Sigurd
d'Ernest Reyer

Les Personnages :
Sigurd (ténor)
Gunther (baryton)
Hagen (basse)
Le Grand-Prêtre (baryton)
Rudiger (baryton)
Irnfrid (ténor)
Hawart (baryton)
Ramunc (basse)
Le Barde (basse)
Brunehild (soprano)
Hilda (mezzo-soprano)
Uta (mezzo-soprano)



Acte 1 : Worms. La grande salle du burg de Gunther (Uta, Hilda, Gunther, Hagen, un Barde, Rudiger, Irnfrid, Sigurd).
Acte 2 : Islande (Le Grand-Prêtre, Sigurd, Gunther, Hagen).
Acte 3 : Worms (Sigurd, Brunehild).
Acte 4 : Worms (Gunther, Sigurd, Brunehild, Hagen).




ACTE 1

Worms
La grande salle du burg de Gunther.



SCENE 1
(Les femmes des guerriers de Gunther, Uta, Hilda et sa suite)


CHOEUR DES FEMMES
Brodons des étendards et préparons des armes.
Le roi Gunther est las de son repos,
Il veut courir à des exploits nouveaux.
Que de beaux yeux bientôt vont répandre des larmes!
Victorieux, de gloire et d'or couvert,
Il reviendra, le brave roi Gunther.
Brodons des étendards et préparons des armes.

HILDA
Celui-là seul est heureux
Qui porte un cœur valeureux
Dans la mêlée orageuse
Celle-là seule est heureuse
Que chérit jusqu'à la mort
Un chef courageux et fort.

LE CHOEUR
Brodons des étendards et préparons des armes!
Entendez-vous le cor au fond des bois?
Le roi Gunther suit un cerf aux abois,
Image des combats, la chasse en a les charmes,
Le roi Gunther va conquérir encor
Quelques vieux burg, quelque riche trésor;
Brodons des étendards et préparons des armes!

UTA
(à Hilda)
Toujours songeuse et pâle Hilda... d'où vient ta peine?
Le roi Gunther, ton frère, accédant à tes vœux
Rejette d'Attila les désirs glorieux,
Et les Huns indomptés ne t'auront pas pour reine;
Tu soupires... Tes yeux sont humides de pleurs,
Parle... dis ta souffrance ou ta triste pensée
A celle qui demain veut mourir si tu meurs,
Qui, te donnant son lait, dans ses bras t'a bercée!

HILDA
Ma mère... un songe malgré moi
Me glace d'un mortel effroi.
Jadis, j'ai recueilli dans la forêt prochaine
Un milan voletant à peine,
Et de mes mains je l'ai nourri.
Dans mon rêve j'ai vu s'élancer d'un nuage
Un aigle affamé de carnage,
Frappant l'air d'un lugubre cri.
Je cachais dans mon sein, troublée et frémissante,
Le pauvre oiseau tremblant... De son bec acéré,
Malgré mes vains efforts et mes cris d'épouvante,
L'aigle cruel l'a déchiré.

UTA
Ma fille... Le sommeil est pour moi sans mystère!
Ce milan... c'est un noble époux...
Garde qu'une rivale, un jour, en sa colère
Dans tes bras ne le fasse expirer sous ses coups.

HILDA
Je veux vivre à jamais sans amour.

UTA
(souriant)
O blasphème

HILDA
J'ai refusé le trône d'Attila.
Quel moins digne voudrait se condamner lui-même
Aux dédains du cœur qui dort là?

UTA
Un héros vient toujours... et c'est celui qu'on aime.

HILDA
Hé bien, il est venu, ma mère, le héros!
J'aime! et j'aime sans espérance...
Depuis qu'il a paru, j'ai perdu le repos,
J'aime et je meurs de ma souffrance!
Comme le soleil au ciel pur
Soudain vous fait pâlir, astres que la nuit sème,
Tel parmi les vaillants brille celui que j'aime,
Le noble et valeureux Sigurd!
Te souvient-il de ces jours pleins de larmes
Où la victoire ayant trahi nos armes,
Mon père mort en guerrier valeureux,
De nos vainqueurs traînant la lourde chaîne,
J'étais l'esclave au palais de leur reine,
Servant sa table et tressant ses cheveux?
Un vengeur vint, calme et superbe
Comme un faucheur moissonne l'herbe,
Il allait couchant devant lui
Les guerriers qui n'avaient pas fui.
Sa beauté sévère
Est celle des dieux,
L'éclat de ses yeux
Fait trembler la terre,
Du glaive d'airain
Dont s'arme sa main,
Jaillit un feu sombre;
Par lui, les guerriers
S'endorment sans nombre
Sur leurs boucliers.
Sigurd brisa nos fers, puis tout sanglant encore
Sans daigner seulement sur nous lever les yeux,
Calme et fier, il reprit son chemin glorieux.
Ma mère, tu connais le mal qui me dévore,
Que rien ne peut apaiser désormais!
Il n'a pas vu que je l'aimais!

LE CHOEUR
(se rapprochant à la fin du récit)
Fille des rois, que te sert d'être belle?
Pourquoi répandre en secret tant de pleurs?
L'espérance a ton âge, Hilda, souris comme elle!
Souris; le gai printemps sur ta lèvre est en fleurs.

UTA
La nuit vient, les chasseurs ont quitté les halliers.
Femmes, il faut céder cette salle aux guerriers.

CHOEUR
Voilà les étendards, les cuirasses, les armes!
Avec le jour finira le festin;
Le roi Gunther part aux feux du matin.
Nous l'attendrons ici sans pleurs et sans alarmes.
Victorieux, de gloire et d'or couvert,
Il reviendra, le brave roi Gunther.
Voilà les étendards, les cuirasses, les armes!

(Le chœur sort)



SCENE 2
(Uta, Hilda)


(Uta arrête Hilda au moment où elle allait sortir, à la suite du chœur, et la ramène vivement à l'avant-scène)

UTA
(à Hilda)
Je savais tout, j'avais lu dans ton cœur
Ton amour pour ce fier vainqueur
Tes tourments, ta misère,
Hilda, Sigurd ici bientôt viendra
Et d'un ardent amour bientôt il t'aimera!

HILDA
Dieux!

UTA
Les destins n'ont pas de secrets pour ta mère.
I
Je sais des secrets merveilleux
Jadis appris à nos aïeux
Par les esprits terribles;
Je sais des charmes redoutés
Soumettant à nos volontés
Les êtres invisibles.
J'ai conjuré l'esprit de l'air,
D'aller vers Sigurd au cœur fier
Et de lui porter la pensée
De venir au burg de Gunther.
Il vient, ô pauvre âme blessée,
Le fiancé que tu choisis!
O fleur par l'orage lassée,
Il vient, sèche tes pleurs, souris.
II
Par une belle nuit d'été,
La lune inondant de clarté
Les lacs bordés d'yeuses
En invoquant Fréja trois fois
J'ai cueilli dans l'ombre des bois
Des plantes merveilleuses.
Mon art en a su composer
Un philtre où Sigurd va puiser
Les feux d'une ardeur insensée
Qui pour Hilda va l'embraser.
Il vient, ô pauvre âme blessée,
Le fiancé que tu chosis!
O fleur par l’orage lassée,
Il vient, sèche tes pleurs, souris.

(Fanfares au dehors)

HILDA
Ah! je tremble!

UTA
Ecoutons.

CHOEUR
(au dehors)
Voilà le fier chasseur,
Voilà le roi Gunther.

HILDA
(à Uta qui l’entraîne)
O ma mère, j’ai peur!



SCENE 3
(Le roi Gunther, Hagen, un barde, Rudiger, les envoyés d’Attila, suite de Gunther, etc., valets portants des flambeaux)


(Marche. On apporte des tables.)

LE CHOEUR
Quand on court depuis le matin
Les forêts, les monts et la plaine,
Il est doux de reprendre haleine
Assis auprès d’un gai festin!
Que les échos des salles hautes
Répètent un joyeux hourrah.
Fêtons Gunther, fêtons ses hôtes,
Gloire aux envoyés d’Attila!

(Gunther prenant place au milieu sous un dais. Rudiger et ses compaganons à sa droite à la place d’honneur.)

GUNTHER
J'aime à voir assis à ma table
Avec vous, mes guerriers, ces chefs pleins de valeur
Que le noble Atilla, roi d'un peuple innombrable
Envoya vers ma sœur.
Emplissez ma coupe profonde,
Versez l'hydromel à la ronde,
Amis, avec moi buvez tous!
Au roi des Huns, à ses guerriers, à vous!

LE CHOEUR
Que les échos des salles hautes
Répètent un joyeux hurrah,
Fêtons Gunther, fêtons ses hôtes,
Gloire aux envoyés d'Attila!

HAGEN
(se levant)
Donnons encor ce soir aux fêtes;
Pour de nouveaux combats, nous partirons demain,
Voyez à ces parois briller nos armes prêtes.

LE CHOEUR
(à Gunther)
De quelles nouvelles conquêtes
Vas-tu nous montrer le chemin?

GUNTHER
A cette table à tous ouverte,
Est-il assis, ce barde aux cheveux blancs,
Que nous avons trouvé traînant ses pas errants,
Un soir, dans les sentiers de la forêt déserte?

CHOEUR
O vieillard, lève-toi
Et marche vers ton roi!

GUNTHER
Barde, prends ta harpe sonore
Et devant les guerriers assis à ce festin,
Au roi Gunther redis encore
Le chant de Brunehild, prisonnière d'Odin.

LE BARDE
Il est une île sombre où le sol calciné
Cache des lacs de feu sous des plaines de neige.
Autour d'elle mugit l'Océan déchaîné,
De ses noirs tourbillons la tempête l'assiège.

LE CHOEUR
C'est l'Islande.

GUNTHER
C'est là que je veux, mes amis,
Portant la lance et la framée,
Combattant seul contre une armée,
Conquérir un trésor sans prix!

LE CHOEUR
Le froid, le feu, la nuit ni l'onde
N'arrêtent les cœurs généreux,
Nous te suivrons au bout du monde,
Roi valeureux.

LE BARDE
Odin, dieu farouche et sévère,
Odin, qui voit dans sa colère
Trembler le monde épouvanté,
Odin, de courroux transporté
Un jour chassa du ciel une vierge guerrière
Qui, pour combattre sur la terre,
Avait osé quitter le séjour enchanté.
C'était Brunehild, la plus belle,
Ses sœurs intercédant pour elle,
N'ont pu fléchir le dieu cruel!
La Valkyrie est condamnée
A subir notre destinée
En entrant au lit d'un mortel.
Qu'un guerrier au cœur fier se lève,
Qu'il marche hardi vers la grève
Où flamboie un château de feu!
Que brisant tes fers, ô déesse!
Il conquière pour sa jeunesse
Une épouse digne d'un dieu.
Dans un palais aux murs de flamme
Gardé par un enchantement,
Brunehild, la charmante femme
Attend son époux en dormant.
Des esprits, des monstres terribles
Gardent les bords inaccessibles
Où l'on voit sa prison briller.
Un guerrier, brave entre les braves,
Doit délivrer de ses entraves
La jeune vierge et l'éveiller...
Qu'un guerrier au cœur fier se lève,
Qu'il marche hardi vers là grève
Où flamboie un château de feu!
Que brisant tes fers, ô déesse!
Il conquière pour sa jeunesse
Une épouse digne d'un dieu.

GUNTHER
Je franchirai demain, ton gouffre, ô mer profonde!

LE CHOEUR
Le froid, le feu, la nuit ni l'onde
N'arrêtent les cœurs généreux,
Nous te suivons au bout du monde,
Roi valeureux.

RUGIGER ET SES COMPANGNONS
(se levant)
Prince du Rhin, nous partons dès l'aurore
Et nous devons prendre congé de toi.
Fais cependant que nous puissions encore
Dire à ta sœur les vœux de notre roi.

(Gunther fait une geste, des valets sortent et emportent les tables.)

GUNTHER
Que votre désir s'accomplisse,
Il ne dépendra pas de moi qu'Hilda
Ne sente dans son cœur sa fierté qui fléchisse
Et ne monte joyeuse au trône d'Atilla!



SCENE 4
(Les mêmes, Hilda, Uta, suivantes.)


LE CHOEUR
Salut, salut, à la belle!
Un lys à l'aurore nouvelle
Est moins gracieux et moins pur,
Ses cheveux sont d'or; demi closes,
Ses lèvres sont de jeunes roses
Et ses yeux bleus des fleurs d'azur!

(Rudiger et ses compagnons fléchissent le genou devant Hilda.)

RUDIGER ET SES COMPAGNONS
Le chef des Huns par notre voix,
Belle Hilda, vous implore encore;
Son empire s'étend des Alpes au Bosphore
Et le monde romain vit tremblant sous ses lois.

IRNFRIT
S'il vous plaît d'avoir pour couronne
Le diadème brillant
De l'empereur d'Orient,
Le fier Attila vous le donne!

RUDIGER
Si vous voulez, sur vos hatits,
Sur vos voiles, ô jeune reine,
Semer les perles, les rubis,
De trésors Rome est encore pleine.

RUDIGER ET IRNFRIT
Attila peut pour vous
O beauté sans seconde,
Mettre, en dépouillant le vieux monde,
Tous ses trésors à vos genoux.

(Hilda s'avance et va parler, puis, par un mouvement de pudeur elle se tourne vers son frère et se jette dans ses bras.)

GUNTHER
J'aurais voulu qu'Hilda reconnaissante et fière
Eût partagé la fortune guerrière
D'un chef illustre, entre tous redouté,
Il lui plaît de rester vierge au burg de son frère,
Son vœu doit être respecté.
Emplissez ma coupe profonde,
Versez l'hydromel à la ronde,
Amis, avec moi buvez tous,
Au roi des Huns, à ses guerriers, à vous!


LE CHOEUR
Que les échos des salles hautes
Répètent un joyeux hurrah,
Fêtons Gunther, fêtons ses hôtes,
Gloire aux envoyés d'Atilla.

(Appel de trompettes. Hagen sort.)

LE DEMI-CHOEUR
Le son belliqueux des trompettes
Au pied des murs a retenti!
Quel homme est assez hardi
Pour oser troubler nos fêtes?

HAGEN
(rentant)
Un guerrier, à l'air noble et fier,
Couvert d'une armure éclatante,
Vient vers le vaillant roi Gunther.

HILDA
(à part)
Dieux!

GUNTHER
Devant moi qu'il se présente,



SCENE 5
(Les mêmes, Sigurd)


(Finale. Gunther est devant son trône, sous un dais, avec Hilda à ses côtés, tous ses guerriers l'entourent, Sigurd entre tout armé. - Appel des trompettes.)

SIGURD
Prince du Rhin, au pays de mon père,
Le récit me fut fait qu'à Worms auprès de toi
Sont réunis les meilleurs gens de guerre
Qui jamais servirent un roi!
Je viens te défier, Gunther, et me soumettre
Le domaine opulent dont le sort t'a fait maître,
Car tu veux comme moi conquérir la beauté
Qu'Odin tient prisonnière en un burg enchanté

LE CHOEUR
(entourant Gunther, l'épée haute)
Il faut châtier tant d'audace,
Il faut qu'il meure à cette place,
L'insolent qui vient jusqu'ici,
Gunther, te féfier ainsi!

GUNTHER
Qui donc es-tu, toi qui m'oses braver,
Avec ces paroles hardies?

LE CHOEUR
Es-tu digne de voir celui que tu défies
Pour te combattre se lever?

SIGURD
O nobles guerriers, votre épée
D'un sang plus pur ne peut être trempée,
Si vous voulez savoir ma patrie et mon nom,
Je suis Sigurd, fils du roi Sigemon.

(Ensemble)
HILDA
Sigurd, le héros invincible
Apparaît encore à mes yeux,
Brillant de la beauté des dieux.
En le voyant calme, insensible,
Je sens défaillir mes esprits,
D'amour et d'effroi je frémis!

GUNTHER ET LE CHOEUR
Sigurd, le héros invincible
Au bras toujours victorieux,
Qui sort de la race des dieux,
Sigurd qui va, calme et terrible,
Moissonnant comme des épis
Les chefs courageux et hardis!

GUNTHER
O fils de Sigemon, Sigurd, chef plein de gloire,
Je n'ai jamais connu la feinte ni la peur,
Mais ton nom est vivant au fond de ma mémoire
Et je veux sans combat te proclamer vainqueur.
O fils de Sigemon, Sigurd, mon héritage
Fut un jour au pouvoir d'ennemis inhumains,
Tu secourus alors mon impuissant courage
Et délivras ma sœur captive entre leurs mains.
O fils de Sigemon, Sigurd, mon noble frère,
De mes biens, de mon or, je t'offre la moitié,
Auprès de moi prends place au trône de mon père,
Echangeons un serment d'immortelle amitié!

SIGURD
Je le veux, jurons-nous une amitié sincère.

SIGURD ET GUNTHER
Nous nous promettons devant vous,
Dieux qui punissez le parjure,
Une amitié fidèle et pure.
Je suis à toi, mon frère et je le jure
Devant le ciel, devant mes armes, devant tous.

LE CHOEUR
Ils se promettent devant vous,
Dieux qui punissez le parjure,
Une amitié fidèle et pure,
Ils sont amis, et chacun d'eux le jure
Devant le ciel, devant ses armes, devant tous.

HILDA
(à Sigurd, s'approchant, une coupe à la main, suivie de Uta portant une amphore.)
Celle à qui tu sauvas et l'honneur et la vie,
O chef, toujours vainqueur,
Vient, de ses mains, t'offrir cette liqueur,
Scellez, la coupe en main, le serment qui vous lie!

GUNTHER
A la ronde, versez l'hydromel parfumé.
Il faut boire à notre hôte aimé.

(Hilda a pris des mains d'Uta la coupe qu'elle a offerte à Sigurd. Cependant tous les guerriers, la coupe d'une main, le glaive de l'autre, entourent Gunther et Sigurd qui, choquant leur coupe et tendant leurs épées, renouvellent leur serment.)

RUDIGER
(offrant un bracelet à Hilda)
Avant que nous quittions à jamais ce rivage,
De l'amour d'Attila daignez prendre ce gage;
S'il le reçoit de vous par quelque messager,
Il vientra vous défendre ou sinon vous venger.

(Hilda prend le braclet des mans de Rudiger et l'attache à son bras avec l'aide d'Uta.)

SIGURD
(après avoir vidé la coupe)
Dieux! quel trouble nouveau s'empare
De mon cœur agité.
Ma raison chancelle et s'égare
A l'aspect de cette beauté :
C'est comme un charme qui m'enchante,
Je vois
Tant d'attraits, de grâce touchante
Pour la première fois.

GUNTHER
Sans fausser le serment d'amitié qui nous lie,
Je veux te disputer le radieux réveil
De la vierge qui dort d'un magique sommeil.

SIGURD
(à Gunther)
Pour conquiérir la Valkyrie,
Et briser ses liens, ô roi, si tu le veux,
Dans les mêmes périls nous combattrons tous deux,
Mais au retour dans ta patrie,
Au sang que près de toi, frère, je verserai,
Tu donneras le prix que je réclamerai.

GUNTHER
J'en fais serment d'un cœur sincère,
Et la main dans la main.

SIGURD
Pour conquérir Brunehild la guerrière,
Nous partirons demain.

(Tous les chefs entourent Sigurd et Gunther l'épee haute. Rideau.)





ACTE 2

Islande.



Premier Tableau
Une forêt sacrée au bord de la mer. Sous un énorme tilleul consacré à Fréja, s'élève un autel où se célèbre un sacrifice.



SCENE 1
(Le Grand-Prêtre d'Odin, chœur des prêtres, Choeur du Peuple)


(Le Grand-Prêtre célèbre un sacrifice, d'autres prêtres l'entourent et prient avec lui. Le peuple est prosterné autour d'eux.)

CHOEUR DES PRÊTRES
Dieux terribles qui vous plaisez
Dans les nuages embrasés,

CHOEUR DU PEUPLE
Qu'en vos mains dorme le tonnerre.

LES PRÊTRES
Dieux farouches dont les autels
Sont rougis du sang des mortels,

LE PEUPLE
Laissez fléchir votre colère.

LES PRÊTRES
Dieux cruels qui volez la nuit
Dans un char par la mort conduit,

LE PEUPLE
Détournez vos yeux de la terre.

LE GRAND PRÊTRE
Et toi, Fréja, déesse de l'amour,
Belle épouse d'Odin qui partages son trône,
Des vierges au lever du jour
Ont pour toi, de leurs mains, tressé cette couronne.
Déesse charmante, reçois
Cette offrande avec un sourire!
Par toi, tout aime, tout respire,
Fréja, pour qui miroir prends les lacs de ces bois.

(Reprise du chœur du peuple et des prêtres.)



SCENE 2
(Les mêmes, Sigurd, Gunther, Hagen)


(Gunther est devant son trône, sous un dais, avec Hilda à ses côtés, tous ses guerriers l'entourent, Sigurd entre tout armé. Appel des trompettes.)

SIGURD, GUNTHER ET HAGEN
(au dehors)
O Brunehild, ô vierge armée,
Dans un burg de flamme enfermée,
Vers toi, par ce sombre chemin,
Nous marchons le glaive à la main.

(Ils entrent)

LE GRAND-PRÊTRE
Quels profanes, au fond de ces antres sauvages
Portent leurs pas audacieux?

LE PEUPLE
Bravant notre courroux et celui de nos dieux,
Quels étrangers ont foulé ces rivages?

SIGURD, GUNTHER ET HAGEN
Nous sommes trois guerriers nés aux pays du Rhin.
Nous venons délivrer la belle Valkyrie
Qui, dans son palais endormie,
Attend l'époux que lui promet Odin.

LES PRÊTRES ET LE PEUPLE
Tremblez! Les esprits invisibles
Vont sortir menaçants, terribles
Des arbres, des rochers et des lacs de ces bois.
Tremblez! C'est à la mort que vous marchez tous trois.

LE GRAND PRÊTRE
Des champs sacrés voilà les bornes
Ceux par qui ces dolmens déjà furent franchis,
Ont semé ces déserts mornes
De leurs os blanchis.

LE GRAND PRÊTRE, LES PRÊTRES ET LE PEUPLE
Bientôt le Kobold alerte
Et l'Elfe à la robe verte
Vont semer ces bords sacrés,
De vos membres déchirés
Et vos corps sans sépulture,
Outragés, mis en lambeaux,
Vont devenir la pâture
Des vautours et des corbeaux!

LES PRÊTRES ET LE PEUPLE
Tremblez! Les esprits invisibles
Vont sortir menaçants, terribles
Des arbres, des rochers et des lacs de ces bois.
Tremblez! C'est à la mort que vous marchez tous trois.

SIGURD, GUNTHER ET HAGEN
(s'avançant toujours)
O Brunehild, ô vierge armée,
Dans un burg de flamme enfermée,
Vers toi, par ce sombre chemin,
Nous marchons le glaive à la main.

LE GRAND PRÊTRE
Eh bien! puisque ici-bas rien ne peut vous soustaire
Aux arrêts du destin,
Guerriers, qu'anime un espoir téméraire,
Ecoutez les décrets d'Odin!

LES PRÊTRES ET LE PEUPLE
Ecoutez d'un Dieu terrible
L'arrêt inflexible!

(Tous se prosternent. Les trois guerriers s'inclinent. Le tonnerre gronde dans le lointain.)

LE GRAND-PRÊTRE
Un seul de Brunehild rompra l'enchantement.
Un seul peut éveiller la déesse exilée,
Sonnant le cor sacré dans la sombre vallée,
Un seul, héros au cœur de diamant,
Des esprits infernaux vaincra la troupe ailée.
Et celui-là plus pur que l'aube d'un beau jour,
Vierge de corps et d'âme,
N'aura jamais subi le joug d'aucune femme,
Ni murmuré jamais des paroles d'amour.

LES PRÊTRES ET LE PEUPLE
Vous savez d'un Dieu terrible
L'arrêt inflexible.

SIGURD
Prêtres, apportez-nous le cor sacré d'Odin,
Un de nous vers le burg va se mettre en chemin!

LE GRAND PRÊTRE, LES PRÊTRES ET LE PEUPLE
Bientôt le Kobold alerte
Et l'Elfe à la robe verte
Vont semer ces bords sacrés,
De vos membres déchirés
Et vos corps sans sépulture,
Outragés, mis en lambeaux,
Vont devenir la pâture
Des vautours et des corbeaux!

(Les prêtres et le peuple disparaissent parmi les arbres.)



SCENE 3
(Sigurd, Gunther, Hagen)


GUNTHER
Lequel de nous va tenter l'aventure?

HAGEN
Qui de nous restera dans la forêt obscure?

SIGURD
Moi!

HAGEN
Les dieux sont armés d'inexorables traits.
Que peut contre eux notre faiblesse!

SIGURD
(à Gunther)
Quand Brunehild sera dans ton palais,
Souviens-toi seulement, Gunther, de ta promesse
Et des serments que tu m'as faits.
J'ai gardé mon âme ingénue,
A la fiancée inconnue
Qui sur mon cœur devait régner,
Et jamais un mot de ma bouche
N'offensa sa fierté farouche;
C'est moi qu'en ses décrets Odin veut désigner.

HAGEN
(à Gunther)
Celui qui, parvenu près de la Valkyrie
Rendra la déese à la vie,
Deviendra pour jamais son maître, son époux.

GUNTHER
(s'élançant)
Adieu donc, les périls, je veux les braverai tous!

SIGURD
(l'arrêtant)
Un autre amour m'a pris mon âme toute entière,
Brunehild ne me verra pas.
Sous ton casque d'airain, sans lever la visière,
Je la conduirai dans tes bras!
(Mouvement de Gunther)
Par mon amour! mon frère, je te jure,
De te l'amener vierge et pure!

GUNTHER
Demande alors ce que tu veux,
Quelque prix que Sigurd réclame,
Quand Brunehild sera ma femme,
Je jure de combler tes vœux.

HAGEN
(pendant que le roi et Sigurd font l'échange de leurs casques.)
Déjà descend vers nous la blanche théorie,
Elle s'avance au bruit des chants religieux,
Elle vient apporter le cor mystérieux,
A qui veut délivrer la belle Valkyrie!

SIGURD
Amis, recevez mes adieux.

HAGEN
(à Gunther)
Son orgueil le mène à sa perte,
Il dormira demain sur la grève déserte.



SCENE 4
(Les mêmes, les prêtres, le peuple, le Grand-prêtre, apportant le cor sacré)


LE CHOEUR
Toi qui du sein des nuages,
Fais dans les orages
Briller ton courroux!
Puissant Odin, Dieu sévère,
Le ciel et la terre
Sont à tes genoux!
Dieu qui donne la victoire
Souris dans ta gloire,
A ce guerrier fort
Qui vient, quittant sa patrie,
Pour la Valkyrie,
Affronter la mort!

LE GRAND-PRÊTRE
Lequel de vous, guerriers, va marcher plein d'audace
Vers le palais de feu?

SIGURD
(ayant sur la tête le casque du roi)
Moi!

LE GRAND-PRÊTRE
Prends ce cor sacré, présent de notre Dieu,
Si l'épouvante ne te glace,
Alors qu'autour de toi les esprits vont rugir,
Sonne trois fois ce cor sonore,
D'un lac dont la flamme dévore,
A ton troisième appel le palais va surgir.

SIGURD
(prenant le cor)
Donne.

LE GRAND-PRÊTRE
(à Gunther et à Hagen)
Sur vos vaisseaux, vous, quittez cette rive.
Si ce guerrier délivre la captive,
Par les esprits vaincus, jusqu'aux rives du Rhin,
Il sera ramené soudain.
Telle est des dieux la volonté terrible!

HAGEN ET GUNTHER
(à Sigurd)
Puisse s'ouvrir pour toi le burg inaccessible!
Puisses-tu triompher des colères d'un Dieu!

GUNTHER
Puisses-tu revenir près de Gunther!

SIGURD
Adieu.

(Pendant que le rideau est baissé, on continue à entendre le chœur qui s'éloigne. Quand le rideau se lève, Sigurd est seul.)



Deuxième Tableau
En se relevant, le rideau laisse voir le Folkranger ou champ des morts. C'est une plaine lugubre coupée çà et là par des dolmens et autres pierres druidiques. Au fond, un lac bordé d'arbres funèbres.



SCENE 1
(Sigurd)


SIGURD
Le bruit des chants s'éteint dans la forêt immense,
Sous les tilleuls sacrés tout est ombre et silence,
Et je me sens au cœur l'audace d'un héros!
Pourquoi tarder?... Que le combat commence!
O cor, de ces bois noirs éveille les échos!
Non! si ma force et mon courage
Succombent dans l'effort,
Si la mort
M'attend dans cette île sauvage,
Esprits gardiens de ces lieux vénérés,
Sachez quel nom, redit par votre bouche,
M'éveillera sur ma funèbre couche,
Lorsque j'y dormirai.
Hilda, vierge au pâle sourire,
Jeune lys tremblant sous ses fleurs,
C'est ton doux nom que viendra dire
Sur ma tombe la nuit en pleurs!
Mais non! point de triste présage,
Mon amour doublera ma force et mon courage,
Elfes, Kobolds, esprits, paraissez tous,
Je viens à vous!
(Il sonne du cor.)



SCENE 2
(Sigurd, les trois Nornes, Valkyries, Kobolds, etc.)


(Le ciel s'obscurcit, le tonnerre gronde, le vent fait entendre parmi les arbres des gémissement sinistres. Trois femmes se montrent au bord du lac. Elles lavent un vêtement blanc et semblent se gâter à l'ouvrage.)

SIGURD
(aux trois lavandières)
Pourquoi vos yeux sont-ils remplis de larmes,
Jenues filles? Pourquoi ces vêtements de deuil?
Que lavez-voux à cette onde?
(Les trois nornes se dressent devant Sigurd et lui font signe que c'est un linceul qu'elles lavent.)
Un linceul!
Pour qui? Parlez!
(Les trois nornes indiquent à Sigurd que ce linceul lui est destiné.)
Pour moi?
(Les trois normes disparaissent dans le lac.)
Point de lâches alarmes,
Fantômes qui venez au-devant de mes pas,
Vos présages de mort ne m'arrêteront pas!

(Il se prépare à sonner pour la deuxième fois le cor sacré. À la lueur des éclairs, des Valkyries armées appaissent de tous côtés et cherchent à le lui arracher. Sigurd lutte vaillamment contre elles. Des Kobolds viennent à leur tour assaillir le héros.)

SIGURD
Je vous vaincrai, peuple sans nombre
Des fils de l'ombre.

(Une nuée de fantômes et de lutins de toute sorte se joint aux Valkyries et aux Kobolds et tourbillonne autour de Sigurd.)

SIGURD
(L'épée à la main et appuyé contre un rocher.)
Arrière, Kobolds, noirs esprits,
Pour le seconde fois, cor sacré, retentis!
(Il sonne du cor.)



SCENE 3
(Les mêmes, les Nixes, les Elfes puis les trois Nornes)


(Le lac paraît baigné par une clarté plus douce. Les Valkyries et les Kobolds se sont écartés. Des Nixes sortent lentement du lac et des roseaux, pendant que les Elfes viennent des bois. Elles cherchent, en enlaçant Sigurd dans leurs bras, à l'entraîner dans leur danses voluptueuses, à le conduire vers les rochers pour le précipiter dans le lac. Sigurd résiste. Une Elfe dérobe le cor et s'enfuit.)

SIGURD
(s'arrachant aux Elfes et aux Nixes)
Non, sur moi, comme l'épouvante,
La volupté doit rester impuissante!

(Sigurd cherche à reconquérir le cor d'Odin, le tonnerre gronde de nouveau, les éclairs flamboient, les Valkyries, les Kobolds accourus entourent l'Elfe, cherchant à écarter Sigurd. La nuée de fantômes tourbillonne de nouveau autour du héros, Sigurd, cependant, se fraie un passage parmi les glaives des Valkyries qui se brisent sur sa poitrine et arrache à l'Elfe le cor sacré.)

SIGURD
Retentis dans ces sombres bois,
O cor sacré, pour la troisième fois!

(Il sonne du cor. Les éclats du tonnerre, les sifflements de la tempête recommencent avec furie. Les trois Nornes sortent du lac et s'avancent vers Sigurd. Elles lui montrent le lac qui bouillonne et bientôt se change en une fournaise ardente du milieu de laquelle s'élève un palais de feu. Sigurd, conduit par les trois Nornes au milieu des Valkyries, des Kobolds, des Elfes qui le menacent, se dirige vers le lac enflammé. Des montres sortent du lac et marchent vers Sigurd.)

SIGURD
Hilda, le lac flamboie
Et mon cœur bat.
De joie
Au combat!

(Au milieu du fracas des éléments, le burg grandit de plus en plus et remplit bientôt tout le théâtre. Sur un signe des trois Nornes, la muraille s'écroule et laisse voir une salle du palais magique.)



Troisième Tableau
Une salle d'un palais enchanté.



SCENE UNIQUE
(Brunehild, endormie, Sigurd, les trois Nornes)


SIGURD
(l'épée à la main, conduit par les trois Nornes)
Je suis vainqueur! La voilà, c'est elle!
Puissances du ciel, qu'elle est belle!
Quel sourire charmant pare sa lèvre en fleur!
Elle ne verra pas mon visage, et du roi
La noble loyauté ne sera pas trompée,
Et maintenant sous mon épée,
O Brunehild, éveille-toi.

(Il abaisse la visière de son casque.)

BRUNEHILD
(s'éveillant, Sigurd se tient immobile, la visière baissée.)
Salut, splendeur du jour, salut, astre au front pur,
Qui de tes rayons d'or sèmes l'immense azur.
Dieux abaissez sur nous des regards favorables,
Aux douleurs des humains, montre-vous secourables!
Salut, terre! Salut, nourrice au sein fécond,
Qui fais croître pour nous l'épi du froment blond!
Dieux! Que votre bonté nous donne en sa largesse
La force, la raison, le savoir, la sagesse.
Mais quel guerrier vaillant et fort,
Bravant pour moi l'affreuse mort,
A, par le pouvoir de ses armes,
De ma prison rompu les charmes?
(à Sigurd)
O mon sauveur silencieux,
La Valkyrie est ta conquête,
Et ne crains pas qu'elle regrette,
Près de toi, le palais des cieux.
Les esprits déployant leurs ailes,
Vont vers les dermeures mortelles
Bientôt m'emporter avec toi.
Guerrier, prends place auprès de moi.
Brunehild encor vierge et pure,
Pour toi dénouant sa ceinture,
Te la donne en gage d'amour.
À ton foyer, paisible, assise,
Elle vivra fière et soumise,
En t'aimant jusqu'au dernier jour.
(S'endormant dans les bras de Sigurd.)
O mon sauveur silencieux,
La Valkyrie est ta conquête
Et ne crains pas qu'elle regrette,
Près de toi, le palais des cieux.

(Elle retombe endormie sur le lit.)

SIGURD
(revelant la visière de son casque)
O Gunther! mon ami, mon frère,
Tu n'auras pas en vain compté
Sur ma force et ma loyauté!
(Plaçant son épée nue entre Brunehilde et lui.)
Glaive, sépare-moi de la vierge guerrière!
Perce mon cœur, ô noble fer,
Si, m'éntendant sur cette couche,
À ce voile sacré je touche.
(Il se place près de Brunehild.)
Et vous que j'ai vaincus, monstres, esprits de l'air,
Portez-nous au burg de Gunther!



Quatrième Tableau
Aussitôt, le palais magique s'engloutit dans le lac, et le lit qui porte Sigurd et Brunehild transformé en nacelle de cristal flotte à sa surfaceentraîné par les trois Nornes changées en cygnes. Le paysage a perdu sa teinte lugubre, il est maintenant éclairé par une douce lumière féerique. Les Nixes, les Elfes et les Kobolds dansent gaiement sur les gazons. Rideau.





ACTE 3

Worms.



Premier Tableau
Un jardin du burg de Gunther.



SCENE 1
(Uta, Hilda)


CHOEUR INVISIBLE
À la voix des esprits de l'air...
O roi, viens dans ce jardin sombre.
Sigurd t'attend ici dans l'ombre!
Sors de ta couche, ô roi Gunther!

(Uta et Hilda paraissent se glissant avec précaution parmi les arbres.)

UTA
Viens, Hilda... ce n'est point une illusion vaine,
Suis-moi... J'entends dans les airs endormis,
Pareils au bruit léger d'un ruisseau sur l'arène,
Les frémissements sourds des ailes des esprits!
Ne tremble pas, il faut connaître
Quel office mystérieux
Viennent remplir ici ces messagers des dieux,
Dont mon savoir est aussi maître!

HILDA
Je me sens frémir malgré moi
D'une terreur mortelle.
Je veux marcher, je chancelle,
Demi-morte d'effroi.

UTA
Un guerrier vient sous l'épaisse ramure...

HILDA
Gunther!... Le roi!

UTA ET HILDA
Cache-nous, nuit obscure!

CHOEUR INVISIBLE
À la voix des esprits de l'air...
O roi, viens dans ce jardin sombre.
Sigurd t'attend ici dans l'ombre!
Sors de ta couche, ô roi Gunther!



SCENE 2
(Gunther, puis Sigurd et Brunehild)


GUNTHER
Suis-je donc le jouet d'un rêve?
Non! de confuses voix, m'arrachant au sommeil,
Ont murmuré mon nom!...
(L'aube commence à poindre.)
Portant le jour vermeil,
À peine à l'Orient se lève...
(Le jour augmente. Burnehild apparaît au fond du théâtre, endormie. Sigurd debout à ses côtés.)
Dieux puissants!... Devant moi.. Sous l'abri du bouleau,
Dans la clarté de l'aube pâle,
Veillant sur Brunehild, la beauté sans égale,
Sigurd m'est apparu dans le matin nouveau.

SIGURD
(descendant vers le roi)
Oui, Sigurd est vainqueur! Gunther!
Prends ton armure.
Sitôt que le soleil luira sous la ramure,
Ta belle fiancée, ô roi,
Va s'éveiller et descendre vers toi!
Sous ces abris de hêtres et de charmes,
Les esprits vont encor la garder jusqu'au jour...
Le jour venu, te couvrant de tes armes,
Parais... et hardiment réclame son amour!...
J'ai, roi Gunther, gardé la foi jurée,
Songe à tenir aussi ta promesse sacrée,
Quand je vientrai te réclamer le prix
À mes exploits promis!
(Il sort.)



SCENE 3
(Gunther, Brunehild, endormie)


GUNTHER
La voilà donc la déesse exilée,
Que dans mon cœur dès longtemps j'adorais!
Les dieux jaloux, en vain, dans leurs décrets,
Pour vaincre les démons, les Elfes, troupe ailée,
Ont désigné Sigurd!... Brunehild est à moi,
Mes guerriers la verront aux côtés de leur roi.

CHOEUR INVISIBLE
Notre tâche est remplie,
Le jour luit au ciel bleu,
Toi qui fus Valkyrie,
Adieu!

BRUNEHILD
(s'éveillant entre les buissons en fleurs dans le premier rayon du soleil)
Où me conduit ma destinée?
Et sur quels bords inconnus amenée,
Vois-je naître du jour les premières clartés?
D'où vient que mon époux n'est plus à mes côtés?

CHOEUR INVISIBLE
(se perdant au loin)
Notre tâche est remplie,
Le jour lui au ciel bleu,
Toi qui fus Valkyrie,
Adieu!

GUNTHER
(il s'élance vers Brunehild)
Ces bords que vous foulez, reine, sont votre empire;
Ces plaines, ces vallons, ces forêts sont à vous...
Ce vieux burg créneté qui dans le Rhin se mire,
Est la palais de votre époux.

BRUNEHILD
Cet époux, quel est-il?

GUNTHER
Un guerrier qui vous aime!...

BRUNEHILD
Pourquoi ne vient-il pas me conduire lui-même,
Au banquet nuptial qu'on va dresser pour moi?...

GUNTHER
L'époux qui te ceindra bientôt le diadème,
Brunehild, est à tes genoux!...
(Mouvement de Brunehild.)

BRUNEHILD
(avec doute)
Vêtu de fer, la visière baissée,
C'est toi que vins dans mon palais brûlant,
Toucher mon front de ton glaive sanglant?
Des noirs esprits la foule terrassée,
C'est toi qui vins, voilé, silencieux,
Comme l'époux que m'ont promis les dieux?

GUNTHER
Vêtu de fer, la visière baissée,
C'est moi que vins dans mon palais brûlant,
Toucher mon front de ton glaive sanglant...
Des noirs esprits la foule terrassée,
C'est toi qui vins, voilé, silencieux...
Comme l'époux que m'ont promis les dieux!...

BRUNEHILD
Qui donc es-tu, toi qui donnais ta vie
Pour délivrer la Valkyrie?

GUNTHER
Je suis Gunther, prince du Rhin,
Roi des Burgondes.
Sur les campagnes fécondes,
Que le grand fleuve germain
Baigne de ses eaux profondes,
Tout est soumis à mon secptre d'airain!
Je suis Gunther, Roi des Burgondes,
Prince du Rhin!...

BRUNEHILD
Je suis à toi, Gunther, mon époux et mon maître,
Vaillant roi de ce beau pays.
Énchangeons nos serments entre les mains du prêtre,
Et que les dieux soient obéis.

GUNTHER
O Brunehild, jamais vierge plus désirée
N'a d'un époux franchi le seuil joyeux,
Jamais auprès d'une femme adorée
Guerrier ne fut plus radieux!...

BRUNEHILD
Je suis à toi, Gunther, mon époux et mon maître,
Vaillant roi de ce beau pays.
Énchangeons nos serments entre les mains du prêtre.
Et qui les dieux soient obéis.

GUNTHER
Elle est à moi! Je suis l'époux, je suis le maître,
D'un trésor qu'un autre a conquis,
Que nos serments bientôt soient reçus par le prêtre,
Tout appartient aux cœurs hardis!

(Ils sortent.)



SCENE 4
(Hilda, Uta, reparaissanr à droite)


HILDA
Il m'aime!... il m'aime!... ô ma mère!
Des esprits, des monstres vainqueur,
Il a, pour obtenir mon cœur,
Livré Brunehild à mon frère...
Ma mère... il m'aime!... ô soleil radieux,
Quelle douce clarté, tu nous verses des cieux!...

UTA
Garde bien le secret terrible
Que nous avons surpris...
Car un pressentiment horrible
A frappé mes esprits.
Je vois devant nous un grand fleuve,
Où le sang coule à flots...
La terre de ses guerriers veuve,
Retentit de sanglots!...

(Elles disparaissent. Le théâtre change.)



Deuxième Tableau
Une large terrasse devant le château de Gunther. À droite, le château avec une porte laquelle on arrive par plusieurs marches. À gauche, des habitations de paysans et de grands arbres. An fond, le Rhin.



SCENE 1
(Sentinelles aux portes du château, guerriers endormis, bûcherons, mariniers, se rendant à l'ouvrage. Chasseurs passant l'épieu sur l'épaule, pêcheurs chargés de filets, femmes, enfants avec des faucilles, des corbeilles, etc.)


LE CHOEUR
Les premiers feux du matin
Ont doré les flots du Rhin,
Sur la terre tout s'éveille,
Retournons à nos travaux,
Sur les champs et sur les eaux
À lui l'aurore vermeille!...

LES LABOUREURS
Allons charger nos chars de nos blés jaunissants!

LES CHASSEURS
Allons au fond des bois forcer les daims agiles!

LES MARINIERS
Allons guider sur l'eau la barque aux larges flancs!

LES FEMMES
Allons cueillir les fruits de nos vergers fertiles!...

LES SOLDATS
(s'éveillant)
Alerte, compagnons!... le soleil est levé,
Le feu de veille expire... alerte!...

LES JEUNES FILLES ET LES JEUNES GENS
(se disant adieu)
Au déclin du soleil, la labeur achevé,
Nous reviendrons ici danser sur l'herbe verte...

LE CHOEUR
Les premiers feux du matin
Ont doré les flots du Rhin,
Sur la terre tout s'éveille,
Retournons à nos travaux,
Sur les champs et sur les eaux
À lui l'aurore vermeille!...

(Ils se séparent, montent dans les barques, se dirigent de différents côtés.)



SCENE 2
(Les mêmes, Hagen, suite d'Hagen)


(Hagen sort du château, suivi de guerriers portant des clairons et des bannières, il s'arrête au seuil, entouré de son escorte. Appel de clairons. Les laboureurs, mariners, chasseurs, s'arrêtent et reviennent vers le château.)

LE CHOEUR
Le clairon des hérauts sonne!...
Sachons ce qu'il nous ordonne...

HAGEN
Au nom du roi Gunther, peuple, je viens vers toi!
Des dieux maîtres du ciel la bonté souveraine
Donne la Valkyrie à l'amour de ton roi,
Et Brunehild va devenir ta reine.
Semez ces bords de joncs et de rameaux fleuris!
Bientôt apparaîtra la pompe nuptiale...
De Brunehild suivant la marche triomphale,
Peuple, fais retenir les airs de joyeux cris!...

LE CHOEUR
Semons ces bords de joncs et de rameaux fleuris!
Bientôt apparaîtra la pompe nuptiale...
De Brunehild suivant la marche triomphale,
Nous ferons retenir les airs de joyeux cris!...

(Appel de clairons. Les hérauts restent groupés à la porte du burg. Hagen descend e se mêle à la foule.)



SCENE 3
(Les mêmes, Hilda et ses femmes, Uta, puis bientôt le cortège royal, Brunehild, Gunther, guerriers, dames, valets, etc.)


HILDA
(suivie d'Uta, elle sort du château et descend vers le chœur des femmes, groupé sur l'avant-scène)
Mes sœurs, Brunehild va paraître
Et je viens au milieu de vous,
Saluer la beauté dont le roi notre maître,
Va devenir époux!

(Les jeunes filles se rangent autour d'Hilda. Le cortège commence à sortir du palais. - Marche. Trois appels de clairons. Brunehild paraît, conduite par le roi, elle est pensive et regarde à peine autour d'elle.)

LE CHOEUR
Soyez la bienvenue ici,
O reine Brunehild!

GUNTHER ET BRUNEHILD
Merci!

(Gunther et Brunehild entourés de leur cour prennent place sur un trône dressé devant le burg.)

LES GUERRIERS
(apportant leurs présents de noces)
Nous vous offrons, selon l'usage des Germains,
Ces chevaux, ces armes brillantes,
Il faut - tout est obscur dans le sort des humains,
Qu'une reine ait des mains vaillantes!

HILDA ET LES FEMMES
(offrant à Brunehild de la laine et des fuseaux)
Recevez, ô reine charmante,
Cette quenouille, ces fuseaux,
Emblême des humbles travaux,
Chers à l'épouse diligente.

(Brunehild embrasse Hilda)

LES LABOUREURS
(à Brunehild)
Nous vous offrons ce blé semé par notre main,
Emblème des biens véritables...
Reine, auprès de l'épi qui nous donne le pain,
Tous les trésors sont méprisables!

LE CHOEUR
Soyez la bienvenue ici,
O reine Brunehild!

BRUNEHILD ET GUNTHER
Merci!

HAGEN
Des jeux guerriers que le tournoi commence;
Devant le roi Gunther venez combattre ici;
Pour ce combat loyal armez-vous de la lance,
Et prenez le glaive aussi!


DIVERTISSEMENT


(Après le ballet, une barque parée de fleurs et menée par des prêtres paraît sur le Rhin.)

HAGEN
(à Gunther et à Brunehild)
La barque qui vous doit conduire à l'autre rive,
Sous les ombrages chers à nos dieux vénérés,
Aux bords où vos serments vont être consacrés,
Par les prêtres menée, à cette grève arrive...

GUNTHER
(à Brunehild)
Te plaît-il de me suivre au bois sacré d'Odin?

BRUNEHILD
Oui, j'obéis aux dieux, maîtres de mon destin!



SCENE 4
(Les mêmes, Sigurd)


(Sigurd entre à cheval avec une suite nombreuse.)

SIGURD
Roi Gunther, digne fils des héros, tes aïeux,
Brunehild avec toi monte aux autels des dieux.
Confiant dans la foi jurée,
Sigurd vient réclamer la promesse sacrée
Que tu lui fis jadis pour ce jour glorieux!

GUNTHER
Vers nous c'est un dieu qui t'envoie;
O fils de Sigemon, Sigurd, chef valeureux,
Prends ma droite, mon frère, et l'objet de tes vœux,
Gunther te le donne avec joie.

SIGURD
Le présent qui te peut envers moi délier,
Un plus noble n'est ps aux mains d'Odin lui-même.
C'est Hilda, c'est ta sœur que j'aime!
Hilda, qui dès longtemps a mon cœur tout entier.

GUNTHER
(à Hilda)
Sigurd te demande à ton frère.
Consens-tu, noble fille, à dégager ma foi
Envers ce chef?

HILDA
Adieu mon frère, adieu mon roi,
Hilda suivra Sigurd dans la paix, dans la guerre!

GUNTHER
O Brunehild, prends leurs deux mains
Et réunis-les dans la tienne.

HILDA ET SIGURD
(s'énclinant)
Oui... que notre bonheur soit ton ouvrage, ô reine!

BRUNEHILD
Les dieux à vos amours donne d'heureux destins!
(En unissant leurs mains, elle rencontre celle de Sigurd. Le tonnerre gronde. A part.)
O Sigurd! quel poison dans mes veines circule!...

SIGURD
(à part)
O Brunehild!... Ta main me brûle!

HILDA
(à part)
Quel trouble d'eux s'est emparé?

UTA
Ciel! Le voile fatal s'est-il donc déchiré!

GUNTHER
La foudre au ciel serein est un heureux présage.
(à Sigurd)
Prends la main que ma sœur te livre comme un gage,
Et sur l'autre rive du Rhin,
Les ministres sacrés d'Odin
Vont célébrer un double mariage!...

UTA
La mort plane sur notre tête.
O jour de sang! O déplorable fête!

(Ensemble)

LE CHOEUR
Frappons les airs joyeux de hurrahs et de cris.
Voici marcher au Rhin la pompe nuptiale
Célébrons Brunehild, la beauté sans égale,
Chantons la fière Hilda dont Sigurd est épris.
Devant la marche triomphale,
Eveillez-vous, échos de l'air!
Gloire à Sigurd! Gloire à Gunther!

UTA
(au comble de l'épouvante)
Ah! Je lis dans les cieux! Leurs destins sont écrits!
Elle plane sur eux, la mort sanglante et pâle.
Dieux sans pitié, frappez, je vous maudis!
Jetez-moi dans l'ombre infernale,
Armez-vous des traits de l'éclair.
Dieux maudits! Dieux au cœur de fer!

(Uta tombe évanouie et les barques disparaissent. Le peuple resté sur la rive agite des rameaux. Rideau.)





ACTE 4

Worms.



Premier Tableau
Une terrasse du burg de Gunther. Le palais à gauche. Un perron avec un large escalier descend des appartements de la reine. Le dessus du perron forme une sorte de voûte ou portique. Une large porte donne accès dans le palais. A droite, des arbres, une fontaine. Au fond, un chemin. Forêts à l'horizon. La fin du jour.



SCENE 1
(Les femmes des soldats de Gunther, puisent de l'eau à la fontaine. Des servantes sortent du palais et viennent y remplir aussi des vases qu'elles portent sur leurs têtes. Choœur.)


LES FEMMES DES SOLDATS
Emplissons nos urnes profondes,
Au courant de ces fraîches ondes!...

LES SERVANTES
Dans nos urnes, allons chercher,
L'eau pure, fille du rocher!...

(Les femmes se saluent et s'embrassent. Les deuc chœurs se trouvent réunis autour de la fontaine.)

LES FEMMES
(aux servantes)
Pendant que la source jase
En emplissant chaque vase,
Imitons le flot jaseur...
Dites-nous quelques nouvelles,
Vous, les servantes fidèles
De Gunther, notre seigneur!

LES SERVANTES
Hélas! Tout le palais est rempli de tristesse!...
Les pleurs ont remplacé le rire et l'allégresse.
Un mal mystérieux, cruel, va consumant
La jeune Brunehild, la reine au front charmant!

LES FEMMES
Ni les lances, ni les piques
De ces voûtes magnifiques
Ne chassent le désespoir,
Et les humaines misères,
Plus souvent qu'en nos chaumières,
Dans les palais vont s'asseoir!

LES SERVANTES
Par de sombres tourments Brunehild écrasée,
Languit comme une fleur dont la tige est brisée.
Sans cesse, elle répand des pleurs silencieux,
Son front pâle est courbé sous le courroux des dieux!

(Les femmes de Brunehild paraissent sur la terrasse des appartements de la reine.)

LES FEMMES
La voilà, languissante et se traînant à peine,
Elle vient en ce lieu.

LES SERVANTES
La voilà... respectons les douleurs de la reine,
Et disons-nous adieu!

(Pendant que Brunehild paraît et descend lentement à l'avant-scène, soutenue par ses femmes.)

LES DEUX CHOEURS
Que notre tâche est légère!...
Nous passons sur cette terre,
Sans souffrir les maux de ceux
Que pourtant on nomme heureux!
Comme l'oiseau de la haie,
Qu'un peu de soleil égaie
Et qu'un grain de blé nourrit.
Le ciel nous garde, il mesure
La douleur et la froidure
Pour le faible et le petit!

(Les deux chœurs se séparent. Les femmes des soldats descendent dans la vallée. Les servantes rentrent dans le palais.)



SCENE 2
(Brunehild et ses Femmes)


BRUNEHILD
Mes filles, menez-moi vers cette source pure
Qui court sous l'épaisse ramure...
Ah! que ne puis-je errer au sein des bois épais,
Sur les monts couronnés par la neige éclatante!
La lumière me brûle... et l'ombre m'épouvante!
Où mon cœur éperdu trouvera-t-il la paix?
(Elle tombe accablée sur un banc de rocher. Les femmes s'empressent autour d'elle.)
Eh! Quoi? De ma vaine parure,
Vous voulez encor prendre soin.
Éloignez-vous, je ne veux pour témoin
De mes pleurs que cet antre où l'eau pleure et murmure.

(Pendant que les femmes s'écartent avec douleur et respect en rentrant lentement dans le palais et laissant Brunehild abîmée dans sa souffrance.)

CHOEUR
(au dehors)
Que notre tâche est légère!
Nous passons sur cette terre,
Sans souffrir les maux de ceux
Que pourtant on nomme heureux!
Comme l'oiseau de la haie,
Qu'un peu de soleil égaie
Et qu'un grain de blé nourrit.
Le ciel nous garde... il mesure
La douleur et la froidure
Pour le faible et le petit!

BRUNEHILD
O palais radieux de la voûte étoilée!
O demeures du ciel dont je suis exilée!
Astres qui nous versez vos rayons purs et doux...
Je n'ose plus, hélas! lever le front vers vous!...
Un trait inexorable
Brûle mon cœur blessé,
Son poison redoutable
Dans mes os s'est glissé.
Haltetante, égarée,
Je tends les bras vers toi...
Sigurd!... honte mortelle!
Prends-moi, nuit éternelle!
O terre, engloutis-moi!...
Odin! je fus coupable en bravant ta défense,
Quand au combat, malgré toi je volai,
Quand je m'enfuis du ciel et m'armai de la lance
Pour secourir Sigurd sous le nombre accablé:
Mais considère en ta justice,
Ma faute auprès de mon supplice...
Tu m'as, ô dieu cruel, livrée au roi Gunther,
En donnant à Sigurd mon âme tout entière,
Et tu déchires mon cœur fier,
Par les honteux tourments de l'amour adultère.
Pitié! lance sur moi
La foudre qui dévore.
Pitié! je suis déesse, et ne puis que par toi
Rentrer au néant que j'implore!
Vœux impuissants... hélas!
Le feu du ciel sur moi ne gronde pas!...
Un trait inexorable
Brûle mon cœur blessé.
Son poison redoutable
Dans mes os s'est glissé.
Haletante, égarée,
De douleur enivrée,
Je tends les bras vers toi.
Sigurd!... honte mortelle!
Prends-moi, nuit éternelle,
O terre, engloutis-moi!



SCENE 3
(Brunehild, Hilda)


(Hilda sortant du palais, aperçoit Brunehild, s'arrête un instant à la considérer avec une défiance jalouse, puis s'approche d'elle.)

HILDA
Jeune reine, ma sœur, n'es-tu pas résignée
A vivre parmi nous!
Te verrons-nous toujours de tes larmes baignée?
La terre t'offre en vain tous ses biens les plus doux,
Un trône... des trésors...
(avec intention)
Et l'amour d'un époux...

BRUNEHILD
Hélas!

HILDA
Chasse, ma sœur, ta farouche tristesse.
Que le sourire, enfin, sur tes lèves renaisse.
Le soleil a déjà quitté le ciel d'azur!
Viens, allons dans la plaine,
Voir les jeux des guerriers... un chef hardi les mène :
C'est Sigurd!

(Mouvement de Brunehild.)

HILDA
(à part)
Elle a frémi!

BRUNEHILD
(se soulevant pour fuir)
Dieux puissants!... Je chancelle!

HILDA
(avec une colère contenue, arrêtant Brunehild)
Au seul nom de Sigurd, la flamme malgré toi,
Dans tes yeux mourants étincelle!...
Pourquoi donc ta main tremble-t-elle?
Pourquoi n'oses-tu plus lever les yeux sur moi?
Écoute... il n'est plus temps de feindre.
Mon courroux... mon mépris sont las de se contraindre.
Regarde ce tissu fait de soie et d'or pur.

BRUNEHILD
Qui t'a fait ce présent?...

HILDA
C'est mon époux Sigurd.

BRUNEHILD
(à part)
O trouble!... O lumière fatale!
C'est ma ceinture virginale.
De mes mains mon sauveur voilé
A pris ce tissu constellé...

HILDA
Oui, pour qu'enfin toute espérance
S'éteigne dans ton cœur jaloux,
Sache-le donc : ta délivirance
Fut l'œuvre de Sigurd, de mon vaillant époux.
C'est lui qui traversant la muraille de flamme
A franchi le seuil redouté,
Pour changer la déesse en femme
Et l'esclavage en liberté.

BRUNEHILD
Le héros que les dieux ont choisi pou mon maître,
Qui dérobant ses traits sous le masque d'airain,
Vint m'éveiller le glaive en main,
Le héros que mes yeux n'ont pas su reconnaître,
Ce n'était pas Gunther?

HILDA
C'était le fier Sigurd!
Ce n'était pas Gunther!

BRUNEHILD
Sigurd!... C'était Sigurd!
Brunehild encor vierge et pure,
Pour lui dénouant sa ceinture,
La remit en gage d'amour,
En jurant de l'aimer jusqu'a son dernier jour,
Mais alors c'est Sigurd que, tremblante, égarée,
J'ai reçu dans mes bras et serré sur mon cœur.
Hélas! Je me souviens, à peine délivrée,
Je me suis endormie auprès de mon vainqueur.

HILDA
Sigurd m'aime... en brisant ta chaîne,
En te livrant captive au roi,
Sigurd ne voulait, pauvre reine,
D'autre récompense que moi!

BRUNEHILD
Dieu! à mes pieds la foudre tombe!
Sigurd est mon libérateur,
Sigurd!... et j'appatiens à Gunther l'imposteur!
Que ne puis-je à jamais m'endormir dans la tombe!

HILDA
(avec hauteur)
O pâle Brunehild, ma sœur!
Oublie une amour dédaignée,
A l'amour du roi résignée
Cache les larmes de ton cœur!

BRUNEHILD
Sigurd t'a révélé ce secret redoutable?

HILDA
Dans un élan d'amour Sigurd m'a tout appris.

BRUNEHILD
Sigurd a pu remplir ce pacte détestable?

HILDA
Il m'aime! pour toute autre il n'a que du mépris!

BRUNEHILD
Non! quand j'unis vos mains d'une horreur inconnue,
Comme moi Sigurd a tremblé!
Et l'éclair menaçant qui jaillit dans la nue
A brillé dans mon cœur troublé.

(Ensemble.)

BRUNEHILD
Sigurd m'aime... en brisant ma chaîne,
Sigurd pensait peut-être à toi,
Mais la volonté souveraine
Pour jamais le liait à moi!

HILDA
Sigurd m'aime, en brisant ta chaîne,
En te livrant captive au roi,
Sigurd ne voulait, pauvre reine!
D'autre récompense qui moi!

(La nuit vient.)

HILDA
(effrayée)
Tu portes haut l'orgueil d'un amour adultère!

BRUNEHILD
C'est en me livrant à ton frère,
Que j'ai commis le crime indigne de pardon...
Mes larmes ont pourtant touché le ciel sévère,
Dans l'abîme où je suis, descend comme un rayon!

HILDA
(furieuse)
Sigurd ne t'aime pas, tu mens!...

BRUNEHILD
(avec beaucoup de noblesse)
Par quel poison
As-tu donc du héros égaré la raison?
Tu pâlis à ton tour... et la honte t'accable!
Pleure sur ton amour coupable!
Pleure sur nous que le ciel doit punir,
Ceux qu'ont unis les dieux, qui peut les désunir?

HILDA
(terrifiée)
Ah! le froid de la peur s'infiltre dans mes veines!
Ciel! rendez ses menaces vaines!



SCENE 4
(Brunehild, Hilda, Gunther, Hagen)


(Gunther, suivi d'Hagen, sort du palais avec des valets portant des flambeaux. En voyant les deux femmes, il s'avance vers elles.)

HAGEN
Compagnons!... Parmi les sentiers,
Faites briller les feux et battez les halliers,
Gunther vont suit!...

(Les valets sortent.)

BRUNEHILD
Gunther, roi perfide et menteur,
Je foule aux pieds ton diadème!
Sigurd est mon libérateur,
Les dieux me l'ont donné... je l'aime!
Tant qu'il vivra, je suis à lui!
Il faut qu'un de vous deux succombe,
Que Sigurd ou toi, dans la tombe,
Dorme avant que le jour ait lui!...

(Brunehild sort, menaçante. Un chœur de chasseurs passe au fond de la scène avec des épieux et des torches.)

LE CHOEUR
La nuit sera belle!
Le roi Gunther chasse aux flambeaux!
Que de milliers d'astre nouveaux
La forêt joyeuse étincelle,
La nuit sera belle!

HILDA ET HAGEN
O terreur mortelle!

GUNTHER
O honte mortelle!



SCENE 5
(Hagen, Gunther, Hilda)


HILDA
(se jetant aux peids de Gunther)
Ah! frappe, frappe-moi mon frère,
Lave dans mon sang ta colère,
J'ai trahi Sigurd avec toi!
J'ai dit à Brunehild, par la haine égarée,
Que Sigurd l'a comquise... et qu'il te l'a livrée.

GUNTHER
Malheur sur vous! Malheur sur moi!

HAGEN
(à Hilda)
Allez par le sentier aux tentes de la plaine,
Obtenez de Sigurd qu'à son burg il vous mène...
Partez avant le jour... par les bois, les halliers,
Pressez le pas des cavaliers,
Le roi Gunther saura garder la reine!

(Hilda fait un geste d'adieu à Gunther et sort à droite conduite par Hagen.)



SCENE 6
(Gunther, Hagen)


GUNTHER
Mon orgueil m'a perdu!... De quel front soutenir
Ton regard, déesse irritée?
O juste opprobre!... O honte méritée!
Mais que tardé-je à me punir...

(Il porte la main à son épée.)

HAGEN
(revenant et l'arrêtant)
Ce n'est pas toi qui dois mourir,
Sigurd garde mal sa parole!
Dans l'orgueil de son âme folle,
A ta sœur il a dévoilé
Le secret qu'elle a révélé!
(Mouvement de Gunther.)
Sigurd est aimé de la reine!
Chaque nuit, son amour en ce lieu le ramène,
Les sombres profondeurs de ce bois ténébreux
N'ont pu le cacher à mes yeux.
(Mouvement de Gunther.)
Sigurd va venir, voici l'heure.
Il te trahit... Il faut qu'il meure.
Garde ton serment révéré...
Ton serviteur n'a rien juré!

GUNTHER
A cette trahison crois-tu que je consente? J'ai trop marché déjà dans la route glissante,
Qui mène du mensonge aux plus lâches forfaits!

HAGEN
Il aime Brunehild, Gunther... et je le hais
Cet éternel vainqueur à l'audace insolente!
(montrant la gauche)
Vois... une ombre a glissé dans les brumes du soir
Gunther, viens sous l'abri de ce portique noir.
(Mettant l'épée à la main)
Sigurd paraît, et voici l'heure,
Il te trahit, il faut qu'il meure...
Garde ton serment révéré...
Ton serviteur n'a rien juré!

(Hagen entraîne Gunther à gauche, sous le portique. La lune apparaissant derrière le château éclaire vivement la fontaine et les arbres qui l'entourent, tandis que le château et le portique où les deux hommes se cachent restent plongés dans la nuit.)



SCENE 7
(Gunther et Hagen, cachés, Sigurd)


SIGURD
Un souvenir poignant, dans mon âme troublée,
Me fait sentir son aiguillon de fer...
Je te revois toujours, ô déesse exilée,
Subissant dans les pleurs l'amour du roi Gunther!...
O Brunehild, ô pauvre âme!
N'ai-je bravé l'horreur de ta prison de flamme,
Où du moins le sommeil fermait tes yeux charmants,
Que pour t'offrir en proie à ces cruels tourments?
Ah! Quand pourrai-je, infortunée
Dont mes cruelles mains ont fait la destinée,
Voir sur ta lèvre éncore un sourire nouveau
Et t'entendre chanter, en tournant ton fuseau!



SCENE 8
(Les mêmes, Brunehild)


(Brunehild reparaît sur la terrasse et descend vers Sigurd, elle a quitté sa parure de reine et porte des fleurs dans son voile.)

BRUNEHILD
Sigurd! Les dieux dans leur clémence
Vers moi t'ont conduit par la main...

HAGEN
(à Gunther)
Vois!... Brunehild vers lui s'avance!

BRUNEHILD
De tes tentes, Sigurd, je prenais le chemin!
(Sigurd recule avec un mouvement de doute et de crainte devant Brunehild qui marche vers lui.)
Des présents de Gunther, je ne suis plus parée!
Je porte la verveine et la sauge pourprée
Qui brisent les enchantements.
Viens, Sigurd, que crains-tu?... Viens où la lune éclaire
Et mirant son front pâle en cette source claire,
Argente ses flots écumants.

SIGURD
(hésitant)
Pourquoi me conduis-tu près de cette fontaine,
O Brunehild?

BRUNEHILD
Sigurd, prends ces fleurs de verveine
Et livre-les au courant de ces flots,
En invoquant Odin, en murmurant ces mots;
(Effeuillant des fleurs dans la fontaine.)
Avec ces fleurs que l'eau traîne en courant,
Avec ces fleurs qui vont aux précipices,
Avec ces fleurs, terribles maléfices,
Tombez, roulez, fuyez dans le torrent!

SIGURD
Quels magiques liens veux-tu donc que je brise
Mon âme est-elle soumise
A l'ascendant des noirs esprits?...
Suis-je donc enchaîné par un charme?...

BRUNEHILD
Obéis!...

SIGURD ET BRUNEHILD
(Sigurd effeuille des fleurs dans la fontaine, Brunehild dit l'invocations avec lui.)
Avec ces fleurs que l'eau traîne en courant,
Avec ces fleurs qui vont aux précipices,
Avec ces fleurs, terribles maléfices,
Tombez, roulez, fuyez dans le torrent!...

SIGURD
O lumière soudaine,
Dont l'éclat m'éblouit.
Je portais une chaîne.
Mais tout s'évanouit!
Brunehild, ô déesse,
O présent que les cieux
Ont fait à ma jeunesse,
Je t'aime!...

(Gunther fait un mouvement pour se précipiter vers Sigurd. Hagen l'arrête.)

BRUNEHILD
Justes cieux!
Un poignard a brillé dans l'ombre!...
Tout est piège en ce palais sombre...
Arme ta main, ô héros,
De ton glaive qui flamboie!

SIGURD
(obéissant)
Oui, ce glaive et Sigurd n'auront plus de repos
Qu'ils ne t'aient reconquis, trésor qu'Odin m'envoie!

BRUNEHILD
(s'inclinant devant Sigurd)
Maître que m'ont donné les dieux,
La Valkyrie est ta conquête,
Et ne crains pas qu'elle regrette
Près de toi les palais des cieux!...

SIGURD
O Brunehild! Le remords me déchire,
Et de bonheur pourtant mon cœur est enivré!...!

BRUNEHILD
Un sortilège avait tes esprits égaré,
Un charme avait soumis ton cœur à son empire!

BRUNEHILD ET SIGURD
Oublions les maux soufferts,
Pour nous les cieux sont ouverts,
Que nos âmes confondues,
Dans leur ivresse perdues,
Chantent l'hymne solennel
De leur amour éternel!
Astres, soyez-nous propices,
Souriez, ô dieux complices,
Aux noces de deux époux
Dès longtemps liés par vous!...

CHOEUR
(lointain)
La nuit sera belle!
Le roi Gunther chasse aux flambeaux,
Que de milliers d'astres nouveaux
La forêt joyeuse étincelle!
La nuit sera belle!

SIGURD
(à Brunehild)
Adieu! Sigurd va te reconquérir!...
Dans un loyal combat, que Gunther ou lui tombe!

(Il sort à gauche.)

GUNTHER
(sortant du portique, à Hagen)
Frappe! A ce perfide, la tombe!

(Ils se précipitent sur les traces de Sigurd.)

BRUNEHILD
(reconnaissant le roi)
Gunther! Dieux! Sigurd va mourir!

(Elle s'appuie, chancelante, contre un rocher.)



SCENE 9
(Brunehild, Hilda)


BRUNEHILD
(se redressant violemment)
Sigurd va mourir!

HILDA
(accourant au cri de Brunehild)
Duit puissant!

BRUNEHILD
Comme un loup altéré de sang,
Ton frère le poursuit dans l'ombre,
Guide-moi dans la forêt sombre,
Dévoilons de Gunther la lâche trahison.
Tu l'aimes... Comme moi tu veux le sauver.

HILDA
Non!
Plutôt que le voir au bras de ma rivale,
Je veux qu'au sein de la nuit infernale
Descende Sigurd, ce héros!
Mais sa mort, par mes mains sera si bien vengée,
Que le Rhin débordant, en sang verra changée
La pure clarté de ses flots!

BRUNEHILD
O dieux, qui lisez dans mon âme,
O dieux maîtres du ciel vermeil,
Rendez-moi mon palais de flamme,
Rendez-moi mon calme sommeil!

HILDA
Renonce à son amour! jure de l'oublier!
De chasser de ton cœur ta tendresse adultère.
Tu peux sauver Sigurd du courroux de mon frère,
De ces noires forêt, je sais chaque sentier...

BRUNEHILD
O dieux, qui lisez dans mon âme,
O dieux maîtres du ciel vermeil,
Rendez-moi mon palais de flamme,
Rendez-moi mon calme sommeil!

CHOEUR
(lointain)
La nuit sera belle!
Le roi Gunther chasse aux flambeaux,
Que de milliers d'astres nouveaux
La forêt joyeuse étincelle!
La nuit sera belle!

HILDA
Entends-tu les cors retentir!
L'écho des bois redit des chants de fête,
Et cependant pour nous quel deuil s'apprête!
Celui que nous aimons, Brunehild, va mourir!

BRUNEHILD
Sauve Sigurd!... et je te jure
De renoncer à lui!
Sauve Sigurd!... demain de ces bords j'aurai fui!

HILDA
Viens... et tremble d'être parjure!
Viens... là-bas des flambeaux ont lui!

(Tout à coup Brunehild tressaille et porte la main à son cœur comme si elle avait été frappée. En même temps, un grand tumulte éclate au dehors.)

BRUNEHILD
Il est trop tard... Sigurd est frappé par Gunther!
J'ai senti dans mon cœur le froid aigu du fer,
Sigurd meurt!...
(avec joie)
Et je meurs! Dans leur bonté suprême,
Les dieux me font mourir, moi, la femme qu'il aime,
Mourir du coup qui l'a frappé!
Le glaive de Gunther de mon sang est trempé.

HILDA
(au désespoir)
Sigurd! Sigurd!



SCENE 10
(Les mêmes, Sigurd mourant, apporté par ses compagnons. Les femmes, précédées d'Uta sortant du palais.)


LE CHOEUR
O douleur! O colère!
Un traître a, de Sigurd, marqué l'heure dernière...
Il est tombé, le guerrier fort,
Sigurd est mort! Sigurd est mort!

SIGURD
Portez-moi, compagnons, là-bas... où les étoiles
Sur mon front pâlissant pourront briller sans voiles!
Je veux revoir le ciel une dernière fois!
Brunehild!...

BRUNEHILD
Je meurs avec toi!

LE CHOEUR
O douleur! O colère!
Un traître a de Sigurd marqué l'heure dernière...
Il est tombé, le guerrier fort,
Sigurd est mort! Sigurd est mort!



SCENE 11
(Les mêmes, Gunther et Hagen, qui ont paru depuis un moment au fond de la scène. Suite de Gunther)


GUNTHER
De nos pères, suivant l'usage,
Formez pous eux un bûcher de feuillage...
Le meurtrier sera puni... si je suis roi!

HILDA
Les dieux te frappent donc, le meurtrier, c'est toi!

LE CHOEUR
Gunther!

GUNTHER
Ah! Maudite! Insensée!

HILDA
Frappe, que de tes mains je tombe aussi percée.
(Gunther recule.)
Va! Bientôt les dieux irrités
Lanceront sur toi leur tonnerre.
Des extrémités de la terre,
Viendront les vengeurs souhaités,
D'Attila, les hordes sauvages
Apporteront sur ces rivages
La mort, l'esclavage, la faim,
Et j'aurai la suprême joie,
Te voyant à ces maux en proie,
De rire alors de ton destin!

HAGEN
(prêt à la frapper)
Meurs avant de remplir cette menace impie!

(Gunther retient Hagen. Uta se jette au-devant d'Hilda.)

HILDA
(à Uta qui se jette au-devant du fer d'Hagen)
Ma mère! O toi qui m'as nourrie,
Entends ta fille...

UTA
Me voilà!
Que veux-tu de moi? Pauvre Hilda!

HILDA
(remettant son bracelet à Uta)
Porte ce bracelet au vengeur! Attila!

(Uta disparaît.)

LE CHOEUR
O prodige! Parmi la flamme qui s'élance,
Siqurd et Brunehild von vers le ciel immense!



Deuxième Tableau
Apothéose. Sigurd et Brunehild montent lentement, portés sur un arc-en-ciel, vers le paradis d'Odin qui s'est ouvert pour eux.


SIGURD ET BRUNEHILD
Oublions les maux soufferts,
Pour nous les cieux sont ouverts,
Que nos âmes confondues,
Dans leur ivresse perdues,
Chantant l'hymne solennel
De leur armour éternel.
Astre, soyez-nous propices,
Souriez, ô dieux complices,
Aux noces de deux époux
Dès longtemps liés par vous!

LE CHOEUR CELESTE
Oubliez les maux soufferts,
Pour vous les cieux sont ouverts,
Que vos âmes confondues,
Dans leur ivresse perdues,
Chantant l'hymne solennel
De leur armour éternel.

(Au fond du théâtre, sous les nuages de l'apothéose, on voit, au milieu de lueurs sanglantes, Attila, appuyé sur son épée, se dressant au milieu des cadavres des guerriers burgondes.)



- FIN -




Ernest Reyer


           Compositeur et critique musical français, né à Marseille en 1823 et mort à Le Lavandou (dans le Var) en 1909.

           Tout d'abord comptable à Alger (où il composera en 1847 une Messe solennelle pour l'arrivée du Duc d'Aumale), il part à Paris en 1848 pour travailler le piano.

           Il se lie d'amitié pour Théophile Gauthier des textes duquels il tirera le sujet de son premier poème symphonique, le Sélam en 1850.

           Entre 1854 et 1864, il produit trois opéra : Maître Wolfram en 1854 sur un texte de Méry et Gauthier, La Statue en 1861 sur un texte de Barbier et Carré et Erostrate en 1862 sur un texte de Méry et Pacini. Il produit également un ballet en 1858, Sacoutalâ.

           De 1866 à 1898, il travaille comme critique musical dans divers journaux comme La Revue française, Le Courrier de Paris et Le Journal des Débats.
           C'est durant cette période qu'il écrivit ses oeuvres majeures : Sigurd en 1884 et Salammbô en 1890.


de Elestre