément, se saisit de stupeur, et le murmure qui jusque là s'en élevait, se tut soudain, finissant par disparaître totalement.
- Puisque Wirt semble insister pour qu'à mon tour, je vous joue quelques notes, et vous chante quelques vers, je me vois obligé de l'exaucer... commença Mime, un brin d'assurance dans la voix, ce dont il n'était pas coutumier, surtout lorsqu'il devait s'exprimer en public...
Il était clair alors, que chacun, au sein de son auditoire, se demandait bien quel genre de barde pouvait être ce jeune homme, ce fils de Volken, qui n'avait pourtant hérité d'aucun trait de son défunt père.
- Messieurs..."La complainte des Braves"...en Fa mineur s'il vous plaît...
Les musiciens, tous ensembles, échangèrent un discret regard entendu, signe du commencement de la chanson.
Et c'est de la traditionnelle phrase d'ouverture, que le jeune scalde entonna cet air:
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- "Durlauchte Damen und Herren, wenn es euch gefält wolen wir das Mehr der Alten Zeite singen" (9)...
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Ils étaient tombés nombreux, |
Fils brillants des étoiles, |
Le cœur preux et valeureux, |
Déchirant le voile...
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Le sourire aux lèvres, |
Ils avaient péri, |
Car déjà la relève, |
Les avait suivi...
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Ecoutez, et jugez plutôt, |
Car c'est bien la vérité, |
Que je vous rapporte en ces mots...
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Ce fut le cas d'Eta, |
Au fil ardent, |
Qui dans les flammes de l'Enfer, |
Se vit jeter hurlant...
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Ce fut le cas de Delta, |
Sourire enjôleur, |
Qui bien que chéri et choyé, |
Fut par les Géants dompté...
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Le divin Omicron fut de ceux-là, |
Briseur de trolls et de gnomes, |
Qui de ses magnifiques yeux, |
Ne put ôter le génie ténébreux...
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On parle de Rho, toutes griffes dehors, |
Hurlant à la Lune, |
Qui malgré ses crocs, |
Dut s'éteindre trop tôt...
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Ecoutez, oui, écoutez bien, |
Car c'est par ma bouche, |
Que parlent les Anciens...
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On chante Sirius, fier chasseur, |
Au fil qui lacère, |
Et à l'ardente vigueur...
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On loue Sirrah, au sombre discours, |
Au regard noir, |
Et au passé si lourd...
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On raconte Djenah, courageux champion, |
A l'âme illuminée, |
Et au cœur bon...
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Tous les trois, |
Au moment de périr, |
Brillèrent de mille éclats, |
Pour trancher ça et là, |
Pourfendre et occire...
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Ecoutez, retenez bien cela, |
Car voici le legs, |
De ceux qui ne sont plus là...
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Et de toute leur âme, |
Dans le fracas des combats, |
Combattant l'Infâme, |
Ils oublièrent le froid...
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Lumineux et Obscures, |
Ecrasante morsure, |
Au triste trépas, |
Résistent leurs corps las...
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Une lame pour Atria, |
Dans le sang fit tomber, |
Un géant, le cœur las, |
Au bras d'Alcor, l'oubliée...
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Valkyrie et ailes d'ange, |
Sans attendre d'avantage, |
Dans un ballet étrange, |
Répandirent le carnage...
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Mizar flamboyante, |
Alnaïr, seule contre tous, |
Destin de deux amantes, |
Chevelures blondes et rousses...
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Ecoutez, et n'oubliez pas, |
Comment ils finirent, |
Comme on les oublia...
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Achernar, en multiples corolles, |
Phecda, le cœur radieux, |
Dubbhe prit son envol, |
Et Merak pria pour eux...
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Le serpent s'éteignit, |
Et le bouc s'endormit... |
Le colosse et le nain, eux, |
Ne virent pas le matin...
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Dans le sombre néant, |
Sans fond et rougeoyant, |
Ils les renvoyèrent, |
Terribles Géants...
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Sortis de la poussière, |
Epsilon et Mu glissèrent, |
Accompagnés de Nu, |
Compagnon et frère...
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Les Géants repoussés, |
Notre monde fut sauvé... |
Et il est grand temps maintenant, |
D'être reconnaissant...
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Ils étaient tombés nombreux, |
Fils brillants des étoiles, |
Le cœur preux et valeureux, |
Déchirant le voile...
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On les dit disparus, |
Oubliés et perdus... |
Effacés de nos mémoires, |
Pauvres reflets sans miroir...
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On les dit "Espoir", |
Surgissant de nulle part... |
On les dit "Sauveurs", |
Messagers au grand cœur...
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Rappelez-vous de leur nom, |
Héros véritables, |
Personnages de chansons, |
Ou sujets de fables...
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Ils s'étaient levé nombreux, |
Fils brillants des étoiles, |
Le cœur preux et valeureux, |
Déchirant le voile...
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Le jeune homme pinça sa dernière corde, qui émit un son plus aiguë, et plus long.
Les autres musiciens, de leurs vielles, harpes, et autres cithares, firent de même, mettant ainsi fin à la chanson.
Le public, de longues secondes, resta coi, hésitant entre applaudir des deux mains ou se perdre en un interminable soupir d'admiration envers ce jeune barde qui venait là de leur faire une magistrale démonstration de ses talents.
Le silence, à présent, semblait être de rigueur.
Mime, gêné, embrassa du regard les environs... Et sur les visages de ceux qui l'avaient écouté, il ne pouvait constater que stupéfaction et surprise. La bouche ouverte, le regard figé en une expression de crédulité qu'ils ne parvenaient même pas à dissimuler, ces gens restaient là, sans plus rien dire...
La chanson qui venait de leur parvenir aux oreilles, plus qu'une simple succession de notes, avait été pour eux comme une de ces douces comptines, qu'avant de les voir sombrer dans les bras de Morphée, les mères du monde entier chantonnent à leurs bambins...
Wirt et Mime échangèrent un rapide regard, alors que les autres minnesängers affichaient eux aussi un sourire franc, signe de leur satisfaction.
- Mime... Tu es décidément des plus doués... C'est comme si par ta bouche et par ta lyre, cette chanson s'en trouvait magnifiée... réellement transcendée... Bravo à toi fils de Volken! s'écria l'un d'eux.
- Si je me laissais gagner par l'euphorie du moment, mon cher Mime, je dirais que tu fais preuve de plus de talent encore que Walter Von der Vogelweide et Wolfram Von Eschenbach (10) réunis !
Le teint, habituellement lacté du jeune homme, vira soudain au pourpre, signe évident du trouble que venait de faire naître en lui les compliments des autres baladins.
- Oh? Et bien... euh... merci... Cela me touche énormément... mais vous savez, c'est une chanson que je chante depuis que je suis tout petit... C'est même toi, Wirt, qui me l'a apprise... répondit-il, visiblement très gêné...
- Ca oui, je ne pourrais oublier à quel point tu as été un élève doué et assidu, même si cet enseignement, je devais te le donner en cachette, loin de la fureur de ton père, qui voyait la musique comme le seul moyen d'expression des faibles et des alités...
- Oui... Il disait souvent qu'on ne gagnait pas une guerre avec de simples notes... rajouta Mime, le regard baissé, de la douleur dans la voix.
Wirt, alors, en un geste des plus amicaux, presque paternel, posa sa main sur l'épaule du jeune garçon:
- C'est vrai, on ne remporte pas une guerre avec pour seule arme la musique, mais on peut en tout cas, grâce à elle, en guérir bien des maux...
"Sirius la téméraire s'est porté sur la revanche et la haine..."
Il avait cherché à ne pas succomber à la tentation, à combattre cette irrésistible envie qui le poussait à se rendre en ce lieu...
Mais l'appel était trop fort, trop puissant... trop "charmant"...
Comme ces insectes qui, attirées par l'odeur sucrée de ces magnifiques fleurs aux couleurs chatoyantes et aux dents pointues, ne peuvent résister à ce délicieux appel et venir s'abreuver du si précieux nectar pour finalement mourir avalées, lentement digérées par ces belles dames en robe de jour, il n'avait pu empêcher ses pas de le conduire jusqu'à elle, ne serait-ce que pour la voir...
"Elle"
"Sa lumière", "son rayon de soleil", "son brin d'or", "son unique amour"...
Durant ces deux dernières années, il avait cru pouvoir l'oublier, mais la nouvelle que lui avait rapporté Haagen, celui dont il avait été le frère durant tant d'années, avait ravivé en lui bien des souvenirs...
Des images, des sons et des odeurs, des impressions, des sentiments, mais aussi une infinie tristesse et une indicible frustration.
La chasser de son esprit était une chose bien impossible, pour lui qui l'avait tant aimé, et qui l'aimait encore, même s'il aurait préféré oublier à jamais son visage et pourquoi pas, être séduit par une autre...
Mais en chaque femme qu'il regardait, c'est le visage de cette si frêle jeune fille qui lui apparaissait...
"Flamme"...
Derrière cette sombre colonne, il l'observait, elle, qui il y a si longtemps, avait un jour "arraché" son pauvre cœur de sa poitrine, pour le donner, encore battant, en pâture aux corbeaux et autres vautours; elle qui lui avait préféré Haagen, celui qu'il considérait comme son propre frère, et qui lui aussi, avait fini par le délaisser...
La jeune princesse avait changé... beaucoup grandi notamment... même si son visage radieux, reflet de son éternelle et coutumière bonne humeur, lui, était resté le même...
Uller, désabusé, dut bien reconnaître que la jeune fille qu'il avait jadis côtoyé était à présent devenue une véritable femme... et d'une beauté troublante de surcroît.
Alors que les larmes commençaient à lui monter au visage, il la voyait sourire et se perdre en d'interminables fous rires. Alors que sa gorge, de douleur et de peine, en venait à se serrer lentement, il l'entendait chantonner et virevolter, se raccrochant tantôt aux bras de son aînée, tantôt à celui de ce Siegfried, à qui il vouait une haine toute aussi grande que celle qu'il éprouvait pour Haagen, ou encore au bras de ce Mime, de cet étrange barde qui venait à l'instant de les rejoindre.
Comme tous les quatre, ils pouvaient avoir l'air complice...
L'espace d'un instant, il les envia, eux qui contrairement à lui, n'avaient pas à souffrir de cette éternelle et pesante solitude, de ce trou béant en sa poitrine, que laissait un cœur détruit, brisé, en miettes...
Compulsivement, il serra avec force sa main droite et se mordit les lèvres.
"Pourquoi? Pourquoi, ô Odin, roi des rois, je n'ai pas, moi non plus, droit à ses sourires? " s'écria-t-il intérieurement.
Questionner, interroger, demander des comptes à celui qu'il était censé servir était devenu pour lui comme une habitude, même s'il savait que le Père des Dieux, puissant parmi les puissants, n'avait guère de temps à perdre à écouter ses sempiternelles plaintes et lamentations...
Quelque fois, un éclair de lucidité venait traverser et illuminer son esprit, lui rappelant que chaque homme se doit de "gagner" ce qu'il désire obtenir, et que si certains, en cette terre désolée, accédaient tout de même au bonheur, et bien c'est qu'ils l'avaient mérité...
Mais malgré tout, la rage qui l'habitait finissait par ressurgir tôt ou tard, balayant ces sages pensées, comme le vent, cruel, lorsqu'il souffle en tempête, arrache de leur sol meuble les quelques chaumières trop délabrées et trop vétustes pour résister au choc, privant ses habitants d'un toit et d'une couche saine...
Il s'en rendait lui-même bien compte, car la folie ne s'était pas encore emparé totalement de son être: tout en lui n'était plus que rage et incompréhension, douleur et haine...
Il s'adossa complètement contre l'épaisse colonne derrière laquelle il se cachait, de sorte à ne pas être aperçu, lui qui avait affirmé que pour rien au monde, il ne désirerait la revoir.
Ses forces l'abandonnait, ses jambes ne le tenaient plus, et son cœur, en sa poitrine, battait à tout rompre...
C'était comme s'il allait défaillir, comme si le sol sur lequel il marchait allait l'engloutir tout entier...
"Je savais que je n'aurais pas dû venir... Je le savais!" se maudit-il lui même, d'un ton rageur.
"Elle t'a réellement oublié... Aujourd'hui, tu ne fais plus partie de sa vie... Elle n'a pas besoin de toi... Pas besoin..."
Il dut se rendre à l'évidence... Il n'était pas des leurs... Il ne pourrait plus l'approcher, comme le faisaient alors ces pantins… Il devrait, à jamais, se contenter de la regarder de loin...
C'en était trop... bien trop... Il décida de s'en aller, il n'avait plus rien à faire ici et cette petite comédie n'avait que trop duré...
Lentement, il se redressa, et s'apprêta à partir mais l'écho d'une voix qui ne lui était que trop familière retint cependant ses pas.
- Aaah! Je vous trouve enfin! Ma parole, mettre la main sur quatre amis au cœur même de cette marée humaine relève du véritable miracle! s'exclama la voix, qu'il reconnut immédiatement comme étant celle de Haagen.
Il ne chercha pas même à se retourner... Revoir le visage de ce chien, de ce "traître" ne ferait, après tout, que raviver de vieux et pénibles souvenirs, et agrandir un peu plus encore cette plaie béante qui lui déchirait le torse.
Le rire de Flamme, qui paraissait alors si heureuse, lui glaça littéralement le sang...
"Aaaah! Si seulement ils pouvaient tous succomber au feu brûlant de Logi (11)! Je ne serais en tout cas pas le premier à les pleurer!!!" pesta-t-il, alors que leurs rires, tels une myriade de poignard acérés, venaient lacérer ses oreilles aussi bien que son âme.
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"J'ai beau..."
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A quoi ça sert l'Amour, |
Sans en être aimé en retour? |
Choisir entre douleur et peine, |
J'aimerais tant que tu comprennes...
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A quoi ça sert l'Amour, |
Si c'est pour confondre Nuit et Jour? |
Et pour succomber à la haine, |
Contraint, je souris et je saigne...
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J'ai beau tendre le bras, |
Tu ne me vois pas, |
J'ai beau ouvrir les yeux, |
Tu ne me veux...
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J'ai beau glisser vers toi, |
Tu ne m'entends pas, |
Je ne peux t'offrir guère mieux, |
C'est si peu...
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A quoi ça sert l'Amour, |
Sans soleil, sans ciel et sans tours? |
Voilà mon royaume qui s'effondre, |
Contraint, je dois rester dans l'ombre...
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A quoi ça sert l'Amour, |
Quand bien même ton cœur reste sourd? |
Même si je ressens ta présence, |
Je ne peux réduire la distance...
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J'ai beau tendre le bras, |
Tu ne me vois pas, |
J'ai beau ouvrir les yeux, |
Tu ne me veux...
|
J'ai beau glisser vers toi, |
Tu ne m'entends pas, |
Je ne peux t'offrir guère mieux, |
C'est si peu...
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C'est si peu... |
Tellement peu... |
Si peu...
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Tellement peu...
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Uller |
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"La triste Sirrah désire celui qui parle aux morts..."
Malgré l'épais feuillage des innombrables arbres qui l'entouraient, il pouvait distinctement apercevoir les lumières qui s'élevaient du palais, là où la grande réception devait avoir lieu.
Il y avait été convié lui aussi, mais, parce qu'il avait, ce soir-là, d'autres obligations, plus importantes, mais aussi parce qu'il ne se sentait pas le cœur à s'amuser, il avait refusé d'y aller...
Et puis, le monde extérieur n'était pas pour lui...
Profondément solitaire, il préférait la sage compagnie des animaux, des arbres et des esprits de la nature, à celle des autres humains, pour la plupart des plus bruyants, irritants, mauvais...
Il ne les détestait pas, non...
Il les aimait énormément, au contraire... mais il ne se sentait pas l'un des leurs...
C'est comme s'il leur était "étranger"...voire totalement incompatible...
Il ne lui arrivait d'ailleurs que très rarement de rencontrer ses semblables, lui qui ne quittait jamais cette sombre et grande forêt qui l'avait vu grandir...
Des autres hommes, il ne connaissait que les orphelins, qui, comme lui, avant que le druide ne l'emmène loin de tout cela, vivaient chez la vieille Menja, qui les employait aux travaux de la ferme; son maître Kel et son seul et unique ami Mime...
En de rares occasions, aussi, des paysans apeurés, venaient le trouver, le priant, à l'aide de son étrange médecine et du mystérieux pouvoir des druides, de guérir leurs proches, déjà un pied dans la tombe...
Mais, en règle générale, les gens avaient appris à se méfier de lui, tout comme ils avaient fini par se méfier du vieux Kel, austère et renfermé.
Pour eux, de tels êtres, à l'allure si étrange, ne pouvaient qu'être des "démons", voire des créatures malfaisantes, visant à s'emparer de leurs âmes et à dévorer leur chair crue...
Le jeune homme balaya d'un rapide geste du plat de la main, la fine couche de terre, qui recouvrait les symboles runiques que Kel avait dessinés sur le sol de la caverne dans laquelle il dormait, il y avait de cela plusieurs années.
D'une infinie précaution, il réajusta les nombreux petits miroirs qu'il avait disposé tout autour des runes, afin, car c'était ce que la coutume exigeait, que les âmes des défunts puissent s'y refléter.
Mais ce qu'il y découvrit, alors, fut son propre visage...
Il savait à quoi il ressemblait, bien sûr, mais voilà bien longtemps qu'il ne s'était attardé ainsi sur sa propre physionomie...
Etonné, il parcourut les lignes de son faciès de ses doigts longs et fins...
Comme cela était étrange... La ressemblance avec son défunt maître le saisit aussitôt...
La même couleur de peau, ambrée, dorée, aussi cuivrée que l'hydromel qu'il devait ingurgiter avant de rentrer en transe, mais aussi la même chevelure, longue, épaisse, et blanche comme la neige qui n'a pas été souillée par le galop des chevaux...
Ses pupilles, elles aussi, tout comme celles de son maître, étaient d'un jaune ocre, semblables à celles d'un chat... et de sombres cernes venaient souligner l'amande de ses yeux.
Il se savait différent, aussi bien "spirituellement" parlant, que physiquement...
Tout, en lui, ne faisait qu'accentuer un peu plus encore cette singularité qui se dégageait de son être, et cela, la plupart des gens ne parvenaient à l'accepter.
Il se sourit à lui-même, alors qu'il continuait à détailler son reflet que lui renvoyait le vétuste miroir.
Il était loin de se sentir laid...
"Singulier" peut-être, mais pas laid...
De toute façon, tout ceci n'avait aucune importance pour lui, qui préférait de loin errer dans la sphère immatérielle, que de vivre comme tous les autres, enchaînés comme ils l'étaient au monde de la matière...
Lentement, il prit place au milieu du cercle de pierres qu'il avait formé près de l'entrée de la grotte, et c'est en tailleur qu'il s'y assit.
Avec délicatesse, il déboucha la vieille gourde en peau de bouc dans laquelle il avait pris l'habitude de stocker l'hydromel et en porta le goulot à ses lèvres.
Le liquide glacé coula le long de sa gorge, lui arrachant une légère grimace de dégoût...
Il n'en aimait pas la saveur, mais c'était là le seul breuvage capable de faciliter la transe, et il ne pouvait malheureusement pas s'en passer, au risque de faire échouer celle-ci.
Il déglutit avec force, l'alcool lui brûlant la trachée, puis jetant une poignée de sable sur le sol, sur les runes qu'il avait au préalable tracées, il jeta sa tête en arrière, dessinant dans l'air, de sa lourde et longue natte blanche, d'amples arcs de cercle.
Ses orbites se révulsèrent et ses dents se mirent à claquer, de fines gouttelettes vinrent briller à ses tempes, et de minuscules veinules apparurent, lézardant son front à présent mouillé de sueur.
C'est d'une voix qui n'était pas la sienne qu'il commença à dire:
O sombres esprits,
Eternels voyageurs,
Répondez à mon cri,
Et accourez sur l'heure...
Les feuilles jaunies des arbres, dont les épaisses branches se voyaient malmenées par de violentes bourrasques, se mirent à tomber, recouvrant le sol enneigé d'un craquant tapis de verdure, alors qu'au dessus de lui, le ciel semblait comme lacéré par de nombreux éclairs de couleur bleutée, virant au violet...
Et tout autour du godhar, soudain, apparurent d'étranges formes brumeuses, évanescentes silhouettes, ne cessant de disparaître, pour soudain réapparaître, changeant constamment de consistance, allant de l'état liquide au quasi-solide, en passant par le gazeux...
Nombreuses, et d'un même mouvement, elles se mirent à voleter de plus en plus lentement, pour finalement venir se stabiliser tout près du jeune homme dont les pupilles, blanches comme sa chevelure, témoignaient du succès de la transe, de son passage dans le monde des désincarnés, là où la matière et le temps n'ont plus lieu et où seul l'esprit domine, imposant ses lois...
Venues du fond de la nuit, glaçantes, vibrantes, leurs voix s'élevèrent, tel le vrombissement d'un moteur:
- Tu nous as appelé, ô toi le dernier des guerriers-druides...
- C'est la vérité, ô esprits tourmentés, qui ici-bas, ne pouvez gagner le Niffelheim (12)...
- Rares sont les fois où tu fais appel à nous, fils de Kel... Ton maître, lui, ne s'en gênait pourtant pas... Ton maître, lui, ne s'en gênait pourtant pas...
- S'il est aujourd'hui parmi les vôtres, ici, alors c'est avec la plus grande reconnaissance et le plus profond respect que je m'incline devant vous... car même si je vous sais vénérables, rien ni personne ne le dépasse en ces vertus...
- Si aujourd'hui tu désires notre conseil, c'est que ton cœur, en ce moment même, connaît le trouble, n'est-ce pas?
- Je sais pertinemment que vous pouvez lire en moi comme dans un livre ouvert, je ne vous cacherai donc pas le doute et la peur qui ces jours-ci, sont venues envahir mon âme...
- Un doute et une peur qui ont bien des visages..."Haine", "Carnage", "Douleur", "Peine", "Tristesse", "Trahison", sont tout autant de fléaux qui menacent de s'abattre sur vos têtes, à vous, insouciants mortels, qui avez pendant trop longtemps négligé la parole des Dieux, qui ont fini par vous abandonner à votre triste sort...
- Ce trouble, je l'ai moi aussi ressenti, et depuis plusieurs jours, il ne cesse de croître... Bientôt, je sens qu'il finira par éclore, se propageant dans tout le royaume tel la pire de toutes les chienlits...
- A ce désordre, tu devras toi-même participer, au risque de tout remettre en question, ce que le Shicksal ne pourrait tolérer...
- L'implacable destin est en marche, j'en suis conscient... Rien ne saurait l'arrêter ni le ralentir... Cependant, si j'ai fait appel à votre sagesse, ce soir, c'est que j'ai besoin de connaître les tenants et les aboutissants de cette lutte qui menace d'un instant à l'autre d'avoir lieu...
- T'en dire plus sur ce que nous ne connaissons pas nous-mêmes? Ahahaha... Fils de Kel, cela nous est impossible... La seule chose que nous sachions, nous, esprits égarés, qui comme toi, de notre vivant, avons mélangé notre sang au venin, est le rôle que vous, pauvres pions, allez jouer dans cette mascarade... et notamment le tien, Chevelure de neige... Fils de Kel, cela nous est impossible... La seule chose que nous sachions, nous, esprits égarés, qui comme toi, de notre vivant, avons mélangé notre sang au venin, est le rôle que vous, pauvres pions, allez jouer dans cette mascarade... et notamment le tien, Chevelure de neige...
"Chevelure de neige"...
Voilà bien longtemps qu'on ne l'avait appelé ainsi... Trois années en fait, depuis la mort de son maître, qui était le seul à le nommer de la sorte.
Etre de nouveau appelé comme cela... Il n'y avait à présent plus aucun doute, Kel était bien parmi eux...
- Mon rôle? Quel rôle? Devrais-je moi aussi prendre activement part à la bataille? Que m'ont donc réservé les Immortels, là-bas, du haut de leur éternelle demeure?
- Cela, nous ne pouvons t'en souffler mot... car sur ce point, les Dieux sont catégoriques et ô combien inflexibles... Malheur à celui ou à ceux, mortels ou déjà morts, qui oseront révéler la trame de l'impérieux Shicksal... car sur ce point, les Dieux sont catégoriques et ô combien inflexibles... Malheur à celui ou à ceux, mortels ou déjà morts, qui oseront révéler la trame de l'impérieux Shicksal...
- Ainsi donc, même mes propres aïeux, me restent désespérément clos, s'obstinant à ne rien me dire, à moi qui suis venu les trouver, aux confins du monde éthérique?
- Tout ce que nous pouvons te révéler, chevelure de neige, est que tu vas être amené, tous comme tes frères, à prendre une décision capitale, dont l'issue de la bataille va dépendre... C'est la justesse de ce choix, qui déterminera qui des "flammes" ou de la "lumière", s'emparera d'Asgard...
"Un choix... Nordr avait donc vu juste... Mais de quel choix parlent-ils? Quelle est cette décision que je vais être amené à prendre?" se demanda le jeune druide, alors que petit à petit, tout autour de lui, les formes brumeuses se remettaient à tourner de plus en plus vite.
- Ils ne forment qu'un tout, et pourtant, ils se scinderont en deux... D'un côté les trompés, et de l'autre les preux... A toi de faire ton choix, fils de Kel, dernier des nôtres... D'un côté les trompés, et de l'autre les preux... A toi de faire ton choix, fils de Kel, dernier des nôtres...
- Quand reconnaîtrai-je ce moment?!? Quand comprendrai-je à quel instant il me faudra choisir?!? Parlez ô esprits, vénérables ancêtres!
- A dire, plus rien il n'y a... Au moment opportun, alors tu comprendras... Au moment opportun, alors tu comprendras...
Les formes, de plus en plus indistinctes, se mirent à virevolter de plus en plus vite, au point de finalement disparaître dans le crépitement de ces aveuglants éclairs bleutés, au milieu des feuilles des arbres, qui continuaient, en masse, à tomber...
- Non!!! Ne vous en allez pas maintenant! Vous ne m'avez pas répondu! J'ai besoin de savoir! Je dois connaître la vérité!
Mais déjà, les esprits s'en étaient allé, regagnant la sphère immatérielle, qu'ils avaient momentanément quitté, en amenant une infime partie avec eux, créant alors en cette sombre clairière, une sorte de portail entre les mondes...
Hel, épuisé, s'abattit de tout son poids sur le sol rocailleux de la petite grotte dans laquelle il avait choisi d'invoquer les esprits désincarnés de ses ancêtres.
Rentrer en transe était toujours une expérience des plus éprouvantes, vidant celui qui tentait un tel voyage de toutes ses ressources, aussi bien spirituelles que physiques...
Dans sa bouche, pâteuse, il pouvait encore sentir le goût amer et fort de l'hydromel, qui se mêlait à sa salive...
Désagréable sensation...
Et tout ça pour rien...
Ereinté, il sentit ses paupières devenir de plus en plus lourdes, et impuissant, il ne put lutter d'avantage contre le belliqueux sommeil, qui prompt à rendre moins alerte l'esprit, aussi bien qu'à ressourcer le corps las après bien des batailles, s'insinuait en lui comme le plus envahissant des lichens...
- Je trouve cela injuste! pesta Luung avec force.
Son compagnon, à ses côtés, ne chercha pas même à dissimuler un énorme soupir d'énervement:
- Qu'y a-t-il encore Luung?
- Il y a que nous sommes ici, tous les deux, à faire ces stupides tours de garde, alors qu'en ce moment-même, tous ces gens festoient et s'amusent, comme si nous n'existions pas!!!
"C'est dans l'épée qu'Atria a choisi de s'incarner..."
- C'est là notre rôle, ne l'oublie pas... Eux, ne sont, pour la plupart, que des civils... lui répondit nerveusement Uul, qui depuis déjà presque deux heures, devait supporter la mauvaise humeur de son bougon d'ami.
- Notre rôle... notre rôle... A eux, on réserve les bals et les fastueux banquets, alors que nous, qui sommes les remparts de l'armée de ce royaume, devons nous contenter, dans notre trop rare temps libre, de la miteuse taverne de Forsete! cracha le géant.
- Et alors? Qu'as-tu donc à leur reprocher, à ce brave Forsete et à sa modeste échoppe? Nous nous y amusons pourtant bien non? rajouta Uul.
Luung ne put s'empêcher d'éclater en un fou-rire des plus sonores:
- Ahahaha! Tu l'as dit! Nous y avons passé de bien bons moments! Les femmes, là-bas, ne sont pas toutes aussi belles qu'ici, mais elles sont en tout cas beaucoup moins farouches! Hahaha!
Uul ne répondit même pas... Il se contenta seulement de sourire...
Il est vrai que Luung et lui avaient passé là-bas de fort agréables moments, à boire, à danser et à "taquiner" les serveuses, comme aimait à le dire le colosse.
Ce dernier était un véritable rustre, et rester en sa compagnie était souvent synonyme d'ennuis, tant cette brute se plaisait à provoquer quiconque le regardait de travers, mais lui n'en avait que faire en fin de compte... Il aimait sa compagnie, et cela lui suffisait, même si bien des gens, à plusieurs reprises, avaient tenté de le convaincre de le laisser tomber.
Lui-même, n'avait rien de l'homme populaire auprès de tous, comme c'était le cas de Nordr, d'Hermod, ou de ce " gamin " qui avait, il y a peu, rejoint leur unité...
Lui, était plus perçu comme un loup solitaire, un de ces marginaux qui préfèrent rester à l'écart des autres, cherchant à éviter au maximum leurs semblables.
Mais ce qui le rapprochait, en réalité, de Luung, était cet amour qu'ils partageaient tous deux pour les arts de la guerre, eux qui ne se sentaient réellement libres que lorsqu'ils se lançaient dans le tumulte des combats, le fracas des armes s'entrechoquant venant tinter à leurs oreilles.
Bien que de constitution et de caractère fort différents, ils avaient ce même goût pour le carnage... le sang...
- Tout cela est trop calme à mon goût... reprit Uul. Nordr nous avait promis une attaque de ces brigands et pourtant, il n'y a rien à l'horizon...
- Peut-être comptent-ils nous attaquer par surprise... ? lui répondit Luung.
- Naan... Je ne pense pas qu'ils soient assez malins pour cela... Et Heimdall, leur chef, est bien trop fier pour avoir recours à un tel stratagème... En réalité, je crois que Nordr nous a menti...
- Tu crois? s'étonna le géant.
- C'est fort possible... En tout cas, toujours est-il que tout cela manque cruellement d'animation... Si seulement nous pouvions partir dès maintenant pour la Grèce... Aaaah... siffla Uul, caressant d'un geste des plus sensuels la garde de son épée.
- Oui... Moi aussi, tout comme toi, je ne tiens déjà plus... Cette attente va finir par me tuer! ajouta Luung.
- Bientôt, nous allons pouvoir juger de leur force... Nous verrons si les pouvoirs des chevaliers d'Athéna sont aussi incroyables qu'ils cherchent à nous le faire croire! reprit Uul, une étrange lueur dans les yeux.
- Le Grand Prêtre a eu là une véritable idée de génie! Voilà bien longtemps qu'il aurait dû prendre une telle décision! s'exclama Luung, un air des plus réjouis sur son disgracieux visage.
- Je ne te cacherai pas à quel point j'ai hâte qu'il réveille les légendaires armures divines, afin que nous puissions partir en guerre! Lorsque je serai là-bas, je m'offrirai même la tête d'un chevalier d'or! s'écria Uul, exultant.
- Un chevalier d'or? On dit pourtant qu'ils seraient presque aussi forts que Nordr lui-même! lui rétorqua son compagnon. _Pffff... Le métal de leur armure ne les protègera pas d'une bonne décapitation, crois moi... ironisa l'épéiste.
Luung resta silencieux de longues secondes, ce qui ne manqua pas d'interpeller son ami, qui s'était, à force, presque habitué aux sempiternelles plaintes de cette brute.
- Qu'est-ce qui t'arrive? Cela ne te ressemble pas de rester ainsi sans rien dire, toi qui es d'habitude si difficile à faire taire.
- Mmm... Je me demandais juste si Nordr avait accepté la proposition du Grand Prêtre... Ce dernier m'a confié ne pas être sûr de sa réponse... lui répondit le colosse.
- C'est vrai que contrairement à nous, il n'a pas été mis immédiatement au courant... A croire que c'est en nous seuls que le seigneur Dolbar a une confiance totale... conclut Uul, un air de fierté aussi bien dans la voix que sur le visage.
- Et s'il refusait de se joindre à nous? questionna Luung.
- Et bien... j'imagine qu'il n'y aurait pas d'autres solutions que de... le "tuer"...lui répondit froidement Uul, dont le regard de fauve semblait effrayer son ami.
- Tu... Tu n'es pas sérieux? Car même si nous le voulions réellement, nous ne pourrions jamais véritablement l'inquiéter... As-tu vu de quoi il est capable?!? Ses pouvoirs n'ont rien de comparables aux nôtres... C'est un demi-dieu, j'en suis sûr! bredouilla le géant.
- Pffff... J'ai beaucoup de respect pour lui, mais "demi-dieu" ou pas, il n'en reste pas moins un homme de chair et d'os, donc mortel... Et malgré sa force, il ne pourrait résister à l'incroyable puissance des Guerriers Divins... souffla l'homme au regard de prédateur.
- En tout cas, je préfèrerais que Nordr soit de la partie... Avec lui à nos côtés, nous sommes sûrs de remporter une victoire écrasante, et ce, quelle que soit la force de ces "Chevaliers"...cracha Luung, un sourire carnassier aux lèvres.
- Hum...de toute façon, le prêtre nous l'a assuré: notre victoire sera éclatante! Les Asgardiens, menés par les fantastiques Guerriers Divins, prendront la possession des terres vertes du Sud... et pour nous, chaque jour sera alors une fête! Haha! siffla Uul.
- En parlant de fête... En voilà un qui ne va pas s'ennuyer ce soir! rajouta Luung, désignant à son camarade un homme qui s'en allait, se dirigeant vers la princesse Hilda , sa sœur et leurs trois "chevaliers servants", une jolie jeune femme à chacun de ses bras.
Uul esquissa un sourire moqueur, et siffla, prenant alors appui, le dos contre le mur:
- Pffff... Ne prend pas exemple sur ce bellâtre... Il a, comme tu le sais, toutes les donzelles qu'il veut, mais en son âme ne danse aucune vaillance... Il n'y a rien de preux en cette chose repoussante, mi-homme, mi-femme... Même le cosmos qu'il dégage, est des plus traîtres...
- Peut-être, mais en tout cas, ce soir, m'est avis qu'il ne va pas chômer... On dit que sa couche est plus peuplée encore que la cour de la reine Brunhilde... Regarde comme il se croit supérieur! pesta Luung.
Uul, à nouveau, caressa la garde de son arme du bout des doigts, comme le bison gratte la terre avec l'une de ses pattes avant, lorsqu'il a décidé de se jeter sur qui lui fait obstacle, et un air rageur vint assombrir son faciès des plus sévères.
"Faîtes les beaux... Ne vous gênez pas... mais lorsque, assoiffés de victoire et de conquête, nous nous élancerons, l'arme en avant, sur le Sanctuaire d'Athéna, je serai le plus brillant d'entre tous... et c'est le corps couvert de blessures que vous saisirez alors à quel point je vous suis supérieur, moi qui, sans égratignure aucune, telle la plus funeste des lames, aura apporté la Mort au sein des troupes ennemies..."
Ils étaient maintenant au complet. Mime, après s'être fait remarqué par une grande partie des invités, les avait rejoint, presque immédiatement suivi par Haagen, qui sortait d'on ne sait où...
"Merak a choisi le noble et courageux étalon..."
Contrairement à Mime, qui portait une simple veston de velours noir, par dessus une large et bouffante chemise de flanelle bleu nuit, Haagen avait opté pour un magnifique ensemble d'une lumineuse blancheur , qui, tout le monde s'en doutait, avait été acheté pour l'occasion. Cependant, l'incroyable éclat et perfection de sa tenue contrastaient énormément avec la pâleur de ses traits, tirés, presque gommés par une fatigue que l'on décelait chez lui sans mal. Évidemment, tous le remarquèrent, mais aucun d'entre eux ne chercha à questionner leur ami à ce sujet, même si alors, une seule question leur brûlait à tous les lèvres:
"Haagen...Que t'arrive-t-il ? "
- Alors "Verrücktes Pferd" (13) , te voilà plus en retard que moi. ironisa Mime. Et moi qui croyait être une nouvelle fois le dernier, je vois que ce cher Haagen m'a battu sur mon propre terrain!
- Oh tu sais Mime, Haagen est, lui non plus, loin d'être des plus ponctuels! lui répondit Siegfried, le sourire aux lèvres. _Siegfried, Mime, cessez donc de taquiner notre ami... L'important est qu'il soit maintenant à nos côtés... ajouta Hilda, qui cherchait par là à éviter à Haagen un embarras certain.
Ce dernier, quant à lui, essayait tant bien que mal de calmer l'enjouée princesse Flamme, qui, au comble de la joie, sautillait de droite à gauche, tournant autour de son "cavalier", s'accrochant à son bras, comme si elle cherchait à ne plus le laisser partir.
Il ne faisait aucun doute que la jeune fille allait, d'une minute à l'autre, exploser littéralement de bonheur...
Pendant deux longues heures, qui lui avaient parues interminables, elle avait attendu, anxieuse, inquiète, l'arrivée de son héros, de ce jeune homme aux cheveux d'or qui faisait chavirer son être, et soudain, venu de nulle part, il lui était apparu, magnifique, splendide, fidèle à lui-même...
Hilda leur adressa à tous deux un sourire des plus gracieux...
Comme ils pouvaient former un formidable couple.
Comme leur Amour, même s'ils ne se l'étaient encore jamais avoué, paraissait flagrant, ô combien palpable, solide...
Dans chacun des regards qu'ils s'adressaient, on pouvait voir comme un festival de couleurs, entendre le plus beaux des concertos ou encore sentir le plus charmant des parfums...
Il étaient tout l'un pour l'autre... comme les deux faces d'une même pièce, comme le bleu et le jaune dans le vert...
La princesse, en les voyant, comprit à quel point ils étaient proches malgré ces deux années de séparation, qui semblaient pour eux n'avoir été que deux jours...
Elle n'avait jamais été du genre à envier aux autres ce qu'ils possédaient, mais là, alors, elle ne pu s'empêcher de regretter qu'il n'en soit pas de même pour Siegfried et elle.
Soit, depuis son retour, le jeune homme lui avait témoigné une infinie gentillesse et avait fait preuve de tant de douceur envers elle... mais cela n'avait rien de comparable à ce qui unissait sa cadette et le grand Haagen.
Siegfried, lui, paraissait si torturé... Il était bien souvent à ses côtés, mais elle le sentait pourtant "ailleurs"...comme si son corps seulement restait auprès d'elle, mais que son Amour était au loin...
Il y avait toujours tant de tension en lui, tant de conflit...
Très souvent, il lui arrivait de poser sur elle des yeux remplis de tendresse et de chaleur, puis, l'instant d'après, de détourner son regard d'elle, replongeant dans les méandres de ses pensées, l'oubliant totalement... du moins c'est ce dont elle avait l'impression...
Voilà près de dix jours qu'elle était de retour au palais, et pas une fois, en ce laps de temps, ils n'avaient parlé tous les deux comme Haagen et Flamme l'avaient fait à plusieurs reprises, pas une fois ils ne s'étaient ouvert leur cœur l'un à l'autre...
La jeune princesse, à cette seule pensée, lâcha un soupire discret, alors que son prince charmant, de son côté, semblait plus préoccupé par quelque hypothétique attaque de brigands, que par la jeune fille dont il avait été chargé d'assurer la protection.
Nerveusement, elle se saisit d'un des pans de sa robe, en faisant crisser le tissu sous ses doigts légèrement crispés, puis se mordit la lèvre inférieure, comme si cela allait suffire à lui faire oublier ce trouble qui, en son âme, ne cessait de croître depuis son retour au palais.
Bien trop préoccupée par ces sombres pensées, Hilda n'aperçut même pas les trois personnes qui, d'un pas lent, se dirigeaient vers elle, un sourire aux lèvres.
- Oh non! Pitié, pas lui... gémit Mime, un rien d'effroi dans la voix.
Siegfried, alerte, immédiatement se retourna, cherchant du regard l'individu dont Mime semblait craindre la venue.
A sa seule vue, lui aussi, sembla durcir l'expression de son visage...
L'homme qui approchait, se rendant à leur rencontre, était loin de déclencher chez eux quelque sympathie que ce soit...
" Achernar aime se perdre en magnifiques bouquets..."
Il s'appelait Vidar, et occupait depuis près de quatre années la fonction de jardinier en chef du Palais.
Loin d'être un joyeux drille, il vivait en reclus dans l'une des ailes les plus luxueuses du palais et on disait de lui qu'il préférait nettement la compagnie des plantes et des fleurs, que celle des autres humains, qu'il jugeait bien trop souvent indigne de lui. De chaque côté, il avait à son bras une magnifique créature... Deux somptueuses jeunes femmes en robe de soirée, au charme troublant et aux formes plantureuses.
Cela ne surprit pas Siegfried, Haagen et Mime qui connaissaient, comme chacun ici, au château, la réputation de luron qu'il avait su acquérir en très peu de temps...
Seules les deux princesses, ne l'avaient encore rencontré, car tel le chat lorsqu'il se met en chasse, ce Vidar savait se faire silencieux et discret...
C'est dans une succession de gestes des plus coulés que, une fois arrivé au niveau d'Hilda, il se courba devant elle, puis lui saisit la main droite, sur laquelle il déposa un volatile baiser.
D'une voix à la fois grave et suave, il se permit de lui dire:
- Voilà donc la princesse Hilda de Polaris, sublime bouquet aux mille pétales, et dont les tiges, du vert le plus pur, semblent avoir été abreuvées de la perfection même...
Troublée par ces enjôleuses paroles, la belle Hilda ne put s'empêcher de rougir, le teint de son visage, d'habitude des plus diaphanes, virant au carmin:
- Oh? Il ne me semble pas avoir eu la chance de vous rencontrer auparavant... bredouilla Hilda, de plus en plus déconcertée par l'étonnante beauté de cet homme qui se présentait à elle.
Pour être honnête, il n'avait rien de véritablement viril, à part peut-être cette voix vibrante, semblable à celle de ce héros, maître de Siegfried, que l'on nommait Nordr.
Discrètement, cédant à une tentation bien trop forte, elle perdit son regard sur lui, sur cet être à la curieuse physionomie.
Ses cheveux, violet et épais, tenait plus de la toison que de la simple chevelure et se perdaient en de gracieuses et nombreuses boucles, les faisant ressembler à une véritable crinière, comme en arborent ces fauves africains que l'on appelle Lions. Ses yeux, félins, soulignés et surlignés par de longs cils, étaient grands et terriblement expressifs... Ce qui, Hilda en était certaine, devait être un atout non négligeable lorsqu'il tenait à faire la cour à une, voire plusieurs demoiselles, comme c'était le cas ici...
Son visage, quant à lui, parfaitement dessiné, avait beaucoup plus de traits féminins que masculins.
D'ailleurs, la princesse l'ignorait, mais il arrivait souvent que cet étrange personnage soit pris pour une personne du beau sexe, ce qui lui permettait d'ailleurs, de ne pas semer le trouble que dans l'esprit et le cœur des femmes, mais aussi dans celui des hommes, et notamment des jeunes garçons, dont on le disait friand...
Son corps, athlétique, bien que fin et élancé, moulé dans une chemise de taffetas cyan, sur laquelle étaient brodées de somptueuses feuilles de hêtre, laissait aisément deviner une aptitude toute particulière pour le combat...
C'est une mystérieuse lueur dans les yeux que Vidar, cet être mi-homme mi-femme, lui répondit alors:
- Il est vrai que ces derniers temps, je n'ai guère eu l'occasion de quitter ma serre... L'élaboration d'une nouvelle espèce d'orchidacée m'a malheureusement beaucoup trop accaparé... Je me rends compte à présent que j'ai été stupide de ne pas venir vous souhaiter la bienvenue plus tôt...
A ses côtés, les deux jeunes femmes ne cachaient pas leur impatience et leur envie de quitter Hilda et son petit groupe, afin de s'abandonner, cela ne faisait aucun doute au vu de l' évident état d'excitation dans lequel elles se trouvaient, en compagnie de l'éphèbe qui les accompagnait, aux plaisirs de la chair.
Mime, Haagen et Siegfried, quant à eux, et qui ne portaient pas le jardinier dans leur cœur, commençaient à froncer les sourcils.
Après tout, ils ne connaissaient que trop bien l'étonnant pouvoir d'attraction de cette "créature" et contrairement à Hilda, qui semblait s'être laissé séduire, ils savaient pertinemment que le jeune homme était là en train de chercher à "inhiber" leur princesse.
Parmi ces trois-là, c'est Mime qui connaissait le mieux Vidar, car depuis qu'il était enfant, il avait eu, à maintes reprises, l'occasion de le rencontrer.
Le musicien le savait des plus faux, des plus "insaisissables", et des plus imprévisibles... et nombreux étaient les jeunes gens à être tombés dans son piège, tel une mouche s'englue dans une toile d'araignée pour mourir finalement dévorée par cette dernière.
Non content d'être un fin psychologue, capable de jouer avec les pensées et les désirs de ses "proies", Vidar était aussi, mais cela peu de gens pouvaient s'en douter", un excellent combattant, et même s'il était loin d'en avoir la carrure, il était capable de venir à bout de presque n'importe qui...
D'ailleurs l'étrange cosmos qui émanait de lui en disait long sur ses véritables capacités guerrières, ce que ne manquaient pas de remarquer les individus sensibles à ce genre de choses...
Un cosmos des plus froids...
Un cosmos en perpétuelle fluctuation...
Un "étrange" cosmos...
- Parfait Vidar, tu viens de te présenter à la princesse, tu peux donc nous laisser seuls à présent! lâcha Mime, agacé par la présence de ce personnage, qui lui était plus qu'antipathique.
- Mime a raison... De toute façon, ta présence n'est pas la bienvenue ici... ajouta Siegfried, qui lui non plus, n'en pouvait plus de voir cet homme tenter d'attirer la femme qu'il aimait dans ses filets.
C'est une moue de surprise sur le visage que le jardinier leur répondit, feignant d'avoir été offusqué par de telles paroles:
- Comment cela? Que dîtes-vous là messieurs? Il me semble tout de même que c'est plutôt à cette gente demoiselle de décider si ma présence est la bienvenue, et pas à vous, qui après tout, n'êtes rien de plus que de vulgaires larbins...
A ces mots, Haagen fit un pas en avant, en direction de cet homme qui venait de le faire passer pour un pantin:
- Répète un peu ça Vidar! Et nous verrons alors si ton charme te sera d'une quelconque utilité face à mon froid!
- Mmm... On dirait que tu as toujours le sang aussi chaud Haagen... Mmm... C'est bien... J'aime ça...C'est une qualité rare de nos jours... s'amusa l'adonis.
- Ne fais pas l'idiot Vidar... Nous te l'avons déjà dit, tu n'as plus rien à faire ici... Va déverser ton poison ailleurs... La princesse Hilda n'est pas pour toi! rajouta Mime, qui graduellement, faisait monter son cosmos, tel une mise en garde adressé au jeune jardinier, dont la présence parmi le petit groupe ne semblait pas être accueillie avec chaleur.
Comme pour appuyer l'avertissement qu'adressait leur ami au libertin, Siegfried et Haagen intensifièrent eux aussi la leur, mais de façon bénigne cependant.
- Tu comprends maintenant, Vidar "von schrecklicher Schönheit" (14) , si tu tiens à rester ici, il va falloir t' opposer à trois vulgaires "larbins"... T'en sens-tu capable? ironisa Siegfried.
Le jeune homme à la chevelure violette, alors, baissa légèrement le regard, puis se retournant vers la princesse Flamme, lâcha:
- Mmmm... Et bien alors, si la grande prêtresse m'est inaccessible, peut-être pourrais-je me consoler en compagnie de sa jeune mais non moins splendide cadette?
- Cette fois c'en est trop espèce de... ! hurla Haagen, saisissant Vidar par le col, en froissant ainsi la chemise.
- Allons Haagen... Tu dis vouloir me remettre à ma place... Mais cela t'est-il réellement possible? siffla le jeune homme, dont Haagen avait rapproché le visage du sien.
- Bien sûr... Bien sûr que je le peux! balbutia ce dernier.
- Allons... Fais-le dans ce cas... Frappe- moi... Allez! Cheval fou, frappe moi! s'écria Vidar, exultant.
Haagen ne tenait plus! Ce "monstre" en avait trop dit et il ne pouvait le laisser s'en sortir ainsi!
"Personne n'a le droit de manquer de respect à Flamme! Personne !" pensa t-il, alors que de son poing droit, il s'apprêtait à frapper son "ennemi" au visage.
Cependant, au moment où il chercha à refermer son poing, il éprouva comme une étrange sensation... ou plutôt une "absence de sensation"...
Le cheval fou dut bien le reconnaître: il ne sentait plus son poing droit, ni le gauche d'ailleurs, qui serrait Vidar au col... Affolé, il libéra le jeune homme, le repoussant d'un geste qu'il aurait voulu plus violent.
Le jardinier, hilare, ne put s'empêcher de s'esclaffer:
- Alors Haagen... On est dans l'incapacité de me porter un coup? Hahaha! C'est bien ce que je pensais... Beaucoup de paroles, pour très peu d'actes... Après tout, je ne suis pas étonné, c'est tellement courant par les temps qui courent...
Haagen, se tenait nerveusement le poignet droit, mais là encore, il ne ressentait toujours rien... comme si la vie, à cet endroit même de son corps, l'avait quitté.
- Mais... Que... Que m'as-tu fait? lui demanda Haagen, médusé par ce qui lui arrivait.
- Pffff... Rien de bien grave... En tout cas, rien d'irréversible, je te rassure... Un tout petit quelque chose, histoire de vous montrer que moi aussi, je peux mettre en garde... lui répondit le jeune homme aux cheveux thym.
Mime, qui jusque là s'était contenté d'observer la scène sans intervenir, gratta une corde de sa lyre, cherchant par là à attirer l'attention de Vidar; ce qu'il réussit parfaitement:
- Très bien Vidar... Tout cela est très intéressant, même si je dois bien l'avouer, je n'ai pas réellement saisi comment tu es parvenu à insensibiliser les deux bras d'Haagen...
- Héhé... Me crois-tu stupide au point de te laisser l'accès à mes pensées? N'oublie pas, ô cher Mime "mit klingender Saite" (15) , que je te connais bien pour vous avoir souvent observé, ton père et toi, lors de vos séances d'entraînement. _Hum... Et c'est d'ailleurs ainsi, en nous épiant, que tu as toi-même appris à combattre... ajouta Mime.
- Oui... J'ai beaucoup appris en te voyant ramper ventre à terre face à ton rustre de père, qui cependant, lui, avait le port digne, ce qui n'est pas ton cas... C'est en voyant à quel point tu pouvais être faible que je me suis juré de ne jamais être frappé par qui que ce soit...
- En tout cas, tu n'as pas changé depuis le temps... observa Mime, un ton aigre dans la voix.
- Que veux-tu... Mes racines sont profondes... lui répondit le jardinier en ricanant.
- En tout cas, ne crois pas que tu es parvenu à nous faire peur avec ton petit tour de passe-passe! Je te le répète une dernière fois Vidar! Va-t'en ! intervint Siegfried.
- Oooooh, comme vous voulez... Après tout, vous avez raison, je n'ai guère de temps à perdre avec trois fous de votre espèce... surtout lorsque m'attendent deux aussi jolies jeunes filles que celles qui m'accompagnent ce soir...
Sans plus attendre, l'adonis se retourna vivement, dans un mouvement presque imperceptible, pivotant sur ses talons, pour faire finalement face à la princesse Hilda à laquelle il était venu adresser la parole en premier:
- Princesse... Je crains de devoir vous fausser compagnie... puisque ma présence n'est pas au goût, et c'est le moins que l'on puisse dire, de tout le monde ici...
Hilda aurait aimé pouvoir lui répondre quelque chose, ne serait-ce que quelques mots, mais ses lèvres, sous l'effet du charme et de l'aura presque "diaboliques" de cet homme, restaient désespérément closes...
Ce n'est qu'au bout de quelques secondes, qu'elle parvint tout de même à articuler:
- Je... je... Vous nous quittez déjà?
Le jeune homme esquissa un sourire mutin, heureux de voir que l'incroyable attraction qu'il exerçait sur les êtres vivants, était toujours des plus efficaces, et ce même sur une princesse dont la beauté n'avait rien à envier à ces valkyries des temps anciens, qui, totalement nues, conduisaient alors, par la main, les soldats morts au combat jusqu'au mythique Walhalla, où les attendait le Père des Dieux.
Lentement, enjôleur, il s'inclina devant elle, puis se saisit de sa frêle main avant d'y déposer un second et humide baiser, puis de rajouter:
- Je le déplore tout autant que vous ma princesse... mais il me faut partir... J'espère que nous aurons l'occasion, ultérieurement, de mieux nous connaître... Car une telle beauté, je vous le dis, mérite qu'on s'y attarde...
- Merci... c'est... c'est... bredouilla Hilda, rougissante.
- Et si la vie était un jardin, charmante Hilda de Polaris, m'est avis que vous en seriez la plus belle de toutes les fleurs...
A peine eut-il le temps de prononcer ces dernières paroles qu'il sentit comme une main étreignant son bras, celle de l'une de ses compagnes du soir:
- Vidar... Nous aimerions y aller maintenant...
Les deux jeunes femmes, trépignant d'impatience, commençaient, il faut bien l'avouer, à s'ennuyer ferme.
- Très bien mes chéries... Je suis tout à vous... leur répondit l'éphèbe, alors qu'il quittait le petit groupe constitué de Haagen, Siegfried, Mime, Flamme et Hilda, à qui il venait de faire ouvertement la cour, ce que ne semblait pas apprécier l'élève de Nordr...
- A la revoyure messieurs! leur lâcha-t-il, s'éclipsant, avec aux bras, les deux charmantes créatures qui l'accompagnaient.
Puis, aux bout de quelques secondes, alors qu'il s'apprêtait à quitter l'immense terrasse sur laquelle avait lieu la réception, un cosmos des plus inquiétants l'arrêta net...
Il éleva sans plus attendre le sien en réponse à celui de l'homme qui l'attendait là, et qu'il reconnut aussitôt...
"Men désire l'obédiant..."
- Erik! Mais n'est-ce pas ce bon vieux Erik? s'écria-t-il, mimant l'étonnement.
- Oh épargne moi ton ironie coutumière mon cher Vidar... lui répondit le pupille de Dolbar.
- Et dire que cette soirée aurait pu se dérouler à merveille... et non! Il a fallu que tu surgisses d'on ne sait où, amenant avec toi quelque mauvaise nouvelle, comme toujours d'ailleurs... soupira le jeune jardinier.
- Héhé! Ce que j'ai à t'annoncer, mon cher Vidar, est loin d'être une mauvaise nouvelle, je peux te l'assurer... ricana son interlocuteur.
- Ah? Tu m'intéresses là...
- Hum... Viens, dis au revoir à ces deux damoiselles... Ce dont j'ai à m'entretenir avec toi est de la plus haute importance...
- Vraiment? En tout cas, si c'est pour partager un petit moment intime avec moi, et bien sache que tu n'es pas du tout mon genre... s'amusa l'éphèbe...
- Muarf! Trêve de plaisanterie! C'est le prêtre lui-même qui m'envoie! Suis-moi! Nous n'avons plus un instant à perdre!
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"Végétale humeur"
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Comme c'est amusant, |
Terriblement excitant, |
Vos regards charmés me résistent, |
Et ardemment ils insistent...
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Croyez-vous m'échapper? |
Vous n'êtes que des sots! |
Il me suffit d'un baiser, |
Ou même d'un seul mot...
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Primevère, |
Peut-être un peu pervers... |
Houx, |
A la fois acide et doux...
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Géranium, |
Je ne crains rien ni personne, |
Lilas, |
Pourquoi me blâmer pour cela?
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De cris de plaisir en abandon, |
Laissez vous faire, c'est si bon, |
Vos regards gênés s'enhardissent, |
Et puis fatalement, ils fléchissent...
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Ou croyez-vous aller? |
Vous n'êtes que des sots! |
Il me suffit d'effleurer, |
Simple caresse sur la peau...
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Nénuphar, |
J'obtiens tout tôt ou tard, |
Orchidée, |
A la fois sucré et salé...
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Dahlia, |
Toujours présent, toujours là, |
Rose, |
Je désire et dispose...
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Drosera, je mords... |
Sauge, n'ai-je pas tort? |
Myosotis, telle la plus belle des fleurs, |
Tulipe, viendra bientôt mon heure...
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Vidar |
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Autour de la grande table, de nombreux petits groupes s'étaient formés, pour la plupart constitués de trois à quatre personne, mais sur les lèvres de tous, alors, il n'y avait qu'un seul mot, ou plutôt un seul nom: "Heimdal"...
"Canopus, flamboyante guerrière, nourrit le bras épris de justice..."
- Pfffff! Il se croit invincible... Intouchable... Alors qu'il tient plus de l'hermine que du tigre à dents de sabre! s'exclama le juge, qui, un sourire en coin, s'amusait à mimer ces deux animaux...
"Mizar pleure des larmes de gel..."
- Une hermine, soit, mais une hermine aux dents longues et aux griffes acérées... Moi-même, j'ai pu le constater de mes yeux lorsque je me suis retrouvé face à lui! lui répondit Syd, qui portait à sa bouche une de ces petites boules verdâtres et luisantes que l'on appelait raisin.
- Il est vrai qu'on ne cesse de me vanter sa vaillance... mais si vous voulez mon avis, mon cher Syd, ce Heimdal n'est pas plus dangereux qu'un simple garde... Et je paierai cher pour pouvoir vous le prouver! s'écria l'homme à la longue chevelure vert sombre.
On l'appelait Tyr, et occupait l'illustre fonction de Juge suprême de la Haute cour du Royaume... Non pas qu'il possédait un sens inné de la justice ou quelque don que ce soit dans l'art de peser le pour et le contre, mais son goût pour l'arbitraire avait su séduire Dolbar qui lui avait alors remit un tel pouvoir, faisant de lui l'un des êtres les plus influents de tous le royaume...
Depuis des mois déjà, il cherchait plus que tout à mettre la main sur ce "Voleur Arc-en-ciel", comme se plaisait à le nommer la populace, ces fainéants et ces rebuts de la société pour lesquels il n'avait pas la moindre estime.
Ce "petit imbécile", depuis bien trop longtemps maintenant, s'amusait à remettre en question le pouvoir du Grand Prêtre, chose inacceptable et passible, d'après lui, de la pire des sentences!
- Mmmm... je ne sais pas... J'ai moi-même ressenti sa cosmo-énergie, absolument impressionnante... Sans parler de celle de ce géant qui, à n'en pas douter, doit l'égaler de peu... Pour tout vous dire, je n'avais encore jamais été en présence de cosmos aussi "bouillants"...l'interrompit son interlocuteur.
- Muff... Peut-être... mais en tout cas, toujours est-il que "cosmos bouillant" ou pas, j'en ai mâté des plus terribles... Croyez-moi, vaillant fils d'Oberon.
A ces mots, il laissa exploser durant un infime instant toute l'étendue de son cosmos, ce qui ne manqua pas d'alerter les quelques membres de l'unité Vulkan, qui ça et là, montaient la garde et qui, parmi tous les hommes en faction ce soir-là, étaient les plus réceptifs aux "mouvements d'aura"...
Syd put alors ressentir toute l'étendue de la puissance de cet inquiétant personnage, de ce Tyr, qui sous des airs de "gentilhomme", cachait, à n'en pas douter, une haine et une hargne toute aussi grande que celle des hommes qu'il cherchait à condamner...
- Et bien! On m'avait dit que vous le détestiez! Je me rend maintenant compte à quel point ce qu'on m'avait rapporté était en dessous de la vérité... reconnut le jeune homme à la chevelure émeraude.
Un sourire mauvais vint naître aux commissures des lèvres de Tyr, lui donnant un aspect des plus sadiques.
Il se frotta les mains l'une contre l'autre, comme s'il cherchait à les enduire de savon ou de quelque autre huile pour le corps, et c'est d'une voix pleine de folie contenue qu'il répondit à Syd:
- Vous n'imaginez même pas, ô Syd, "so stolz" (16), à quel point je peux le haïr, lui qui se croit leur sauveur, leur messie, alors qu'il n'est rien de plus qu'un vil traître qui n'a pas hésité à laisser sa famille et la traîner dans l'opprobre ! Je fais la promesse solennelle de le tuer de mes mains! Oh oui, je le tuerai de mes propres mains... Cela, c'est sur la grande statue d'Odin, que j'en fais le serment!
D'un geste rageur, il fouetta le vide du tranchant de la main, comme si ainsi, il cherchait à donner consistance à la menace qu'il venait de proférer.
Syd, bien qu'habitué à une telle violence, ne put s'empêcher de réprimer un léger frisson de terreur...
Dans les yeux du juge, semblaient s'agiter de bien curieuses flammes: les "flammes de la folie"...
- Qu'y a-t-il Balder? demanda Dankwart.
Le jeune homme ne lui répondit même pas... D'ailleurs, l'avait-il entendu?
Avec force il soupira et de façon malhabile, se passa la main dans les cheveux. Voilà deux longues heures que la soirée avait débuté et il n'avait fait que picorer ça et là quelques amuse-gueules... Quant à son assiette, qu'il tenait en main depuis déjà plusieurs minutes sans même y jeter, de temps à autres, un furtif coup d'œil, celle-ci restait désespérément vide. Ni la musique que laissaient échapper les instruments des minnesangers, ni le bruit assourdissant des conversations de chacun ne parvenaient à le ramener à la réalité.
En cet instant, seul comptait pour lui cette jeune fille qu'il avait rencontré dans l'après midi, cette Hilda... cette princesse, "sa" princesse...
Depuis leur brève rencontre, il ne cessait de penser et de repenser sans cesse à elle... à son étonnant cosmos, si chaud, si tendre, si reposant...
Il avait croisé bon nombre de sources différentes de cosmo-énergie, mais aucune n'avait fait naître en lui un tel sentiment de "plénitude".
Il n'avait échangé, pourtant, que très peu de mots avec elle, mais ce court instant avait suffi pour lui faire comprendre que cette jeune femme n'avait rien de commun avec tous ceux qu'il avait pu rencontrer jusque là...
Elle, semblait appartenir à un autre monde, une autre sphère, tant son regard, sa voix, aussi bien que son étonnante aura, semblaient si pénétrants...
Cependant, depuis des heures, la même question revenait sans cesse, venant assaillir son esprit, tel l'élan qui, jusqu'à ce que le sort ait désigné un vainqueur, vient entremêler ses bois à ceux d'un rival, dans le but de déterminer lequel des deux pourra s'approprier la femelle tant convoitée:
"Pourquoi?"
Oui, "pourquoi?"
Pourquoi se sentait-il irrésistiblement attiré vers elle, vers cette jeune femme qui, en quelques secondes, semblait l'avoir littéralement ensorcelé, venant imprimer au plus profond de son esprit l'image de son visage?
- Tu repenses encore à la belle Hilda, n'est-ce pas? continua son père.
Balder se tourna vers lui, et l'air songeur il lui répondit:
- Oui Père... C'est vrai... J'ai beau chercher à la chasser de mon esprit, son image me revient sans cesse... Et c'est comme si je ne pouvais lutter contre cela...
- Mmmm... Mon Balder serait-il amoureux? s'amusa Dankwart, un sourire en coin.
- Père! Ne dîtes pas n'importe quoi! Non... C'est autrement plus étrange... C'est comme si, tel un aimant, elle m'attirait à elle... Comme si dans ses filets, j'avais été capturé et que je ne pouvais plus fuire...
- Moi-même, je n'ai pas été indifférent à son chaleureux cosmos... Ce qu'on dit sur elle est peut-être vrai en fin de compte...
- Oui, murmura le jeune et pur Balder, peut-être a-t-elle le pouvoir de tout changer... Peut-être pourra-t-elle nous redonner la lumière qui nous a tant manqué...
Les deux hommes restèrent silencieux, ne cherchant pas même à rajouter quelque parole que ce soit à ce qui venait d'être dit...
Cette Hilda de Polaris avait en elle quelque chose d'ô combien spécial, de différent, de "meilleur"...
Cela, c'est au plus profond de leur âme que tous deux, l'avaient ressenti...
C'est le volume de la musique, qui soudain se fit plus fort, qui les ramena à la réalité, leur rappelant que malgré ce sentiment étrange qui les envahissait, la soirée, elle, continuait à battre son plein, et que quelque chose d'important, allait bientôt avoir lieu...
Dankwart tourna la tête vers un homme, qui à à peine deux pas de lui, conversait avec une femme d'âge mûr, toute de "rose guimauve" vêtue.
- Que se passe-t-il? Pourquoi les minnesangers se mettent-ils à jouer plus fort, soudain? demanda le régent.
- Oh? Vous ne le savez donc pas? C'est l'heure de la Grande Danse voyons! lui répondit l'homme, un air narquois dans le regard.
- La Grande Danse? s'étonna Dankwart.
- Oui... regardez... C'est maintenant que s'apprêtent à danser la princesse Hilda et le cavalier que lui a choisi le Seigneur Dolbar...
- Un cavalier?
- Oui... Un partenaire pour la danse... C'est à ses côtés qu'elle va ouvrir le bal! Nombreux ont été les jeunes gens à se présenter... mais un seul d'entre eux a su retenir l'attention du Prêtre!
Le père de Balder dévisagea alors longuement l'individu que le grand Prêtre avait choisi pour accompagner la princesse...
Il était grand et gracile, et bien qu'élancé, on lui devinait sans mal une carrure des plus athlétiques.
Alors que, saisissant Hilda par la taille, il faisait gracieusement tourner cette dernière, se mouvant au gré de la musique comme un écureuil, lorsqu'il est en fuite, se projette d'arbre en arbre, de branche en branche, au gré du vent qui le pousse de son souffle bruyant; ses longs cheveux blonds semblaient voleter dans l'air, renforçant cette impression de majesté qui émanait de lui.
- Cet homme... Qui... Qui est-il? demanda le jeune Balder, un léger soupçon d'inquiétude dans la voix, mêlé à une petite pointe de curiosité.
- Mais... Ne reconnaissez-vous pas le célèbre Iorick Braun? s'exclama la femme à la robe rose, un air des plus étonné sur son visage bouffi.
"Iorick Braun"...
Le jeune homme parut réfléchir quelques instants, alors que depuis de longues secondes, déjà, la belle Hilda et ce Iorick dansaient, seuls, sous le regard médusé des nombreux invités, au milieu de la gigantesque terrasse, improvisée luxueuse piste de danse pour l'occasion.
Décidément, un tel nom, ne lui disait rien du tout...
- Je suis navré mais vous savez, mon père et moi venons de loin et ne sommes pas très en clin à vos coutumes et pas véritablement au courant de ce qui peut bien se passer par chez vous... avoua le jeune garçon, légèrement honteux, bafouillant quelque peu.
- Mais voyons! Iorick, Er Braun, malgré son jeune âge, est le plus grand explorateur et aventurier qu'Asgard ait jamais compté! Lui seul a l'autorisation de quitter les limites de notre royaume afin de contempler les richesses de notre monde! La princesse Hilda a énormément de chance vous savez! Nombreuses sont les jeunes filles de bonne famille prêtes à se damner pour un simple sourire de sa part! chuchota la femme, portant les doigts de sa main gauche à son cou, le caressant comme un homme épris de tendresse peut caresser un sein livré à un voluptueux abandon…
- Veuillez excuser ma maladresse Er Braun…Comme vous le voyez, je suis une bien piètre danseuse…chuchota la princesse à son cavalier, alors que celui, la tenant par les hanches, la faisait doucement tourner sur elle-même.
"Quant à Deneb, c'est sur le voyageur, que son regard s'est porté ..."
- Bien piètre danseuse ? Vous vous sous-estimez majesté…Vous faîtes là une talentueuse cavalière, croyez-moi. Tenta de la rassurer le jeune homme qui dansait à ses côtés.
- Je souffre d'une…certaine inexpérience en ce domaine…Il faut dire aussi que les bals et autres réceptions ne sont pas aussi fréquents là d'où je viens qu'ici, à la cour du Grand Prêtre…continua t'elle à bafouiller.
- Vous vous y ferez…j'en suis sûr ! lui répondit le jeune homme.
- Dîtes-moi, Iorick…commença Hilda.
- Oui princesse ?
- Ce que l'on dit sur vous est-il vrai ? continua-t-elle.
- Et que dit-on exactement ? lui demanda le jeune homme, curieux d'en savoir plus.
- Et bien on raconte ici que vous êtes l'un des rares Asgardiens à pouvoir vous aventurer en dehors des limites du royaume…Est-ce vrai ?
- Mmmm…Tout à fait Hilda…Le Grand prêtre compte sur moi pour le tenir au courant des évènements qui surviennent à l'étranger, en dehors des limites de notre contrée, là où tout autre que moi ne peut s'aventurer…avoua Iorick.
- Quelle chance…admit-elle.
- Oui…Je dois bien l'avouer…je suis un privilégié…Mais Dolbar sait à qui il a affaire…Depuis des générations, les hommes de ma famille accomplissent cette tâche d'explorateur et d'aventurier…renchérit-il.
- Vraiment ? s'étonna la belle Hilda.
- Oui…Nous sommes à Asgard d'une importance capitale…Par exemple, c'est moi qui ai rapporté à notre maître le triste bilan de la guerre fratricide qui a déchiré en deux factions le camp des défenseurs d'Athéna…poursuivit l'explorateur, une lueur étrange dans les yeux…
- J'ai moi-même, alors, senti de puissantes explosions de cosmos…puis des auras qui se sont éteintes…Je me sentais tellement impuissante…Je ressentais chacune de leurs cosmo-énergie, et pourtant, je ne pouvais rien faire pour les empêcher de s'entretuer…chuchota la princesse.
- Vous n'en auriez de toutes façons pas eu le pouvoir…la coupa le jeune homme aux cheveux blonds. Ce qui s'est déroulé sur le sol aride de Grèce n'avait rien de commun avec une guerre ordinaire…Il n'était pas question de Bien, ni de Mal…Ces hommes se sont entredéchirés pour ce qu'ils croyaient juste…Leur cosmos et leur volonté ont transcendé les limites du physique…Un tierce personne, alors, n'aurait pu être qu'impuissante devant un tel déploiement d'énergie…
- Et…Et vous les avez vus ? le questionna sa partenaire.
- Non…Je n'en ai vu aucun…Puisque de toute façon, même s'il m'était possible, avec mes pouvoirs, de pénétrer leur Sanctuaire, je n'avais pas la moindre envie de profaner leur bataille sacrée de ma présence…lui murmura Iorick à l'oreille.
- Profaner ? Que…que voulez-vous dire ?
- Il m'était inutile de les voir de mes yeux…Je savais, de par ces incroyables mouvements de cosmos, qui était en mesure de remporter la victoire…Pénétrer le lieu de l'affrontement n'aurait été que curiosité mal placée…et bien que l'on puisse me reprocher bon nombre de choses, je n'ai pas ce vice-là…s'expliqua-t-il.
Hilda ne sut quoi lui répondre…Après tout, sûrement n'y avait-il même rien à ajouter à cela…Iorick avait su respecter ces hommes en ne tentant rien de stupide…et puis, de toute façon, aurait-il pu y changer quelque chose ?
Assurément, non…
Elle réalisa que tout cela avait été un beau gâchis…
Comment des hommes sensés protéger la paix et la justice au sein d'un même camp avaient-ils pu choisir de se dresser les uns contre les autres ?
Comment ces jeunes gens dont le sort du monde reposait entre leurs mains, avaient-ils pu en venir à se faire la guerre ?
Un frisson lui parcouru l'échine alors que perdue dans ces tristes pensées, c'est Iorick qui menait la danse, l'assistant dans cet exercice difficile et dans lequel elle ne se sentait vraiment pas à l'aise…
Pendant un instant, même, elle se prit à imaginer ce qu'il pourrait advenir de son royaume bien-aimé si un jour, tout comme le Sanctuaire sacré d'Athéna, il venait à devenir le théâtre d'un tel conflit…
"Oh Odin…Puisses-tu nous garder d'un tel drame…Puisse-tu nous préserver de cela… "
Fin de l'épisode 4...
( 1) |
Dieu de la force et de l'âge mûr, Thor est aussi le premier fils d'Odin et de Iord, la Terre. On dit aussi de lui qu'il est le plus grand, le plus puissant et le premier des Ases. On raconte qu'énumérer tous ses exploits relèverait du prodige car personne n'est assez instruit pout les connaître tous.Il vit dans la résidence de Bilskirnir, située à Thrudheim (le territoire de la force) et conduit un char tiré par deux terribles boucs. Surnommé aussi "Barbe Rousse", il est le possesseur de trois artefacts magiques aux très grands pouvoirs: la ceinture de puissance Megingiord, qui lui donne sa force divine, ainsi que des gants de fer qui lui sont indispensables pour manier son puissant et légendaire marteau baptisé Mjollnir ou "Foudre Etincelante"...
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( 2) |
Ase, fils d'Odin, on l'appelle aussi "le Combattant" de par sa puissance absolument titanesque... Aveugle et d'une grande naïveté, il se laisse manipuler par le redoutable Loki et tue par erreur son frère Balder avec une simple pousse de gui (seul élément du monde à ne pas avoir prêté le serment de ne jamais faire de mal au sublime fils d'Odin et de Frigg)...
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( 3) |
Reine des Ondines, moitié femme, moitié poisson, la sublime Loreleï reste juchée sur le rocher qui surplombe le Rhin, répondant sept fois (par échos) aux appels des navigateurs qui passent, les ensorcelant et provoquant parfois leur naufrage...
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( 4) |
Dans la mythologie nordique, Frigg est le nom que l'on donne à l'épouse préférée d'Odin. On l'appelle aussi l' "Aimée" et est la plus importante des déesses Ases. Mère du dieu Balder, elle demeure dans son palais nommé Fensalir, qui se situe en Asgard. Elle n'énonce aucune prophétie mais sait tout du destin des hommes car Odin l'autorise à s'asseoir sur Hlidskialf, le siège magique d'où l'on peut voir et entendre l'univers entier.
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( 5) |
Chez les anciens scandinaves, la fin de l'Univers, de dieux, ainsi que du monde des hommes, était perçue comme un phénomène inéluctable: elle devait déboucher à une transcendance puis à une régénération universelle sous l'action puissante du grand dieu Balder. Il ne servait à rien de lutter contre cela: le peuple nordique avait appris à l'accepter.
Il savait qu'un jour, tout allait être amené à disparaître et c'est pourquoi la Mort ne lui faisait aucunement peur...
La vie de chacun était régie par un implacable Destin, déjà écrit: le "Schicksal".
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( 6) |
Mjollinir, le marteau de Thor, forgé par le nain Eitri à la suite d'un défi lancé par Loki, a le pouvoir de provoquer la foudre et le tonnerre, mais a aussi la particularité de pouvoir être lancé tel un boomerang et de revenir derechef dans la main de son maître. Artefact fabuleux, il a causé le trépas de bien des Géants du Givre, ennemis jurés des divinités du panthéon nordique...
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( 7) |
"Légende parmi les légendes"
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( 8) |
C'est le nom que l'on donnait autrefois, dans les peuplades du Nord, aux poètes et conteurs ambulants qui s'accompagnaient souvent de cithares pour chanter les aventures et les exploits des dieux et des héros. Tout comme les troubadours et les trouvères, ils étaient les premiers colporteurs de nouvelles qu'ils savaient conter sur les tréteaux des places de marchés, ainsi que dans les salles des fêtes des châteaux.
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( 9) |
C'était toujours par cette célèbre phrase que les minnesangers commençaient leurs chansons ou poèmes, qu'ils accompagnaient aussi bien souvent d'une gestuelle pour en souligner les propos...
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(10) |
Les Minnesänger étaient nombreux, mais les plus célèbres ont été Walter von der Vogelweide et Wolfram von Eschenbach qui savaient comme personne, conter– entre autre - la Chanson des Nibelungen.
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(11) |
Lors de sa visite chez le roi des Géants Utgardaloki, Loki se vanta en assurant que personne n'était capable de manger aussi vite que lui. C'est pourquoi le roi Géant le mit à l'épreuve en installant le Géant Logi devant une auge pleine de viande, posée sur le sol. Tous deux mangèrent aussi vite qu'ils le purent mais Logi se montra encore plus vorace que son adversaire divin car lui, ne laissa pas même les os...
Logi fut donc déclaré vainqueur, mais Utgardaloki confia plus tard à Thor que Loki n'avait pas combattu contre un bête Géant, mais contre le feu personnifié, c'est pourquoi il n'avait pas pu gagner son défi...
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(12) |
Dans la mythologie scandinave, les êtres humains morts sans destinée particulière séjournaient dans Helheim, lui même situé dans le Niffelheim... Les guerriers tués au combat, eux, étaient hébergés dans la Valhalle alors que ceux qui périssaient noyés dormaient dans les bras de Ran, épouse d'Aegir, la Mer...
Cependant, certaines âmes tourmentées (parce que quelque chose les empêchait de trouver la paix, comme par exemple un non-respect du rituel funéraire) ne parvenaient à gagner aucun de ces lieux, c'est pourquoi elles étaient condamnées à errer sans but en Midgard, au milieu des vivants, les hantant parfois (tels les Draugs) ou les observant en silence...
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(13) |
"Cheval fou"
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(14) |
"A la terrible beauté"
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(15) |
"A la corde chantante"
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(16) |
"Si fier" |
~ Chapitre 3 - Chapitre 4 - Chapitre 5 ~
de Kouro
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